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1899
1900
SYMPHONIE — SYNAGOGUE

SYMPHONIE (chaldéen : sumpônyd ; Septante : συμφωνία ; Vulgate : symphonia), instrument de musique. Daniel, iii, 5, 15. Au v. 10, nous lisons sifônyâ, pour simfônyâ vraisemblablement. Les Sémites rendaient l’υ grec par û plus souvent que par î. Le même nom est transcrit encore sëfûnyâ dans la Peschitto. L'étymologie du nom grec indique qu’il s’agit de l’accord ou de la réunion de plusieurs sons, et l’on peut sans difficulté assimiler l’instrument babylonien à celui que les Syriens modernes appellent encore sambônià et sambônyâ. Voir Musique des Hébreux, t. iv, col. 1353. C’est la musette ou cornemuse des Arabes, suqqara et ar’ûl (arghoul). Les Italiens la dénomment de même zampogna. C'était au moyen âge la cyfoine, cifoine, passée sous ce nom d’Orient en Occident, à la suite des croisades. Nous l’appelons aujourd’hui musette, cornemuse, chevrette, biniou. D’après les auteurs juifs eux-mêmes, la sumpônyâ babylonienne n’est autre que la tibia utricularis des Romains. Voir Ugolini, Thesaurus, t. xxxii, p. 39-42 ; et, suivant le Talmud, c’est expressément une « outre à flûtes », חפת חליליס. Kelim, 20, 2.

— La tibia utricularis était, comme les modernes cornemuses et musettes, une outre de peau, ἀσκός, d’où ἀσκαύλης, « joueur de cornemuse » ; formant un réservoir d’air, propre à alimenter deux ou plusieurs tuyaux de clarinette, hautbois ou flûte proprement dite. Le musicien ayant rempli suffisamment son outre d’air, est dispensé de l’effort d’un souffle continu, particulièrement pénible dans le jeu prolongé de la flûte double (voir Flûte, t. ii, col. 2294), et l’on s’expliquera aisément que ces sortes de musettes aient supplanté la flûte à plusieurs tuyaux. Dans ces instruments un des tuyaux, celui de la main droite, fait le chant mélodique ; un autre, ou deux autres, guidés par la main gauche, bourdons ou cornets, produisent une teneur d’accompagnement rudimentaire. — La coïncidence des noms et la similitude des types d’instruments ne permettent pas de nous arrêter aux explications des interprètes qui présentent la symphonie comme un instrument à cordes ou à percussion. Un autre instrument à tuyaux multiples, la syringe, ou flûte de Pan, répond au nom de mašrôqitâ plus vraisemblablement qu'à celui de sumpânyâ. Voir Syringe. Enfin, dans saint Luc, XV, 25, συμφωνία n’est plus un instrument de musique, mais désigne la réunion des instrumentistes et des chanteurs, dont le a concert » récréait le festin. Ainsi l’ont entendu, parmi les anciens, les auteurs de la version syriaque : « la voix du chant (ou de la musique) de beaucoup », et de la version arabe : « les voix concertantes et le bruit ».

J. Parisot.


SYNAGOGUE (grec συναγωγή ; Vulgate : synagoga), lieu de réunion religieuse pour les Juifs.

1. L'édifice matériel. — 1° Ses noms. — La synagogue est appelée dans la Mischna bêt hak-knêséṭ, « maison d’assemblée ». Berachoth, vii, 3 ; Terumoth, xi, 10 ; Pesachim, iv, 4 ; etc. Son nom araméen est bêt knišṭaʾ ou simplement knišṭaʾ. Le nom grec συναγωγή, fréquent dans le Nouveau Testament, se trouve aussi dans Josèphe, Ant. jud., XIX, vi, 3 ; Bell, jud., II, xiv, 4, 5 ; VII, iii, 3 ; dans Philon, Quod omn. prob. liber, 12, édit. Mangey, t. ii, p. 458, et fréquemment dans les écrits postérieurs et dans les inscriptions. Sur le nom de προσευχή, désignant parfois la synagogue, Josèphe, Vit., 54, voir Oratoire, t. iv, col. 1850. On trouve encore les noms de προσευκτήριον, συναγώγiov, diminutifs des précédents, Philon, Vit. Mos., iii, 27 ; Leg. ad Caj., 40, t. ii, p. 168, 591, et de σαϐϐατεῖον, « maison du sabbat ». Josèphe, Ant. jud., XVI, vi, 2.

