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RHODES


fois un sol très fertile, admirablement cultivé, qui produisait, outre d’immenses forêts, de nombreux arbres fruitiers, entre autres l’oranger, le grenadier, le figuier, et aussi la vigne, le coton, le liii, des pâturages, le blé et différentes espèces de céréales. Cf. Homère, IL, ii, 653, 670 ; Pindare, Olymp., vii, 49. Grâce à cette circonstance, comme aussi à ses excellents ports et à son admirable situation, l’île jouissait d’une grande prospérité dans les temps anciens. Son climat était et est encore délicieux, son air très pur. C’était un proverbe populaire, volontiers répété par les habitants actuels, que le soleil brille, a Rhodes tous les jours de l’année. Cf. Pline, H. N., ii, 62. Elle est traversée d’une extrémité à l’autre par une chaîne de montagnes dont le sommet le plus élevé, haut de 1 240 mètres, portait le nom d v Atabyrios. Sur sa cime était bâti un temple dédié à Zeus ; mais l’île était elle-même consacrée au dieu Hélios ou Soleil. Elle est très bien arrosée par la rivière Candura et d’autres nombreux cours d’eau. Avant de s’appeler Rhodes, elle avait été nommée Ophriusa, Stadia, Trinacria, etc. Pline, H. N., v, 36 ;

233. — Monnaie de Rhodes.

Tête d’Hélios radiée, — i ?. Victoire debout, tenant une couronne

et une palme ; bordée de grenetis.

Strabon, xvi, p. 653. Nous avons vu qu’Homère la mentionne déjà, IL, ii, 654-655.

2° Histoire de l’île. — Rhodes paraît avoir été d’abord dépendante de la Carie ; mais les Phéniciens y fondèrent de très bonne heure, vers l’an 1300 avant J.-C, des colonies qui la firent passer entre leurs mains. On voit encore, en plusieurs endroits, des ruines attestant leur passage. Vers l’an 800 avant J.-C, elle tomba au pouvoir des Grecs Doriens. En 408 avant » notre ère les habitants des trois anciennes cités de Lindos, sur la côte orientale, de Jalysos et de Camiros, sur la côte occidentale, lesquelles formaient, avec Cos, Cnide et Halicarnasse, situées sur le continent, P « Hexapolis dorique », s’entendirent pour fonder à la pointe nord-est, une ville nouvelle, qu’ils appelèrent Rhodes, comme l’île. Celte ville, bâtie en amphithéâtre, ne tarda pas à devenir l’une des plus belles et des plus brillantes de l’ancien monde. Diodore de Sicile, xiii, 75. C’est surtout après la mort d’Alexandre le Grand, 323 avant J.-C, lorsque ses habitants eurent expulsé la garnison macédonienne qui l’occupait, qu’elle parvint à une prospérité commerciale qui faisait d’elle la rivale d’Alexandrie et de Carthage. — Elle était gouvernée par une aristocratie sage et puissante, qui, au moyen d’une excellente Hotte de guerre, montée par les meilleurs marins du monde, Strabon, I, 57 ; Cicéron, Pro lege Manilia, 18 ; Tite-Live, xxxvil, 29, sut habilement maintenir la neutralité de l’île, et par suite son indépendance, au milieu d, ésP compétitions et des guerres intestines des successeurs d’Alexandre le Grand. Les Rhodiens fondèrent plusieurs colonies non seulement en Italie, mais jusque dans les iles Baléares et en Espagne. Leur capitale jouissait aussi d’une très juste célébrité comme centre des arts et des sciences ; plus tard, elle eut même une école d’éloquence, que les Romains fréquentaient en grand nombre : Caton, Cicéron, César et Pompée y prirent des leçons. Aristophane était originaire de Rhodes. On admirait, à l’entrée du port, le célèbre « colosse », statue gigantesque du dieu Hélios, haute de 32 mètres, en ; airain, qui avait coûté 300 talents. Mais le colosse


fut renversé par un tremblement de terre, dès l’année 203 avant J.-C ; toutefois, ses fragments mêmes excitèrent l’admiration pendant de longs siècles. Strabon, xiv, p. 652 ; Polybe, v, 86 ; Pline, H. N., xxxiv, 18 ; xxxv, 12. Le colosse avait été érigé en 280 avant J.-C, pour rappeler le souvenir du succès avec lequel les Rhodiens avaient soutenu le siège de leur capitale par Dëmétrius Polyorcète.

