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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/837

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NICOLAÏTES — NICOLAS


Àct., vi, 5. Le saint docteur se contente de dire d’eux que indiscrète vivunt, « ils vivent dans le dérèglement. » Tertullien, De prsescript., 46, t. ii, col. 63, et tous les Pères qui s’occupent des Nicolaïtes attribuent à leur nom la même origine. Cf. S. Épiphane, Hier., xxv, t. xli, col. 321 ; S. Augustin, De kseres., 5, t. xlii, 26.

— 2° On peut aussi se demander si le diacre Nicolas a été lui-même un hérésiarque. Saint Irénée, tout en rattachant les Nicolaïtes au diacre Nicolas, ne dit pas positivement que celui-ci ait erré. L’auteur des Philosophumena, vu, 8, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 392, est plus explicite. Il accuse Nicolas d’avoir été l’auteur d’une secte pernicieuse, en s’écartant lui-même de la vraie doctrine et en enseignant l’indifférence de la vie et de la nourriture, àSwçopiav 6tou ts xat fSpiicrewç. Ce sont ses disciples que saint Jean aurait eu en vue dans l’Apocalypse. Clément d’Alexandrie, Slrom., iii, 4, t, viii, col. 1232, suivi par Eusèbe, H. E., iii, 29, t. xx, col. 277, atteste l’immoralité de la secte, mais il dégage le diacre de toute paternité vis-à-vis d’elle. Il raconte qu’on reprochait au diacre d’être trop épris de sa femme, et que, pour se justifier, Nicolas amena celle-ci dans l’assemblée en disant : Quiconque la veut peut l’épouser, car, ajoutait-il, rcapaxprioOai t fj <rapx Sef. Le verbe mapaxpîiff6ai, qui veut dire « abuser », signifie aussi « maltraiter », Hérodote, iii, 92, et « faire peu de cas d’une chose ». Hérodote, l, 108 ; ii, 141 ; viii, 20. Le même auteur, iv, 159 ; vii, 223, appelle napaxpe<ô|Aevot, ceux qui sont « insouciants » de leur vie ou de leur sort. Plus tard, les Nicolaïtes lui empruntèrent sa maxime, mais en la prenant dans un sens tout différent : Il faut abuser de la ^hair, c’est-à-dire en user comme on l’entend, au gré de ses passions. Ils interprétaient l’offre du renoncement du diacre en ce sens que, d’après lui, chacun était en droit d’user de la femme d’un autre, la fornication et l’adultère étant choses indifférentes. Ce que l’on sait de la famille de Nicolas ne permet pas de penser qu’il ait ainsi interprété sa maxime. Il est à croire que s’il fût devenu lui-même un apostat et un chef de secte immorale, saint Luc, en le nommant, Act., vi, 5, l’eût qualifié d’un mot comme il l’a fait pour Judas. Luc, vi, 16. — 3e Il n’est même pas absolument certain que les Nicolaïtes aient emprunté leur nom au diacre. Saint Jean les assimile à Balaam et suppose l’existence d’une secte se rattachant par son nom à ce faux prophète. Cf. Jud., 11 ; II Pet., ii, 15. Dôllinger, Christenlhum und Kirche, Munich, 1860, p. 131, croit devoir distinguer les Nicolaïtes et les Balaamites. On les regarde généralement comme identiques. Cf. Lange, Die Judenchrist. Ebion. und Nicol., Leipzig, 1828. — 4° L’école de Baur a prétendu reconnaître, dans les Nicolaïtes, des chrétiens de saint Paul poursuivis, sous ce nom, par l’apôtre saint Jean. Ainsi s’expliqueraient les allusions du premier à ceux qui se disent apôtres sans l’être, I Cor., ix, 1-5 ; II Cor., xi, 5 ; Gal., i, 1 ; aux profondeurs de Satan opposées aux profondeurs de Dieu, I Cor., H, 10 ; aux viandes idolâtriques que saint Paul permet en certains cas. I Cor., x, 23. Dans la personne de ces chrétiens peu scrupuleux à l’égard des préceptes de la loi juive, saint Jean viserait l’apôtre des gentils lui-même. Il faudrait de fortes preuves pour établir une pareille thèse. Ces preuves font, défaut. Les immoralités que saint Jean dénonce n’ont rien de commun avec ce que saint Paul permettait aux chrétiens venus de la gentilité. Rien ne prouve non plus que la fornication, nopvefa, stigmatisée par l’Apocalypse, ii, 14, vise les mariages entre Juifs et personnes étrangères à la race d’Israël. Cette fornication est l’immoralité déjà flétrie par saint Jude, 4, 10, et par saint Pierre. II Pet., ii, 2, 10. D’ailleurs, il n’existe aucune espèce de donnée historique qui permette de rattacher les Nicolaïtes à saint Paul ou à son entourage. — 5° En somme, cette secte se distinguait par son immoralité, par son mépris pour la loi

concernant les viandes offertes aux idoles, par la prétention de ses chefs à se dire juifs et apôtres, par ses spéculations aventureuses et incompréhensibles que saint Jean appelle les profondeurs de Satan. Apoc, ii, 24. La secte se perpétua assez longtemps après saint Jean, et sur son enseignement compliqué se greffèrent plus tard les absurdités du système ophite. Cf. Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1906, 1. 1, p. 76-77

