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ORIGÈNE

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f| o’(xovo|iï16s ! (îa iirô toG @eo0 et ; Mpûitmi cuKïipiav Tpaipri. » T. xi, col. 365. Triplicem in divinis Scripturis intelligentiss inveniri smpe diximus modum, historicum, moralem et myslicum : unde et corpus inesse ei, et animant, ac spiritum intelleximus. In Levit., homil. v, 5, t. xii, col. 456. Dans ce dernier passage le triple sens biblique est figuré par les trois instruments qui servaient â cuire la viande des sacrifices : le four, le gril et la poêle. Ailleurs nous trouvons d’autres symboles, par exemple les trois étages de l’arche, In Gen., hom. H, 6, les trois pains prêtés par l’ami. Luc, xi, 5, etc. Il est notoire que cette terminologie a été inspirée à Origène par la trichotomie de Platon. On ne peut guère douter que la gradation des sens scripturaires ne réponde à la gradation du composé humain : corps, âme et esprit. Cependant, chose curieuse, l’ordre « st différent dans plusieurs homélies traduites parRufin et le sens moral qui est Yâme de l’Écriture occupe le troisième rang, le plus élevé. In Gen., hom. ii, 5, t. xii, col. 173 (expositio historica, mystica, moralis) ; hom. xi, 3, t. xii, col. 224 (secundum litteram, secundum spiritum, et si moralem locum contigero) ; hom. xvii, 9, t. xii, col. 262 (secundum historiam, secundum mysticum inlellectum, etiam moralem sermonem). — Origène n’a jamais dit bien nettement ce -qu’il entend par le corps, l’âme et l’esprit de l’Écriture. La définition la plus claire se trouve, à notre avis, dans un passage tiré de l’homélie v sur le Lévitique et conservé en grec par les auteurs de la Philocalie, t. Xii, col. 421 (rapporté par erreur à l’homélie n ; la traduction de Ruiin se lit col. 447) : « Puisque l’Écriture se compose, pour ainsi dire, d’un corps visible, d’une âme intelligible et d’un esprit qui contient les figures et l’ombre des choses célestes, invoquons Celui qui a donné à l’Écriture le corps, l’âme et l’esprit, le corps pour ceux qui nous ont précédés, l’âme pour nous, l’esprit pour ceux qui, au siècle futur, doivent hériter de la vie éternelle » (<r&[i.a |j, àv toïç rcpô rinwv, ^^XV &l Jlfdîv, 5T/eO[).a 8è toîc èv ™ [iéXXovti a’tfiivi xXripovonif)(jouot Ç(t>r|V aïtuvcûv).

1° Le sens corporel. — Origène le "désigne par divers synonymes : xaxà xo YpàiA^a, xatà tô pïjxiv, xatà Xiijtv, xaià ioTopfxv, x « Ta ty)V o-àpxa, xaxà tïjv avuôvyîiv, etc. C’est le corps, la chair et la lettre de l’Ecriture, le sens grammatical, le sens historique, le sens sensible. Rufm traduit : corpus, litlera, historia, caro litlerx, historialis consequentia, secundum litteram, expositio corporea, etc., sans qu’on distingue entre ces divers termes aucune nuance de signification. Mais ce qu’il importe de noter c’est que le sens corporel d’Origènene répond nullement à notre sens littéral. Ce n’est notre sens littéral que lorsque celui-ci est exprimé sans figures, par des mots qui conservent leur signification propre. Origène affirme souvent qu’il y a des endroits <lans l’Écriture où le sens corporel n’existe pas ; s’il se servait de notre terminologie son assertion serait non seulement absurde mais totalement inintelligible. Les exemples nombreux qu’il allègue expliquent sa pensée. Ce sont les anthropomorphismes qu’il faut prendre pour des métaphores, les récits qui, entendus à la lettre, exprimeraient quelque chose d’indigne du Dieu révélateur et où il faut par conséquent chercher une allégorie, enfin les préceptes impossibles à observer ou déraisonnables dès qu’on les interprète au sens obvie. Nous dirions, en langage moderne, que dans tous ces cas le sens littéral est figuré. Origène parle autrement en voulant dire la même chose. Cf. Periarchon, iv, 1219, t. xi, col. 365-385.