Alliés de Rome depuis le commencement du IIe siècle avant l’ère chrétienne, les Rhodiens étaient trop puissants pour ne pas exciter la jalousie et s’attirer la haine de leurs ambitieux amis. Ceux-ci leur devinrent hostiles dés l’année 167 avant J.-C, et prirent contre eux des mesures qui nuisirent beaucoup à leurs intérêts politiques et commerciaux. Les Rhodiens furent obligés de tout subir. Durant les guerres civiles de Rome, 47-43 avant J.-C, ils embrassèrent le parti de César contre les républicains ; mais ils en payèrent durement les conséquences, car la ville de Rhodes fut pillée sans pitié, en 43, par le général C. Cassius. Elle se releva à grand’peine de sa ruine commerciale. Néanmoins, l’île conserva une sorte d’indépendance nominale jusqu’en 44 après J.-C. À cette date, elle fut incorporée à l’empire par Claude, . Suétone, Claud., xxv ; Dion Cassius, lx, 24, mais seulement d’une manière transitoire ; plus tard, Vespasien la rattacha définitivement à la province d’Asie proconsulaire, Suétone, Vespas., VIII. Lorsque Dioclétien réorganisa l’empire, elle devint le centre de la « province des îles ». Nous savons par Josèphe, Ant. jud., XIV, xiv, 3 ; XV, vi, 6 ; XVI, v, 3 ; Bell, jud., i, xxi, 11, qu’Hérode le Grand entretint quelques relations avec les Rhodiens.

Conquise par les Arabes, reconquise par les empereurs byzantins, l’île redevint peu à peu prospère. Elle eut de nouveau une période très brillante au moyen âge, lorsque les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, expulsés de Palestine, se furent rendus maîtres de la ville de Rhodes, en 1310. Ils y établirent leur résidence, la fortifièrent solidement, et en firent le centre d’un État qui comprenait aussi quelques-unes des petites iles voisines et plusieurs villes du continent. De là, ils luttèrent contre les Turcs avec une vaillance que rien ne pouvait lasser. À diverses reprises, les musulmans attaquèrent en vain la capitale, durant la seconde moitié du xve siècle ; finalement, ils s’en emparèrent en 1522, sous la conduite de Soliman II le Magnifique, qui récompensa la bravoure des chevaliers, en leur accordant des conditions généreuses. Rhodes fut la dernière place du Levant qui sut résister aux Sarrasins. Sous la domination tyrannique et rapace du gouvernement turc, qui n’a pas cessé depuis lors, la capitale et l’île de Rhodes ont perdu à peu près tout ce qui faisait leur prospérité et leur gloire. La ville actuelle de Rhodes ressemble beaucoup, avec ses rues étroites et tortueuses, aux cités du moyen âge ; ce qui la caractérise surtout, ce sont ses remparts crénelés, munis de tours et de nombreux édifices (iig. 234), construits autrefois par les chevaliers de Saint-Jean. Comme restes des temps anciens, on ne voit guère que des autels païens avec inscriptions, des bases de statues, quelques fragments d’architecture, etc. Les monnaies de l’antique Rhodes, dont on a de nombreux spécimens, portaient toutes l’image du dieu Soleil et souvent une rose au revers.

3° Rhodes dans l’Écriture. — 1. L’île de Rhodes est mentionnée une fois dans l’Ancien Testament, I Mach., xv, 23, dans une longue liste d’États auxquels fut communiqué par les Romains un décret que leur sénat avait porté en faveur des Juifs. Tous les États en question étaient autonomes et indépendants ; Rhodes ne pouvait donc pas être oubliée, car elle formait la puissance maritime la plus considérable et la plus

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