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Page:Dictionnaire de la conversation et de la lecture - Ed 2 - Tome 08.djvu/170

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DUMORTIER — DUMOULIN

les électeurs de Roulers, qui l’envoyèrent les repri^scntcr à la cliaiiilirc , oii depuis lors il n’a cessé île combattre avec une implacable acrimonie les ministères progressifs qui se sont succédé en Belgique dans la direction des affaires. Les principaux écrits de M. Dumortier sont : Comnicntationes Bolanlcx (Tournay, 1S22) ; Tentamcn Agrostographix belyicx ( 1823 ) ; Notice sur le genre Hullhcmia (182i, in-H°) ; Florula Belgica (1827 ) ; Sylloge Jungermannidearum Europex indigenarum {lS3i) ; Recherches sur la Structure comparée des Animaux et des Végétaux, { 18Î2) ; Essai carpographique présentant une nouvelle classification des fruits (1835) ; Notice sur le genre Maclenia, de la famille des Orchidées ( 1836 ) ; Mémoire sur les évolutions de VEriibryon dans les Mollusques gastéropodes (1837).

DUMOULIN (CnxRLES ), né à Paris, en 1500 , mort le 27 décembre I5G6, signait Vv Molin, en latin Molinanis. Sa famille était alliée à Anne de Boulcn, mère d’Élisabelli , reine d’Angleterre, qui ne désavouait pas cette alliance. Dumoulin fit ses premières études à Paris, et .son droit à Poitiers et à Orléans, où il professa en 1S21. Reçu avocat en 1522, il réussit mal dans la plaidoirie, ce qui lui valut (le la part du premier président de Thou une apostioplie désobligeante, bientôt suivied’une éclatante réparation, l’atigué de l’entendre, ce magistrat lui dit un jour : Taisez-vous , mnitre Vumoulin ! vous êtes un ignorant. L’ordre des avocats ressentit vivement cette injure, et il fut arrêté que le bâtonnier, avec une députalion des anciens, irait s’en plaindre à M. le premier président. Admis à son audience, le bâtonnier lui dit avec toute la gravité du temps : » Lasisli hominem doctiorem quant unquam eris. — Cela est vrai, dit avec autant de franchise que de modestie M. de Thon, j’ai eu tort ; je ne connaissais pas tout le mérite de M. Charles Dumoulin. »

Dumoulin se livra au travail avec une ardeur incroyable , et il eut bientôt porté ses études au point de devenir un des plus savants hommes de son temps. 11 fut pour le droit français ce que Cujas était pour le droit romain , le premier de tous les interprètes. Son commentaire sur le titre des Fie/s de la Coutume de Paris fut accueilli comme un chef-d’œuvre de bon sens, de logique, de profondeur et d’érudition. Seulement, il avait les défauts dos conniienlaircs : il était peu méthodique et diffus. Henrion de Pansey a dû sa première réputation à l’analyse qu’il en a faite, et en tête de laquelle il a placé un éloge de Dumoulin où se trouve ce magnifique portrait de l’avocat, tracé dans une seule phrase , que l’auteur m’a .souvent récitée comme celte qu’il était le plus fier d’avoir écrite : <■ Libre des entraves qui captivent les autres hommes ; trop fier pour avoir des protecteurs, trop obscur pour avoir des protégés ; sans esclaves et sans maîtres, ce serait l’homme dans sa dignité originelle, si un tel homme existait encore sur la terre ! » Ce que Henrion de Pan.scy fit pour les fiefs, Pothier l’avait fait sur le laineux traité De Dividuo et Individuo, dans lequel Dumoulin avait poussé au plus haut degré l’esprit d’analyse et la métaphysique du droit. Pothier en fit d’abord un abrégé en latin, qui n’est pas venu jusqu’à nous ; il s’en est approprié ensuite la substance dans son Traité des Obligations, qui est certainement le plus beau traité de droit français que nous ayons.

