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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/731

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MYTHIQUE (SENS)


— A. Lefêvre, Des Contes de Perrault, avec deux essais, Paris, 1882, p. lx sq., interprète ainsi le petit Chaperon touge : « Ce chaperon ou coiffure rouge, c’est le carmin de l’aube. Cette petite qui porte un gâteau, c’est l’aurore, que les Grecs nommaient la messagère, angelieia. Ce gâteau et ce pot de beurre, , ce sont peut-être les pains sacrés, adorea liba, et le beurre clarifié du sacrifice. La ïnère grand’, c’est la personnification des vieilles aurores tjue chaque jeune aurore va rejoindre. Le loup astucieux à la plaisanterie féroce, c’est, ou bien le soleil dévorant et amoureux, ou bien le nuage et la nuit. » Dans Peau d’Ane, « la belle jeune fille, c’est l’aurore ou la lumière. » « La peau d’âne, c’est la brume du matin, ou bien encore l’épaisseur du nuage où le soleil enfermé se révèle par des rayons intermittents. » Quant au petit Poucet, c’est « un dieu aryen conducteur et voleur des bœufs célestes, qu’il faut assimiler à l’Hermès enfant des hymnes borné-Tiques ». « Les bottes sont la vélocité de la lumière. » v. La forêt, c’est la nuit ou le nuage ; la lumière entrevue du haut de l’arbre, c’est l’aube lointaine. Les cailloux et la mie de pain, ce sont les étoiles, la voie lactée. » « L’ogre paraît bien être ici le soleil dévorant. » s

B) Le mythe ethnographique. — a) Opinion de divers critiques catholiques. — À côté du mythe astral, on a proposé le mythe ethnographique. Pour prétendre que les personnages qui figurent dans l’histoire patriarcale sont en réalité des personnifications de tribus, il faudrait supposer que les termes du récit biblique ne doivent pas être pris au sens propre, mais dans un sens figuré. C’est une hypothèse que certains auteurs catholiques ont admise en partie. Les patriarches, au moins à partir d’Abraham, auraient réellement existé, mais la tradition qui les concerne aurait été influencée par l’histoire postérieure des tribus. « Il n’est nullement impossible, dit M. Loisy, qu’Abraham ait existé, mais… la plupart des traits de sa légende varient selon les sources, ne conviennent pas à un individu, sont des symboles ethnographiques ou religieux. » Revue d’hist. et de littérat. relig., 1900, p. 543. A propos d’Ismaël : « Les destinées de la nation ou de la tribu, dit-il, se reflètent parfois dans l’histoire du héros éponyme. i> « Le sort de ces tribus (arabes), constamment repoussées du territoire palestinien vers le désert, est figuré dans l’expulsion d’Agar et d’Ismaël. Les récits de J et de E sont l’expression populaire d’une réalité historique. Le sens ethnique des mots prime dans ces récits le sens individuel. » lbid., p. 269. De même, « Jacob est le type d’un peuple. » Ses bénédictions « ont des tribus pour objet, non des personnes ; les conditions historiques et géographiques qui s’y reflètent sont celles du temps des Juges, de Samuel, de David ; c’est alors qu’elles ont reçu leur forme poétique actuelle. Est-il bien nécessaire d’admettre qu’elles se fondent sur une tradition remontant jusqu’au patriarche lui-même » ? Ibid., p. 543. — De son côté, le P. Bonaccorsi, art. cit., p. 305 sq., parlant de a l’histoire primordiale qui embrasse tout l’âge patriarcal et qui est racontée dans la Genèse », déclare qu’il suffit de la comparer à l’histoire primitive des autres peuples, pour constater immédiatement l’affinité du genre littéraire entre ces narrations, bien que, « n fait de théologie et de morale, la différence soit immense : or, ajoute-t-il, chez aucun peuple pareille histoire ne se présente comme de l’histoire rigoureuse, c’est plutôt un mélange d’histoire et de légende, ce sont des traditions populaires que l’histoire veut transmettre à la postérité. Cf. Bévue bibl., 1903, p. 475. — Le P. Lagrange, tout en déclarant impossible que nous possédions « des souvenirs historiques de ces temps reculés qui ont précédé Abraham », La méthode historique, p. 209, semble, pour les récits qui concernent les âges suivants, poser seulement la question de leur historicité parfaite, en insinuant qu’on pourrait, à la façon du Dictionary 0( the Bible, se contenter d’y trouver une historicité substantielle. « Quant au rapport des peuples entre eux,