Sa destination. — La synagogue n'était pas, comme le Temple, la « maison de la prière ». Matth., xxi, 13 ; Marc, xi, 17 ; Luc, xix, 46. Sans doute, la prière n’en était pas bannie ; mais la synagogue était avant tout consacrée à l’enseignement de la Loi. Le législateur, écrit Josèphe, Cont. Apion., ii, 17, voulant que la Loi fût notre règle de vie, « n’a pas cru suffisant pour nous de l’entendre une fois, deux fois et plus souvent ; mais il a ordonné à tous de se réunir chaque sabbat, à l’exclusion de toute autre occupation, pour en entendre la lecture et nous en pénétrer l’esprit profondément. » Nicolas de Damas dit aussi : « Nous consacrons le septième jour à l'étude de nos coutumes et de nos lois, voulant que, par notre application à les méditer, ainsi que toutes les autres, nous arrivions à les suivre pour éviter le péché. » Cf. Josèphe, Ant. jud., XVI, ii, 4. Philon, Vit. Mos., iii, 27, Leg. ad Caj., 23, t. ii, p. 168, 568, appelait les synagogues des διδασκαλεῖα, des écoles où l’on enseignait la philosophie des ancêtres et la manière de pratiquer la vertu. C’est sous cet aspect que les synagogues apparaissent dans le Nouveau Testament ; on y enseigne et on s’y instruit. Matth., iv, 23 ; Marc, i, 21 ; vi, 2 ; Luc, iv, 15, 31 ; vi, 6 ; xiii, 10 ; Joa., vi, 59 ; xviii, 20.

Son origine. — Les Juifs voisins de l'époque évangélique, dans le désir de se rattacher à Moïse lui-même, faisaient remonter jusqu’au grand législateur l’origine des synagogues. C’est ce que professent Josèphe, dans le passage cité plus haut, et Philon, Vit. Mos., iii, 27 ; De septenar., 6, t. ii, p. 168, 282. Mais on ne trouve aucune mention de synagogues avant l’exil. Tout au plus cette institution remonte-t-elle à cette époque ou à celle d’Esdras. Saint Jacques, à l’assemblée de Jérusalem, témoigna que, depuis les anciennes générations, on lisait Moïse dans les synagogues le jour du sabbat. Act., xv, 21. Cette attestation suppose une institution déjà ancienne de quelques siècles, mais elle n’oblige pas à remonter au delà de l’exil. Toujours est-il qu'à l'époque de la prédication évangélique, les Apôtres trouvèrent partout des synagogues établies. Act., xiii, 14, 27, 42, 44 ; xv, 21 ; xvi, 13 ; xvii, 2 ; xviii, 4.

Son établissement. — Il fallait une synagogue dans toute localité ayant une communauté ou assemblée de dix Israélites libres et majeurs. Quand les Juifs étaient les maîtres dans une localité, le devoir de constituer une ou plusieurs synagogues incombait aux autorités locales. Dans le cas contraire, les Juifs formaient eux-mêmes une communauté religieuse et organisaient leur synagogue. Cf. Nedarim, v, 5 ; Megilla, iii, 1. Il est à supposer qu’alors la synagogue avait une existence indépendante de l’administration civile, tandis que dans les localités où dominaient les Juifs, les anciens de la cité devaient être en même temps les anciens de la synagogue, au moins quand celle-ci était unique. Mais, dans les grandes villes, il pouvait exister plusieurs synagogues, quand on disposait des éléments nécessaires pour constituer plusieurs assemblées avec leurs dignitaires. La fondation de synagogues distinctes s’imposait quand des Juifs d’origine étrangère se trouvaient en nombre dans une même ville. C’est ainsi qu'à Jérusalem, les Affranchis, les Cyrénéens, les Alexandrins, les Ciliciens, et les Asiates formaient des communautés distinctes ayant chacune leur synagogue. Act., vi, 9. Des synagogues sont signalées non seulement en Palestine, à Nazareth, Matth., xiii, 54, à Capharnaüm, Matth., xii, 9, mais aussi à l'étranger, à Damas, Act., ix, 2, à Salamine, Act., xiii, 5, à Antioche, Act., xiii, 14, à Icône, Act., xiv, 1, à Éphèse, Act., xviii, 19 ; xix, 8, à Thessalonique, Act., xvii, 1, à Béroé, Act., xvii, 10, à Corinthe, Act, xviii, 4, à Alexandrie, à chaque entrée de la ville, Philon, Leg. ad Caj., 20, t. ii, p. 565, à Rome, où il y en avait plusieurs, Philon, ibid., 23, t. ii, p. 568, et dans beaucoup d’autres villes où leur existence est indiquée par des inscriptions ou par des ruines. Le nombre de 480 syna-