Un génie comme celui de Dumoulin était trop à l’étroit dans les limites de la législation ordinaire. Déj.’i il avait porté ses regards sur l’ensemble de nos coutumes , avait cherché à les concilier, à les ramener à des principes fixes et uniformes ; il rêvait le projet d’un seul code pour toulela France. Sa femme était la compagne de ses travaux ; sa vertu, sa douceur, et l’attachement pour son ménage furent d’un grand soulagement pour Dumoulin au milieu des orages presque continuels dont il fut assailli. Le repos qu’il cherchait semblait le fuir sans cesse. « Il avait une Âme vive, ardente, passionnée, incapable de dissimuler sur rien, surtout quand il croyait la justice ou la vérité compromise , ou qu’il s’agissait des intérêts de son pays, qu’il aimait au delà de toute expression , dit le président de Thou. • Il n’avail garde de rester neutre au milieu des grandes questions qui au seizième siècle partageaient le monde chrétien et pofitique. Il ne disait pas, comme Cujas : Ml hoc ad edictumprœtoris. Loin de là , il se lança avec ardeur dans la dispute ; il n’entendait pas prononcer de sang-froid les mots : droit, usurpation, abus, il fallait qu’il en dit son sentiment. Il consulta contre les jésuites, que le chancelier de L’Hospital protégeait au contraire, ne prévoyant pas tout ce que l’introduction de ce nouvel institut apporterait de confiits au sein de la religion et de l’Etat. Mais lorsqu’il.s’agit du concile de Trente, ces deux grands hommes se trouvèrent d’accord pour s’opposer à sa réception et publication dans le royaume. Sollicité d’appuyer de son avis la décision du conseil où L’IIospital l’avait emporté sur le cardinal de Lorraine, Dumoulin publia son Conseil sur le/ait du Concile de Trente (Lyon, 15GJ, in-8°). Cest une consultation en cent articles, dans laquelle il examine en détail les décrets du concile, et où il démontre l’abus, l’excès du pouvoir, l’illégalité, qui avaient présidé dans cette assemblée, et quel danger il y aurait pour les libertés du royaume à recevoir ses décrets comme loi de l’État. Son écrit contre VÉdit des petites dates et les abus de la chancellerie romaine produisit aussi le plus grand effet. « Sire, disait à ce propos le connétable de Montmorency, en présentant Dumoulin au roi Henri II, ce que Votre Majesté n’a pu faire et exécuter avec trente mille hommes, forcer le pape Jules à lui demander la paix , ce petit homme ( car Dumoulin était de petite stature) l’a achevé avec son petit livret. » De tels combats, sur des sujets aussi ardents, lui attirèrent de nombreux et puissants ennemis. D’ailleurs, il ne les ménageait pas, et la force de ses arguments était encore accrue par la rudesse de ses expressions. Ses ouvrages furent mis à l’index par le pape ; et comme il ne manquait pas en France de gens qui étaient plus Romains que Français, l’autorité même du parlement eut peine à le soustraire aux persécutions que lui suscitèrent ses adversaires. On n’avait pu le perdre légalement, on l’altaqua parla violence : une émeute fut dirigée contre sa maison ; elle fut pillée, et sa vie mise en danger. Réduit à fuir en .Allemagne, il y fut bien accueilli, professa quelque temps à Tuhingue, et, de retour en France, donna aussi quelques leçons à Strasbourg, à Ddie , à Bcsauçon, attirant partout un concours prodigieux d’auditeurs.

Plusieurs de ses contemporains furent ses émules et ses envieux. Jean Bodin eut à se reprocher une sorte d’hostilité à rencontre de Dumoulin. On a accusé d’.rgentré de s’être attaché à le « eoulre-poiuter, bien plus souvent par jalousie et émulation que par raison ». Il est de fait que ces deux grands auteurs ont été fréquemment divisés d’opinions. Mais pourquoi ne pas supposer que c’était par conviction, et non par jalousie ? D’Argentré attaque quelquefois Dumoulin avec rudesse ; par exemple sur l’article 218 de la Coutume, il termine en disant : Quod verum est, etiamsi cuntradicendo rumpatur Molin.rus. Enfoncé Dumoulin ! diraient les étudiants de nos jours. Mais un peu plus loin, sa colère étant apaisée , d’Argentré s’exprime en termes plus convenables, et rend p’eine justice à Dumoulin : Molinxus prxstanli vir ingenio et eruditione incomparabili. Henrion de Pansey concilie tout en conseillant « l’étude combinée de ces deux grands hommes. » Quoi qu’il en soit, Dumoulin n’en reste pas moins supérieur à tous. Il le savait trop, et du moins il eut le tort de le dire ; car dans les derniers temp» il mettait en tèle de ses consultations cette Ibrmule pom • peuse : Ego, qui ncmini cedo et a ncmine doceri possum. De Thou l’historien, parlant de Dumoulin, en lait c«t éloge : » Charles Dumoulin , grand et célèbre jurisconsulte,