H. Lesêtre.

1. NICOLAS (grec : Nixo).aoç, de vtxi] et Xaôç « vainqueur du peuple ; » Yulgate : Nicolaus), un des sept diacres de la primitive Église, le dernier nommé dans la liste, à qui les Apôtres confièrent le soin des pauvres et des veuves de Jérusalem. Act., vi, 5. C’était un prosélyte d’Antioche, par conséquent d’origine païenne. Dans l’antiquité, plusieurs Pères ont vu en lui le chef de la

. secte des Nicolaïtes, d’autres au contraire ont fait son éloge. Voir Nicolaïtes. D’après saint Épiphane, Hier., i, 25, 1, t. xli, col. 320, et le Pseudo-Dorothée, Patr. gr., t. xcii, col. 1062, n° 12, dans le Chronicon pascale. Nicolas était un des soixante-douze disciples. Le Pseudo-Dorothée le fait évêque de Samarie. Sa réputation n’a pas néanmoins été celle d’un saint, et ni l’Église grecque ni l’Église latine n’ont honoré d’un culte sa mémoire comme celle des autres premiers diacres. Les anciens Pères, ceux qui le condamnent comme ceux qui le défendent, sont d’accord pour reconnaître que sa femme fut la cause indirecte des griefs qu’on lui reprocha. Il avait une épouse fort belle, raconte saint Épiphane, Hœr., I, 25, t. xli, col. 321, et il la quitta pour vivre dans la perfection, mais il la reprit plus tard et se plongea dans le désordre. L’évéque cypriote est appuyé sur ce point par saint Irénée, Cont. hser., i, 26, 3, t. vii, col. 687 ; Tertullien, De prsescript., xlvi, t. ii, col. 63 ; l’auteur des Philosophumenæ, vii, 36, t. xvi, col. 3443 ; saint Hilaire, In Matth., xxv, t. îx, col. 1053 ; saint Grégoire de Nysse, In Eunom., xi, t. xlv, col. 880 ; saint Philastre, De hser., xxxiii, t. XII, col. 1148 ; saint Jérôme, Epist., cxlvii, ad Sabin., 4, t. xxii, col. 11081109 ; Cassien, Coll. xviii, 16, t. xlix, col. 1120 ; saint Grégoire le Grand, Boni, xxxrm in Evang., 7, t. lxxvi, col. 1286.

Clément d’Alexandrie, qui est un témoin plus ancien que saint Épiphane, présente les faits sous un autre jour. D’après son récit, Strom., iii, 4, t. viii, col. 1129, les Apôtres reprochèrent un jour à Nicolas d’être trop jaloux de sa femme. Pour se justifier, le diacre la fit venir et déclara publiquement qu’il permettait de l’épouser à quiconque la voudrait. Cette parole était inconsidérée et répréhensible, mais néanmoins Nicolas mena une vie chaste et ses fils et ses filles qui vécurent longtemps, gardèrent la virginité perpétuelle. Clément cite aussi une autre parole attribuée à Nicolas et dont les hérétiques firent mauvais usage. Il avait dit qu’il faut maltraiter la chair et en abuser, napax ?^ » -Clément, Strom-, ii, 20, t. viii, col. 1061. Il entendait par là qu’il faut réprimer la concupiscence et mortifier la chair, mais les hérétiques qui usurpèrent son nom l’interprétèrent dans un mauvais sens. La version de Clément d’Alexandrie, favorable quant au fond au diacre Nicolas, a été acceptée par l’historien Eusèbe qui reproduit tout au long, H. E., iii, 29, t. xx, col. 276, les’paroles du docteur alexandrin, par Théodoret, Hseret. fab., iii, 1, t. cxxxiii, col. 401. Cf. Victorin de Pettau, In Apoc, ii, 6, t. v, col. 321. Cf. aussi les épîtres interpolées de saint Ignace, Ad Trall., xi ; ad Philad., vi, dans les Patres apostolici, édit. O. de Gebhart, etc., Leipzig, 1876, t. ii, p. 192, 238 ; Constit. apost., vi, 8, t. i, col. 928, et la note de Cotelier, ibid. Il résulte de tous ces témoignages que, d’après l’opinion des plus anciens écrivains ecclésiastiques, sr la conduite de Nicolas n’a pas été blâmable, comme l’ont dit plusieurs d’entre eux, son langage avait du moins manqué de