Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/1294

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2523
2524
ZACHARIE (LIVRE DE)


indication de temps, cela tient sans doute à ce qu’ils s’occupent surtout d’un avenir lointain, d’un avenir messianique. — 3° Autre objection. Dans les premiers chapitres, on rencontre fréquemment les formules : « Ainsi parle le Seigneur, » i, 3, 4, 14, 16, 17 ; ii, 8 ; iii, 7 ; vi, 12, etc. ; « La parole du Seigneur vint à…, » i, 7 ; iv, 8 ; vi, 9 ; vii, 1, 4, 8 ; viii, 1, 18. Or, la première de ces formules n’apparaît qu’une fois, xi, 4, dans Zach., ix-xiv, et la seconde, pas une seule fois. En outre, les mêmes chap. ix-xiv emploient souvent la locution « en ce jour-là », ix, 16 ; xi, 11 ; xii, 3, 4, 6, 8, 9, 11 ; xiii, 1, 2, 4 ; xiv, 4, 6, 8, qui est très rare dans les chap. i-vm. Cf. iii, 10, et vi, 10. Mais qui ne voit que cette prétendue divergence est toute de surface, et qu’elle s’explique par les différences du ton et du sujet dans les deux parties ? — 4° Enfin, en comparant les chap. ix-xiv aux premiers, de graves auteurs, qui sont en même temps d’excellents juges en fait d’hébreu, constatent plutôt une affinité entre eux sous le rapport du langage. C’est ainsi que plusieurs expressions rares, telles que « les allants et les venants », vil, 14, et IX, 8 ; hé’éldr dans le sens d’enlever, iii, 4, et xiii, 2 ; la désignation symbolique de la providence par l’expression « l’œil de Dieu », iii, 9 ; IV, 10 ; IX, 1, 8 ; la désignation du peuple théocratique par les termes synonymes de Juda, d’Israël, de Joseph, d’Kphraïm, I, 12 ; ii, 2, 12 ; viii, 15 ; IX, 9 ou 13 ; x, 6 ; xi, 14, etc., se retrouvent de part et d’autre. Voir Keil, Einleitung, p. 341-342.

2° Les chap. ïx-xtv n’ont pas été composés avant l’exil, au vi/ie ou au VIP siècle avant J.-C. — a) Preuve tirée du sujet traité. Ces chapitres supposent, pour le peuple juif, des conditions semblables à celles qui existaient après la captivité de Babylone, telles que nous les connaissons par Aggée, Esdras, etc. ; semblables aussi à celles qui sont décrites dans les chap. ivni. Quelques détails suffiront pour nous en convaincre. Zach., ix, 11-12, les exilés sont invités à revenir au plus vite à Sion ; trait qui convient spécialement à l’époque de Zorobabel et de Zacharie (cf. ii, 6-8) ; Zach., x, 2, la dispersion et la captivité de Juda sont présentées comme des faits du temps passé ; x, 6, il en est de même en ce qui concerne les deux anciens royaumes israélites ; x, 8, il est dit que les membres de la tribu d’Éphraïm reviendront à leur tour d’exil ; d’où il suit que tous les Juifs n’avaient pas encore quitté la terre de captivité ; x, 10, le prophète annonce que les captifs reviendront d’Egypte et d’Assyrie, et qu’ils habiteront Galaad et le Liban ; cela prouve que Jérusalem et ses .alentours étaient déjà repeuplés. Cf. Knabenbauer, Proph. Minores, t. ii, p. 217. D’autre part, la colonie juive à laquelle s’adresse l’auteur des chap. ix-xiv est encore humble et faible, et il lui promet qu’elle s’agrandira et se fortifiera. Il ne mentionne pas de rois, mais des chefs, ix, 7 ; xii, 5-6. S’il parle de la maison de David et lui promet la gloire et la prospérité, c’estseulement pour un avenir lointain. Cf. xii, 7-8 ; xiii, 1. Les ennemis d’Israël ne sont plus les Égyptiens et les Assyriens, ix, 13 ; la captivité a donc pris fin. Le passage xii, 11, est généralement regardé comme se rapportant à la mort du roi Josias (609 av. J.-C), et à la lamentation mentionnée IV Reg., xxiii, 29-30 ; II Par., xxxv, 2225. Or ce trait nous rapproche beaucoup de la ruine de Jérusalem (586) et de l’exil. La « maison de Lévi » est signalée comme jouissant d’une situation indépendante, à côté de la « maison de David ». Celle-ci, après la captivité, avait perdu beaucoup de son prestige ; celle-là avait au contraire ajouté au sien. On le voit, la situation historique indique nettement l’époque d’après l’exil, comme le reconnaissent Stade, Cornill, et la plupart des critiques contemporains. Si divers traits semblent revendiquer, comme date de la composition, une période antérieure à l’exil, c’est par suite d’une fiction littéraire qui n’est pas rare chez les écrivains

