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MILLÉNARISME

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et que les noces du Boi-Messie avec son peuple devaient durer sept jours divins, soit 7000 ans, etc. Cf. Corrodi, Geschichte des Chiliasmus, Francfort, 1781, 1. 1, p. 3242° Origines chrétiennes. — 1. Notre-Seigneur eut à prêcher son Évangile au milieu d’un peuple qui, à l’exception de quelques âmes mieux éclairées, était imbu de l’idée d’un royaume temporel. Le Sauveur s’appuie sur cette espérance qui anime ses contemporains ; mais jamais il ne dit rien qui puisse favoriser l’interprétation grossière qu’ils font des prophéties. Fïls de l’homme, par conséquent Messie, il annonce le royaume, et en même temps il le fonde. Il dit aux pharisiens : « Si je chasse les démons par le doigt de Dieu, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu’à vous… Le royaume de Dieu est au milieu de vous. » Luc., xi, 20 ; xvii, 21. Il ne faut donc pas l’attendre sous une autre forme. De plus, le Sauveur se dispense de répondre directement aux questions qui visent le prétendu royaume temporel. Matth., xx, 21-23 ; Act., i, 6, 7, etc. On ne peut rien conclure à ce sujet des textes dans lesquels il promet le centuple « dans l’avenir » à ceux qui auront tout quitté pour le suivre. Matth., xix, 29 ; Marc, x, 29 ; Luc., xviii, 29. Il est visible que ces paroles ne sont pas à entendre dans un sens littéral, et que la récompense promise est « dans les cieux », Matth., v, 12, où tous seront « comme les anges ». Luc, xx, 36. Avant de mourir, il annonce non pas qu’il va fonder le royaume attendu, mais qu’il va retourner à son Père et que de là il enverra l’Esprit de Dieu. Joa., xvi, 5-7. Plus tard, sans doute, le Fils de l’homme reviendra sur les nuées ; mais ce sera pour juger définitivement les hommes et régler leur sort éternel. Matth., xxv, 31-46. Dans tout cet avenir prédit par le Sauveur, aucune place n’est laissée à l’idée même lointaine d’un millénium. — Toutefois, l’on a cru trouver dans saint Jean, v, 25-30, au moins l’annonce de deux résurrections successives : tout d’abord, il y a des morts qui entendront la voix du Fils de Dieu et qui vivront ; puis il y aura une résurrection générale pour tous sans exception, bons et mauvais. Cette première résurrection et la vie qui en est la conséquence ne constitueraient-elles pas une sorte de stade analogue au millénium ? Cf. Prager, Bas tausendjâhrige Reich, Leipzig, 1903, p. 33-40, Mais Notre-Seigneur explique lui-même que ce passage de la mort à la vie est l’effet de la foi qu’on a en sa parole et en sa mission, Joa., v, 24 ; il ajoute qu’il est lui-même « la résurrection et la vie », d’abord spirituellement, pour ceux qui croient en lui, Joa., xi, 25, 26, et même déjà corporellement, par exception, en faveur de ceux auxquels il rend la vie du corps afin de faire naître la foi dans d’autres âmes. Joa., xi, 44-45. Cette première résurrection est donc un phénomène spirituel qui appartient normalement au fonctionnement du royaume messianique. Quant à celle qui atteint le corps privé de vie, elle n’est alors ni générale pour les justes, puisque quelques-uns seulement ont été ressuscites par la puissance de Dieu, ni définitive, puisqu’ils sont ensuite retournés au tombeau. Rien ne serait donc plus gratuit, plus contraire à la lettre et à l’esprit de l’Évangile, que de prêter au Sauveur l’idée de composer son royaume avec les quelques privilégiés tirés par lui du tombeau. — D’ailleurs, Notre-Seigneur, dans sa description des derniers temps, exclut formellement toute possibilité de règne sur la terre. En effet, c’est seulement quand le ciel et la terre sont déjà bouleversés que le Fils de l’homme apparaît, envoie ses anges rassembler les élus et procède au jugement. Matth., xxiv, 29-31 ; Marc, xiii, 24-27 ; Luc, xvi, 2527. — 2. Saint Paul, qui ne peut manquer de connaître’les idées de ses compatriotes sur le règne temporel, n’écrit absolument rien qui puisse les accréditer. Pour encourager ceux qui sont persécutés, il rappelle que le Fils de Dieu viendra un jour pour le jugement, qui précédera le châtiment des méchants et la glorification de