2° Le sens psychique. — Ce sens intermédiaire, répondant à Yâme de la trichotomie platonicienne, a fort peu de relief. Un exemple de ce sens psychique ou moral nous est fourni par saint Paul, I Cor., îx, 9, appliquant aux ouvriers évangéliques le précepte de la

Loi : * Tu ne muselleras pas le bœuf qui dépique sur l’aire. » Periarchon, iv, 12, t. xi, col. 368. Le but de ce sens est ainsi défini dans l’homélie xvii, 9, sur la Genèse, t. xii, col. 262 : Vt Scripturarum studiosi, non solum quidin aliis, vel db aliis gestum sit, sed etiam ipsi intra se quid gerere debeani doceantur. En général ce qui est capable d’édifier le commun des lecteurs ou des auditeurs appartient à ce sens moral ; et voilà peut-être pourquoi dans les homélies, dont l’objet principal est l’édification des fidèles, le sens moral occupe souvent la troisième place, la première en dignité. Mais, dans la pratique, Origène néglige presque toujours le sens intermédiaire et sa trichotomie se réduit à deux termes : la lettre et l’esprit. C’est d’ailleurs plus conforme à la psychologie chrétienne et à la tradition juive. Les thérapeutes, suivant Eusèbe, H. E., ii, 17, t. xx, col. 184, comparaient la législation mosaïque à un animal, dont le corps répondrait à la lettre et l’âme à l’esprit de l’Ecriture (<715[i.a [iàv e’xe" tàç p’ità ? XéÇetc, J/UXV Se tov êva7coxe£u.evov Taîç Xé ?e<itv âdpaTov voûv).

3° Le sens pneumatique ou spirituel. — Ce sens, qui comprend le plus souvent le sens psychique lui-même, est désigné par une foule de synonymes, entre lesquels il est difficile de découvrir une différence : àvaywY^’  « XX^yopis, tephioia, nveu[iaTixTi èxSoxrj, sensus mysticus, allegoricus, spiritalis intelligentia, etc. Voir Redepenning, Origenes, t. i, p. 365. Un grand défaut de la terminologie d’Origène c’est qu’il range dans la catégorie du sens spirituel les notions les plus diverses : 1. Le sens métaphorique, ou plus généralement, le sens figuré, est un sens spirituel, tandis que le sens propre rentre dans le corps ou la lettre de l’Écriture. — 2. Le sens typique est aussi un sens spirituel ; et à cela il n’y a rien à dire. — 3. Le sens conséquent et même le sens accommodatice sont également attribués au sens spirituel, et ici le langage est complètement abusif et n’a pour excuse que l’usage ordinaire des Pères de l’Église. Il est évident que la signification matérielle des nîbts, indépendamment de l’intention de l’hagiographe ou du Saint-Esprit, n’est pas un sens de l’Écriture ; et il faut en dire autant du sens que l’interprète ou le lecteur peut extraire, par voie d’analogie ou de conséquence, de la parole inspirée. — Origène rapporte toujours à saint Paul sa théorie du sens spirituel et cite à maintes reprises les textes suivants. : Rom., xi, 4 (application accommodatice ) ; I Cor., x, 4 (breuvage spirituel) ; x, 11 (significations typiques) ; Gal., IV, 21 (interprétation allégorique) ; Col., ii, 12 (la Loi, ombre des réalités à venir) ; Heb., viii, 5 (l’Ancien Testament est, par rapport au Nouveau, tOtioç, eïxwv et axii). Nous avons vu plus haut que I Cor., ix, 9 (sens conséquent), était donné comme exemple du sens psychique. On voit par là que le sens spirituel embrasse à la fois l’accommodation, l’allégorie, la métaphore et le type proprement dit.

/II. règles d’interprétation. — 1° Règles générales. Elles peuvent se réduire à trois. — A) Expliquer l’Écriture d’une manière digne de Dieu, auteur de l’Écriture.

— Cette règle est souvent formulée. In 1er., hom. xii, 1, t. XIII, col. 377 : "O 71po ; Tois<7eTai i npoçr/rr, ; Xé^eiv ùitb ŒoO, ôcpeîXsi aÇtov elvai toO ©eo-j. Periarchon, IV, 9, t. xi, col. 361 : ’AÇîroc xf, ; Tpa^f^. In Numer., hom. xxvi, 3, t. xii, col. 774 : Conveniens videtur hsec secundum dignitatem, immo potius secundum majestatem loquentis intelligi. La raison en est bien simple. L’Écriture n’est pas l’œuvre des hommes mais de Dieu : il faut donc qu’elle reflète la vérité, l’unité, la plénitude et aussi la sainteté de son auteur. Par conséquent, l’interprète ne doit rien admettre de faux, rien de contradictoire, rien d’opposé à la sagesse, à la justice et aux autres perfections de Dieu. Deux passages remarquables conservés dans la Philocalie, chap. vi, t. xiii, col. 832, et chap. v, t. xiv, col. 192, mettent bien en relief l’harmonie divine des Livres Sacrés. Mais c’est le