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PHYLACTÈRES


vent, et qui se rapportent aux tôtâfôt, auraient-elles dû l’être ? Bon nombre d’expressions équivalentes se rencontrent d’ailleurs dans les Livres sacrés, sans qu’on ait songé à leur donner une interprétation matérielle. Il est dit, par exemple, qu’il faut « attacher à son cou » la miséricorde et la vérité, Prov., iii, 3, ainsi que l’enseignement du père et de la mère, « lier sur ses doigts et écrire sur la table de son cœur » les leçons du sage. Prov., vil, 3, etc. ; cf. Cant., viii, 6. Ces expressions figurées ont toujours été comprises dans le sens d’une grande attention, d’un soin vigilant, pour ne rien oublier de ce qu’il faut retenir et pratiquer. Les anciens Héhreux entendaient de même les recommandations relatives â la Loi.

II. La. pratique juive. — 1° Les tôtâfôt prennent, dans l’Évangile, le nom de ç-jXaxrripia. Matth., xxiii, 6. Le mot <ç>uXaxTT|piov vient de ouXoktiteiv, « garder, » et signifie « moyen de garder, préservatif, amulette ». Bien que le verbe o-jXaa-treiv ait quelquefois le sens

78. — Phylactère pour la tête. D’après L. Cl. Fillion, Atlas archéologique de la Bible, 2e édit., pi. cix v

d’  « observer une loi », cf. Bailly, Dict. gr. franc., p. 2104, ce sens n’a point passé au substantif et il n’est pas probable que l’évangéliste ou son traducteur le lui aient prêté, contrairement à l’usage de la langue grecque. D’ailleurs, le Targum sur Cant., viii, 3, voit dans les phylactères des amulettes contre les démons. Voir Amulkcte, t. i, col. 531. Il est donc à croire qu’à l’époque évangélique le mot tôtâfôt avait pris ce sens. On ne peut être étonné que les pharisiens aient regardé le port des phylactères comme l’expression parfaite de l’accomplissement de la Loi et comme un préservatif assuré contre les malédictions qui menaçaient ses transgresseurs. Les rabbins ont substitué au terme hébreu celui de tefillîn, qui vient de tefillâh, « prière, a parce que les phylactères se portaient pendant la prière et qu’ils constituaient eux-mêmes une sorte de prière.

2° Les Juifs attachaient la plus grande importance aux phylactères. Il en est question dans quinze des traités de la Miscima, cf. Berachotfi, iii, 1, 3 ; Scliab--bath, VI, 2 ; viii, 3 ; xvi, 1, etc., et dans plusieurs Targums. Un petit traité talmudique intitulé Massecheth Tephillin ou simplement Tephillin, résume tout ce

que les docteurs ont décidé sur le sujet. Maimonide s’en occupe dans Hilchoth Tephillin. On avait réglé jusque dans les détails les plus minutieux ce qui concerne les Tephillin. On en distinguait de deux sortes, la (efillah Sél r’os, ou phylactère pour la tête (fig. 78), et la (efillâh Sél yàd, phylactère pour la main, cf. Menachoih, iv, 1, ou Sél zerôa’, pour le bras (fig. 79 et 80), cf. Mikvaoth, x, 3. La tefillâh du front se" composait d’une petite cassette de basane, divisée en quatre compartiments, dans chacun desquels on enfermait l’un des quatre passages prescrits, soigneusement écrits sur parchemin. La cassette, appliquée sur le

— Phylactère pour le bras. D’après Kitto, Cyclopsedia ofBiblical Literature, 1866, t. iii, fig. 433.

front, y était retenue par deux courroies qui se nouaient derrière la tête et venaient retomber sur la poitrine par-dessus les épaules. La tefillâh de la main ou du bras se composait également d’une cassette de basane, mais à un seul compartiment dans lequel-un même parchemin portait écrits les quatre passages sacrés. La cassette devait, selon les pharisiens, s’attacher au bras gauche par des courroies qui s’enroulaient ensuite autour de l’avant-bras, de la main et des trois doigts du milieu. Les sadducéens se contentaient de l’attacher à la main gauche, interprétant ainsi le texte plus littéralement. Les quatre passages à écrire sur les parche 80. — Bras avec phylactère. D’après Kitto, fig. 435.

mins étaient les suivants : Exod., xiii, 1-10, sur la fête des Azymes ; Exod., xiii, 11-16, sur la consécration des premiers-nés à Jéhovah ; Deut., vi, 4-9, sur les commandements et principalement le premier ; Deut., xi, 13-21, sur les promesses et les menaces de Dieu au sujet de l’observation ou de la transgression de la Loi. Comme on le voit, les deux derniers passages contenaient seuls des prescriptions d’un usage quotidien, et l’on est en droit de trouver quelque peu singulière une interprétation en vertu de laquelle on était censé avoir devant les yeux et dans la main des préceptes dont le tente, écrit sir parchemin, était soigneusement enfermé dans des cassettes. On avait autant de vénération pour les Tephillin que pour la Sainte Écriture, cf. Yadayim, m, 3, et l’on était autorisé à les arracher à un