sacrés. Dans les chap. ix-xiv, nous l’avons dit, c’est vers l’avenir que le prophète porte surtout ses regards ; c’est l’avènement et la splendeur des temps messianiques qui sont l’objet principal de ses oracles : il les décrit en employant les couleurs du passé et de l’avenir. Ainsi, bien qu’ils n’existassent plus comme royaumes au temps de l’auteur, Éphraïm et Juda sont encore mentionnés, parce qu’ils formaient les éléments constitutifs de l’ancienne théocratie, et parce que la petite communauté revenue d’exil représentait ces deux anciens Éiats. — b) Une autre preuve que les chap. ix-xiv n’ont pas été écrits avant l’exil, c’est qu’ils, font, comme du reste la première partie du livre, de fréquents emprunts à des oracles prophétiques datant de la captivité. Ces emprunts sont faits particulièrement à Jérémie et à Ézéchiel. On peut comparer Zach. r ix, 2-3, et Ez., xxviii, 3-4 ; Zach., x, 3, et Ez., xxxiv, 17 ; Zach., xi, 3, et Jer., xxv, 36 ; Zach., xi, 4, et Ez., xxxiv, 4 ; Zach., xi, 5 ; et Jer., x, 7 ; Zach., vi, 7, 11, et Jer., Lix, 20 ; L, 45 ; Zach., xi, 8, et Jer., ii, 8, 26 ; Zach., xi, 9, et Jer., xxxiv, 17 ; Zach., xi, 16, et Ez., xxxiv, 3-4, etc. Voir van Hoonacker, Les douze petits prophètes, p. 583 ; Cornely, Introd., t. ii, p. 604-605. Hengstenbergf a fort bien mis ce fait en lumière, et le rationaliste de Wette en a été tellement frappé, qu’après avoir nié d’abord l’unité d’auteur, il l’a ensuite admise pour cemotif. Einleitung, 4e édit., p. 337.

3° Les chap. ix-xiv n’ont pas été composés à l’époque tardive imaginée par les néo-critiques. —A la démonstration positive qui vient d’être donnée, s’ajoute la preuve négative, qui consiste dans le caractère inacceptable des interprétations proposées-en maint endroit. Citons quelques exemples. L’Assyrie et l’Egypte, mentionnées Zach., XI, 10-11, ne représenteraient pas les-deux grands empires situés sur les rives du Tigre et du Nil, mais la Syrie des Séleucides et l’Egypte des Ptolémées. Leurs noms nous transporteraient donc à l’époque des successeurs d’Alexandre le Grand, entre les années306 et 278 avant J.-C. De même, au passage Zach., ix, 13, les benê Yavdn, vaincus par les fils de Sion, ne seraient autres que les Grecs postérieurs à Alexandre. Ceux qui parlent ainsi oublient que la lutte de Darius fils d’Ilystaspe avec les Grecs, qui eut un retentissement si considérable, suffisait pour qu’un prophète d’Israël annonçât alors un conflit futur entre son peuple et Javan-On prétend aussi que, dans les chap. ix-xiv, l’espérance messianique revêt un caractère « fantastique », qui est l’indice d’une époque récente. Mais ce sont là des assertions non fondées. — En résumé, on n’a aucune raison suffisante d’abandonner la tradition juive et chrétienne qui regarde le livre entier de Zacharie comme l’œuvre d’un seul et même auteur. Telle est toujoursl’opinion, non seulement des interprètes catholiques, mais aussi d’un nombre assez considérable de protestants orthodoxes.

V. L’importance théologique du livre. — 1. L’importance du livre de Zacharie est très grande sous le rapport théocratique, car toutes les visions qu’il décrit, tous les discours qu’il reproduit, annoncent tour à tour que la nation sainte ne périra pas, mais que, reconstituée sur de nouvelles bases, elle durera jusqu’à la fin des temps. Or, il est évident qu’une telle prédiction n’intéresse pas moins l’Église chrétienne que la synagogue, puisque c’est par l’Église du Christ que la théocratie juive devait être et est en réalité continuée, complétée. Il suit de là que le livre de Zacharie est tout du long messianique dans son ensemble.

2. Il ne l’esl pas moins dans ses détails qui, en nombre relativement considérable, se rapportent directement à la personne et à l’œuvre du Messie. Les principaux passages de ce genre sont : iii, 8, où nous trouvons le beau nom de germe, zémah, déjà employé dans le même sens par Isaïe, iv, 2, et par Jérémie, xxiii, 5,