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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/385

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PROPRIÉTÉ

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au pharaon. Mais celui-ci avait à faire de nombreuses largesses à ses favoris et aux seigneurs héréditaires. Son domaine immédiat ne s’étendait pratiquement que sur la moitié du pays ; ce domaine se rétrécissait quand les concessions devenaient trop nombreuses, et il se reconstituait quand de grands fiefs lui faisaient retour par confiscation ou par quelque autre voie. Le pharaon exploitait directement une petite partie de ce domaine au moyen de ses esclaves royaux ; le reste était confié àdes fonctionnaires qui payaient une redevance annuelle. Les seigneurs n’avaient droit qu’à l’usufruit de leurs fiefs, dont la propriété appartenait an pharaon. Cela ne les empêchait pas de s’y comporter en maîtres absolus et de les administrer pour leur compte personnel, soit directement, soit par des fermiers. Quelques

181. — Borne égyptienne.

D’après Mariette, Monuments divers, pi. 47 a.

cultivateurs libres réussissaient à acheter des domaines sur les territoires concédés par le pharaon, et dont, par fiction légale, celui-ci restait toujours propriétaire. Ces cultivateurs pouvaient d’ailleurs, sans nulle opposition, non seulement faire valoir leur domaine, mais encore Je liguer, le donner, le vendre ou en acheter de nouveaux. Ils payaient pour cela une taxe personnelle et l’impôt foncier. Les modifications apportées fréquemment à la configuration du terrain par les inondations du Nil obligeaient à reviser continuellement le cadastre et à limiter exactement chaque propriété par une ligne de stèles (fig. 18t), portant souvent le nom dn propriétaire actuel avec la date du dernier bornage. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. r, p. 283, 296, 303, 328. La constitution de la propriété en Egypte tenait à la nature même du sol producteur. « Ici tout vient du Nil, et les terres avec leurs riches productions, pour nous servir d’une expression d’Hérodote, ii, 5, sont un véritable

présent du fleuve. Toutefois, pour répandre ses bienfaits sur l’Egypte, le Nil avait besoin d’une main puissante qui lui creusât des canaux et qui pût diriger ses eaux fécondantes ; la distribution des eaux du fleuve exigeait le concours de la puissance publique et de l’autorité souveraine ; il fallait que le pouvoir des gouvernements intervînt, et la nécessité de cette intervention dut changer en quelque sorte et modifier les droits de la propriété foncière. » Michaud, Correspondance d’Orient, Paris, t. viii, 1835, p. 64.’2° Joseph connaissait bien la situation, quand il profita de la famine pour reconstituer le domaine royal. Il commença par vendre du blé aux Égyptiens, Gen., xli, 56, puis, après leur argent, il reçut en paiement leurs troupeaux. Gen., xlvii, 13-17. La famine se prolongeant, les Égyptiens eux-mêmes offrirent leurs terres et se firent serfs du pharaon, afin d’obtenir du blé pour se nourrir et ensemencer. Tout le pays devint ainsi la propriété du pharaon, à l’exception des terres des prêtres, c’est-à-dire des temples, qui étaient inaliénables. Les Égyptiens continuèrent naturellement à occuper et à cultiver leurs champs, quoique passés dans le domaine royal ; mais Joseph leur imposa une redevance d’un cinquième sur leurs récoltes. Gen., xlvii, 18-26. Ordinairement, l’impôt montait à un dixième. Cf. Revue des deux mondes, 15 février 1875, p. 815 ; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 330, 331. La mesure imposée par Joseph équivalait à une élévation d’impôt, justifiée par les circonstances. Cependant, grâce à lui, le pharaon était devenu le seul propriétaire du pays, mis à part les dieux dont les propriétés foncières durent être respectées. L’auteur de la Genèse, xlvii, 26, dit que la loi imposée par Joseph était encore en vigueur de son temps. Hérodote, ii, 108, 109, attribue à Sésostris le creusement des canaux égyptiens et le partage des terres entre tous les habitants, moyennant le paiement d’une certaine redevance sur le revenu. On sait que le nom de Sésostris, Sésoustouri, est un sobriquet désignant Ramsès II, et que la légende attribuait à ce prince bien des travaux et des exploits qui remontaient à ses prédécesseurs. Toujours est-il que, pour faire le partage des terres, il fallait que Ramsès II ou un pharaon plus ancien les eût en sa possession, ce qui confirme le récit de la Bible sur l’administration de Joseph. Ce partage n’empêcha pas Ramsès III de se donner comme le propriétaire du sol de l’Egypte. Cf. Grand Papyrus Harris. Plus tard, d’après Diodore de Sicile, i, 73, le territoire était divisé en trois parts, celle des prêtres, celle du pharaon et celle des soldats. Cf. Hérodote, ii, 168. En somme, dans les anciens temps comme aujourd’hui, il importait peu à l’Égyptien d’être propriétaire ou locataire du sol. Toute la question se résumait pour lui à pouvoir le cultiver, à sauvegarder sa récolte contre les déprédations et à en abandonner le moins possible aux collecteurs d’impôts. Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 165-189.

IV. Chez les Israélites. — 1° La législation mosaïque commence par consacrer le principe même de la propriété, en rappelant le droit naturel qui défend de dérober, et en interdisant même de convoiter la maison, les animaux du prochain, ni rien de ce qui lui appartient. Exod., xx, 15, 17. Cette convoitise est prohibée en tant qu’elle prend le caractère d’un acheminement à l’appropriation illégitime du bien du prochain. La loi protège la propriété dans les différentes circonstances où elle peut être menacée. Voir Borkes, 1. 1, col. 1854> Dette, t. ii, col. 1393 ; Dommage, t. ii, col. 1482 ; Objets trouvés, t. iv, col. 1723 ; Vol.

2° Le Seigneur, en vertu de son droit souverain, Lev., xxv, 23, donne à son peuple le pays des Chananéens, pour qu’il en occupe les villes et les maisons. Deut., xix, 1. Il en prescrit le partage suivant certaines