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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/204

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PIERRE’(DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)

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saint Pierre en 64, adoptent cette même date pour sa secondé lettre. Quant à ceux qui rejettent l’authenticité, ils lui assignent les dates les plus variées, et cette diversité de sentiments manifeste à elle seule la faiblesse de leurs preuves. Credner et Bleek, à la fin du I er siècle ; Schvregler et Volkmar, à la fin du II » siècle ; Jûlictier, en Egypte, entre 158 et 175 (d’après cet auteur, Einleit., p. 152, « la 11* Pétri est certainement la partie la plus récente du Nouveau Testament, et aussi celle qui méritait le moins d’entrer dans le canon » ) ; Chase (dans Hastings, Dict. of the Bible, t. iii, col. 817), pas plus tard que 175, probablement vers 150, en Egypte, peut-être à Alexandrie.

III. Occasion et but de l’Épître. — 1° a) Dans l’intervalle qui s’était écoulé depuis l’envoi de lal re Épître, un fait très grave s’était produit dans les chrétientés d’Asie Mineure. Des hérétiques, dont la doctrine et la conduite étaient également perverses, s’y étaient introduits, et menaçaient de les corrompre tout à fait. Ce sont eux qui furent vraiment l’occasion de l’Épître. Ils sont déjà mentionnés au chap tre I", 16, 19-21 ; le chapitre n s’occupe d’eux uniquement ; on les retrouve au chapitre ni, 3-7, 16-17. Ces hommes, qui avaient été d’abord païens et qui s’étaient convertis à la religion du Christ, avaient repris les mœurs du paganisme et se livraient sans pudeur aux vices les plus honteux. Cf. ii, 2-3, 10, 13-14, 18-20. Non contents de s’abandonner eux-mêmes à la licence, ils exerçaient autour d’eux un ardent prosélytisme, s’efforçant de séduire, par leurs discours et leurs exemples, les chrétiens parmi lesquels ils vivaient. Cf. ii, 1-3, 14, 18-19. Ils faisaient aussi de l’antinomisme, vantant la liberté apportée par Jésus-Christ, comme si elle avait autorisé toutes sortes d’excès. Cf. i, 18-19. À l’immoralité de leur vie se joignaientde graves erreurs doctrinales. Ils se permettaient de traiter certains faits de l’histoire sacrée comme s des fables sagement inventées », i, 16. Ils avaient cessé de croire que le monde est dirigé par une intelligence supérieure, et qu’il y aura un second avènement du Christ, suivi du châtiment éternel des impies. Cf. iii, 9. Ils donnaient à la sainte Écriture de fausses interprétations, afin de pouvoir mieux appuyer sur elles leurs doctrines pernicieuses, m, 16. Il est même possible qu’ils allassent jusqu’à nier la divinité de Notre-Seigneur. Cf. ii, 1, et Judas, 4. Comme beaucoup d’autres hérétiques, ils aimaient l’argent, et s’en faisaient donner en échange de la communication de leurs erreurs, ii, 3, 13. L’auteur nous les présente comme des apostats véritables, II, 20-22. Le tableau qu’il en trace au chapitre n est d’une vigueur remarquable.

6) Quels étaient les hérétiques que saint Pierre stigmatise avec tant d’énergie ? Certains critiques contemporains, entre autres Harnack, Chronologie, t. i, p. 466-470 ; Jùlicher, Einleit., p. 151-152 ; von Soden, Band-Commentar zum. N. T., t. iii, part. 2, p. 171, ont prétendu qu’ils étaient identiques aux gnostiques du IIe siècle ; puis ils se sont servis de ce fait comme d’un argument pour attaquer l’authenticité de l’Épître. Il est vrai que, dès le début de la lettre, II Pet., i, 2, saint Pierre mentionne la « vraie connaissance (èmYvweri ; ) de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ » comme une bénédiction spéciale qu’il souhaite à ses lecteurs, par opposition à la fausse science (fv&mi) des docteurs hérétiques, et qu’il revient plusieurs fois sur cette pensée. Cf. i, 3, 18 ; ii, 20 ; iii, 18. Mais saint Paul le fait pareillement. Col., i, 6, 9, 10, etc. Il.est certain de même, que « les germes de la Gnose apparurent dès le commencement de l’ère chrétienne, et qu’il n’exista, dans les premiers temps de l’Église, aucun hérétique qui n’ait eu plus ou moins de traits communs avec’les gnostiques des temps plus rapprochés. » Kaulen, Einleit. , p. 515. Il est également vrai que saint Irénée accuse les gnostiques de son temps de pervertir le sens