! bons avec Dieu. II Thés., i, 5-10. Jésus-Christ est

ressuscité le premier ; après lui viendront ceux qui ont cru en lui ; puis ce sera la fin, quand il remettra le royaume au Père, après en avoir chassé les puissance » adverses. I Cor., xv, 23. S’il n’est pas question ici des méchants, ce n’est pas qu’ils soient réservés pour une résurrection différente, c’est tout simplement que l’Apôtre ne s’occupe pas d’eux dans ce passage. Pour lui il ne connaît qu’une résurrection. I Cor., xv, 51. Ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d’abord, puis les vivant » seront emportés dans les nuées à la rencontre du Christ, pour être toujours avec lui. I Thés., iv, 16-17. Ici encore saint Paul procède par prétention, , en ne faisant pas mention des méchants, mais il écarte formellement toute idée de royaume terrestre : ce n’est pas le Christ qui vient régner sur la terre, ce sont sesélus, morts et vivants, qui sont emportés dans les hauteurs, pour n’être plus séparés de lui. — Saint Pierre suppose, dans les derniers temps, un bouleversement de la terre qui ne permettrait pas d’y fonder un royaume : temporel. II Pet., iii, 5-7, 10-13. Sans doute, il attend « de nouveaux cieux et une nouvelle terre » ; mais quand le jugement sera déjà passé. Il ne s’agit donc pas d’un régne antérieur à ce jugement. Ces cieux et cette terre sont le royaume éternel. — 3. C’est l’Apocalypse de saint Jean qui semble fournir aux millénaristes chrétiens le meilleur appui pour leur système. L’apôtre dit que l’ange qui a la clef de l’abîme lie Satan pour mille ans. et le jette dans l’abîme, d’où il ne doit être remis en liberté qu’au bout de mille ans, pour un peu de temps. Pendant ces mille ans, ceux qui n’ont pas reçu le caractère de la bête vivent et régnent avec le Christ. Us ne régnent ainsi qu’après la première résurrection, qui les exempte de la seconde mort. Au bout de ces mille ans, Satan revient pour séduire les nations ; mais bientôt il est rejeté dans l’abîme avec le faux prophète pour les siècles des siècles. Apoc, xx, 2-7. À première vue, il paraît être ici question d’un règne temporel de mille ans, réservé aux fidèles serviteurs du Christ, entre deux agressions de Satan. C’est à peu près l’idée que les Juifs se faisaient de ce règne. Seulement saint Jean rapporte au Christ Jésus ce que les Juifs attribuaient à leur Messie encore à venir. Le vrai sens du texte de l’Apocalypse ne favorise pourtant pas l’hypothèse du régne temporel. Ce sens, dégagé peu à peu, a été fixé à la suite des discussions auxquelles le texte apocalyptique donna lieu. II. Le texte de l’Apocalypse. — 1° Il est incontestable que le livre de l’Apocalypse est rempli de symboles, d’allégories et de métaphores. La plupart de ces éléments sont empruntés aux anciens prophètes, surtout à Isaïe et à Daniel, el même aux apocalypses juives, particulièrement au livre d’Hénoch, à tel point que quelques-uns se sont demandé si l’œuvre de saint Jean ne serait pas une adaptation chrétienne de documents juifs. Cf. Apocalypse, 1. 1, col. 754. Ces emprunts de l’auteur au symbolisme juif, tant biblique qu’apocryphe, sont manifestes. La teneur même de son livre avertit donc dés l’abord qu’il ne faut pas s’en tenir au sens littéral, et que, pour entendre un passage à la lettre, il faut avoir des raisons très positives. Autrement ce serait tomber dans la même erreur que les Juifs dans l’interprétation des anciennes prophéties. Or les raisons qui pourraient obliger à interpréter littéralement le passage sur le règne de mille ans font défaut. — 2° Tout d’abord, la durée précise de mille ans de règne doit mettre en garde contre une interprétation littérale. Cette mention est de telle importance, si on l’entend à la lettre, qu’il faut nécessairement que quelque chose lui corresponde dans le quatrième évangile. Or il n’en est rien. Dans l’entretien qui précède la résurrection de Lazare, Marthe fait profession de sa foi en la résurrection, « au dernier jour. » Le Sauveur n’ajoute rien, sinon pour déclarer qu’il est lui-même le principe de toute résurrection. Joa., xi, 24r