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s’enivraient à tout propos, même quand il s’agissait de délibérer sur des choses sérieuses. Les grands festins donnés par Xerxès I" répondaient parfaitement au goût de ses sujets. Le vin royal y était servi en abondance. Esth., i, 5-11. Le texte sacré remarque que « le vin avait mis la joie au cœur du roi, » et, s’il observe que « chacun buvait sans que personne lui fît violence, «  c’est que sans doute l’utilité de cette violence ne se faisait nullement sentir. Curieux des usages de l'étranger, ils adoptaient tout ce qui pouvait contribuer à leurs plaisirs. Aussi leurs mœurs s’efféminèrent au point que, malgré leur nombre et leurs ressources, ils furent incapables de tenir tête aux Grecs. S’estimant eux-mêmes au-dessus de tous les autres peuples, ils méprisaient ces derniers à proportion de leur éloigneraient. On s’explique ainsi qu’ils se soient montrés si outrés de la conduite des Grecs à leur égard et se soient imaginé qu’ils les réduiraient aisément. Leur législation ne permettait à personne, pas même

27. — Perses de Persépolis. D’après G. Rawlinson, The flve great Monarchies, t. v, p. 179, 191.

au roi, de faire mourir un homme pour un seul crime. Le mensonge leur était odieux et ils trouvaient honteux de faire des dettes. Ils se donnaient des marques de respect proportionnées à la condition de chacun. Us ne pouvaient supporter les lépreux, dont ils attribuaient la maladie à un péché commis contre le soleil. Cf. Ctésias, Res persic, 41. On sait par la Bible, Dan., vi, 8 ; Esth., viii, 8, qu’un décret signé de l’anneau royal était irrévocable, et que, pour l’empêcher d’avoir son effet, il fallait un autre décret qui rendit le premier impraticable. Esth., viii, 10, 11. Cf. I Esd., vi, 11. Hérodote, ix, 108, 110, montre Xerxès se refusant à révoquer une parole donnée, malgré le plus grave inconvénient, et ajoute que la loi ne permet pas au roi de refuser les grâces qu’on lui demande le jour du festin royal. Sur les courriers des rois de Perse, voir Angarier, t. i, col. 575. Les archives du royaume étaient tenues avec grand soin. I Esd., IV, 15, 19 ; Esth., vi, 1 ; x, 2. Sur l'écriture perse, voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. i, p. 137-146. Sur la monnaie, voir Darique, t. ii, col. 1294. Sur l'àdministration.provinciale, voir Satrape.

Les rois perses tenaient à habiter dans de magnifiques palais. Le site austère de l’antique Pasargades et la simplicité de la demeure royale de Cyrus ne conve naient plus à leurs goûts raffinés. Ils s’y rendaient pour ceindre la couronne, après la mort de leur prédécesseur, cf. Plutarque, Artaxerxes, 3, mais ils n’y demeuraient pas. Darius I= r préféra le séjour de Persépolis ; il développa la ville, y éleva de splendides bâtiments et tint même à ce que son tombeau fût creusé dans les rochers à pic des environs, où plusieurs de ses successeurs vinrent le rejoindre (fig. 28). Cf. M. Dieulafoy, L’art antique de la Perse, t. ii, pi. x ; flandin-Coste, La Perse ancienne, pi. 173-176. Voir Persépolis. Xerxès I er agrandit et orna le palais de Persépolis. Artaxerxes I er préféra Suse. Il y édifia un palais plus vaste que tout ce qu’on avait fait jusqu’alors. Cf. Dieulafoy, L’acropole de Suse, p. 274-358.

Les rois perses recevaient leurs vassaux et les ambassadeurs étrangers sur leur trône d’or, au fond de leur apadana ou salle de réception. Voir Palais, t. iv, col. 1972. On ne les apercevait qu’un instant. Ils portaient une robe de pourpre avec des broderies d’or. Plutarque, Artaxerxes, 24, estime un de ces vêtements à 12 000 talents (70 millions de francs). Une bandelette bleue et blanche formait diadème autour de la kidaris du roi. On ne l’entrevoyait lui-même qu'à l’ombre d’un parasol et au vent d’un chassernouches. Il ne paraissait d’ailleurs en public qu'à cheval ou sur son char, entouré de sa garde. Les hommes de sa famille et des six anciennes familles princières pouvaient l’aborder à toute heure et composaient son conseil. Esth., i, 14. Une lettre d’Artaxerxès à Esdras mentionne ces sept conseillers. I Esd., vii, 14. Ce droit conféré à six familles venait de ce que sept Perses s'étaient concertés pour tuer Smerdis le Mage et faire désigner l’un d’eux pour roi, à condition que chacun des six autres aurait toujours libre accès auprès de l'élu et que celui-ci ne pourrait prendre femme que dans la famille de ses compagnons. Ce fut Darius qui devint roi et la convention fut observée. Hérodote, iii, 76, 84. La fréquentation de leur harem, la chasse et quelquefois la guerre occupaient le temps de ces monarques. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 736-746.

Sur la religion des Perses, voir Mage, t. iv, col. 544 ; Médie, col. 921 ; Michel, col. 1069. Il ne faut pas juger de cette religion, à l'époque des Achéménides, par la forme systématique et philosophique qui lui a été imposée par Zoroastre ou les réformateurs désignés sous ce nom, et n’a triomphé que bien des siècles plus tard. D’après Hérodote, I, 131, 132, les Perses ne représentaient pas les dieux ; mais, sur le sommet des montagnes, ils offraient des sacrifices à la divinité suprême, qui est le ciel, au soleil, à la lune, à la terre, au feu, à l’eau et aux vents. Ils y joignirent ensuite la déesse Mylitta des Assyriens. Ils sacrifiaient, sans autel ni feu, et coupaient la victime par morceaux qu’ils faisaient bouillir, ils invoquaient le dieu, avec le secours d’un mage, pour la prospérité du roi et celle de tous les Perses en général, et disposaient ensuite de la victime.

Les Achéménides étaient certainement polythéistes. On les voit invoquer Ormuzd, le dieu bon, Mithra, Anahata, et aussi Ahiïman, le principe du mal concrétisé pour eux sous forme du dieu malfaisant. C’est parce que les fourmis, les serpents et d’autres reptiles ou volatiles étaient l'œuvre de ce dieu, que les mages les tuaient de leurs propres mains. Hérodote, 1, 140. Les Perses croyaient à la survivance de l'âme. Après la mort, l'âme se trouvait exposée à des dangers, contre lesquels les vivants pouvaient la défendre par des sacrifices offerts aux dieux protecteurs. Plus tard, ces dangers se spécialisèrent dans un jugement subi sur le pont Cinvât, et à la suite duquel les âmes étaient envoyées au bonheur, ou à l’enfer, ou à un état intermédiaire. À la fin du monde, tous ressuscitent, subissent une nouvelle épreuve qui purifie les pécheurs