des Écritures. Cf. Hser., iii, 4 ; t. vii, col. 882. Néanmoins, maigre tout cela, ce ne sont pas les gnostiquesproprement dits qui sont décrits dans cette lettre, mais seulement leurs premiers précur seurs ; car le portrait que notre Épître trace des faux docteurs ne coïncide qu’à la surface avec le système gnostique, tel qu’il se développa plus tard. Quoi que prétendent nos adversaires, les expressions aipéaet ; ômia>et’aç, . II Pet., ii, 2, itXaarotç î.ffyotc, II, 3, et (ncÉpoyxa [xa-TatôTrjToç, n, 18, sont trop vagues pour représenter le système en question. La première ne désigne point un corps de doctrine, mais un choix, une hérésie ; les deux autres font allusion à ce qu’il y avait de nul et de vaia dans les discours des docteurs hérétiques. Quant aux éons, que M. von Soden a cru découvrir dans le passage ii, 10-11, ce sont tout simplement les bons ou les mauvais anges, d’après le sentiment commun. Voir B. Weiss, Einleit. in das N. T., 3e édit., 1897, p. 451 ; Kaulen, Einleit., p.565 ; Hundhausen, Der zweite Pontificalbrief, p. 1-10 ; K. Henkel, Der zweite Brief des Apostelfûrsten, p. 21-37, etc.S’ilya ici quelque chose de la gnose, c’estla gnose à ses premiers débuts, telle qu’elle commença à se^manifester environ vingt ans après l’ascension du Sauveur, comme on le voit par les Épîtres de saint Paul aux Philippiens, aux Éphésiens, aux Colossiens, par la première à Timothée, par les Épîtres de saint Jacques et de saint Jude. Ainsi donc, « pour éclaircir par d’autres données historiques le portrait des faux docteurs que nous présentent l’Épître de Jude et la 1P Pétri, il n’est pas nécessaire de descendre dans le second siècle. Nous en trouvons déjà les traits essentiels dans la chrétienté primitive ». Th. Zahn, Einl. iri das N. T., t. ii, p. 101 ; voir aussi le t. i r p. 197-202, 210. Entre ces premiers adversaires du christianisme, tels que les décrivent ces différentes Épîtres, on reconnaît une grande ressemblance : ils ont des tendances antinomistes et refusent de se plier entièrement sous la loi chrétienne, ils se livrentà toutes sortes d’excès, ils en viennent jusqu’à mépriser la personne du Christ et à l’abaisser pour devenir plus libres par là-même.

c) À quel groupe spécial des premiers hérétiques devons-nous rattacher les faux docteurs contre lesquels s’élève la 1P Pétri ? On les a identifiés tantôt aux Nicolaïtes de l’Apocalypse (dans les temps anciens, Œcuménius, In II Pet., ii, 1, t. cxix, col. 592 ; dpns les temps modernes, Baronius, Annal., ad ann. 8, n. 8 ; de nos jours, Hug, Einleit., 3e édit., t. ii, p. 572 ; Windischmann, Vindicise Petrinse, p. 34 ; Reithmayr, Einleit. , p. 743 ; Cornely, Introd., t. iii, p. 636 ; T. Zahn, Enleit. in dasN. T., t. ii, p. 101), tantôt avec les disciples et successeurs de Simon le magicien, etc. Il est difficile de se prononcer là-dessus avec certitude. Toutes ces hypothèses ont du vrai, car les hérétiques décrits dans la IP Pétri présentent certaines ressemblances avec ces autres docteurs de mensonge ; mais elles paraissent toutes plus ou moins exagérées, attendu qu’aucune d’elles ne correspond absolument au portraittracé par saint Pierre. Il est probable que le prince des Apôtres généralise, et qu’il stigmatise en même temps toutes ces sectes diverses. Cf. Henkel, loc. cit., p. 3237. — On a eu tort parfois, Fronmùller, In II Pet., iii, 3, p. 96 ; B. Weiss, Der Pétrin. Lehrbegriff, p. 283 ; Huther, Die Briefe Pétri, p. 286 ; Bisping, Èrklârung der kathol. Briefe, p. 257, etc., d’établir une distinction entre les ieuSo818â<rxa), oe* magistri mendaces, que décrit le chap. ii, ꝟ. 2-3, et les êu-iratxTat, illusores, du chap. iii, ji. 3-4, comme s’ils avaient formé deux classes distinctes d’hérétiques. Il s’agit en, réalité d’une seule et même catégorie de faux docteurs, qui prêchaient simultanément la licence morale et des doctrines erronées sur la nature et sur le retour de Jésus-Christ. Après les avoir décrits en termes gêné-