D1CT. DE LA BIBLE,

dit-il, au sentiment de la parenté qui les unit, ou de l’hostilité qui les divise, quant aux sanctuaires eux-mêmes, la légende peut très bien faire allusion à un événement historique. Le vrai problème est donc de savoir si Israël a conservé, au sujet des patriarches, des souvenirs assez précis pour qu’on puisse les qualifier d’historiques. » Revue bibl., 1901, p. 619. « II est constant que l’histoire ne cesse pas d’être de l’histoire, pour être écrite d’une certaine façon. Si Benjamin est un homme, il est historiquement certain qu’il est né au pays de Canaan ; si Benjamin est une tribu, la conclusion sera la même. Toute la question sera de. s’entendre sur le sens des mots et sur la nature du langage, propre ou figuré, et de conserver le sens général de la tradition. » lbid., 1902, p. 124.

b) Sentiment catholique plus général. — Cependant la plupart des critiques catholiques continuent d’interpréter l’histoire des patriarches au sens littéral. — Il leur paraît que la question littéraire, dont dépend la question même d’historicité, est loin d’être élucidée au sens que prétendent généralement les critiques indépendants. Ce qui semble établi aujourd’hui, c’est que la Genèse a été composée à l’aide de documents antérieurs ; mais cela n’est pas pour diminuer la valeur historique de cet écrit : tout au contraire. On tend, il est vrai, à abaisser l’origine des deux principaux de ces documents, rÉlohiste et le Jéhoviste, au ix s ou vm c siècle avant J.-C, environ 500 ans après Moïse, mais, s’il est bien certain, comme on le reconnaît, que ces documents ne sont pas postérieurs à l’époque des prophètes, Amos, Osée (vers 750), rien ne prouve qu’ils ne remontent pas plus haut. Un certain nombre de critiques, entre autres Driver, Lilerature of the O. T., 1898, p. 125, les assignent approximativement aux premiers siècles de la monarchie (xe ou XIe siècle) : ne pourraient-ils pas être encore plus anciens ? Dans ces documents principaux, on reconnaît des débris de documents primitifs déjà utilisés : pourquoi ces documents primitifs ne remonteraient-ils pas aux temps mêmes des patriarches ? Les découvertes assyriologiques prouvent d’une manière incontestable que l’écriture était usitée depuis plusieurs siècles à l’époque d’Abraham. Le Code et les Lettres d’Hammourabi, son contemporain, montrent bien qu’on écrivait alors souvent et longuement. — Sans doute, après avoir distingué des sources multiples dans notre livre, on s’efforce de les mettre en opposition les unes avec les autres, d’en faire ressortir les variantes, de conclure à des modifications tendancieuses, à des transformations mythiques ou légendaires : mais dans ce travail de comparaison il entre trop d’arbitraire, d’esprit de système et d’appréciation subjective, pour qu’on puisseen accueillir sans défiance les résultats. — Par contre, il est très remarquable que partout où les découvertes modernes ont pu entrer en contact avec les faits primitifs de l’histoire biblique, elles en ont montré décisivement la vérité. — L’assyriologie trouve un cachet historique frappant dans l’épisode d’Abraham repoussant l’invasion des quatre princes élamiles, parmi lesquels Chodorlahomor, ou Kuudsw-lagamar, « serviteur du dieu élamite Lagamar, et Amraphel, » identifié avec Hammourabi. « Quoi qu’en aient dit certains exégètes, déclare M. Loisy, l’épisode de Chodorlahomor est un excellent certificat d’existence personnelle décerné au Père des croyants. » Eludes bibl., p. 65. <t II est démontré avec toute la certitude désirable, dit M. Fritz Hommel, qu’Abraham a été contemporain de Hammourabi. Toutes les données relatives à Hammourabi fournissent le cadre naturel de son histoire et confirment en même temps d’une manière surprenante l’exactitude de la tradition biblique qui nous montre l’ami de Dieu fuyant 1q polythéisme babylonien. » Die Altisrælitische Ueber^ lieferung, p. 199. Cf. F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 1896, t. i, p. 481 sq. — L’égypto 1T. — 45