Aller au contenu

Page:Dictionnaire de la conversation et de la lecture - Ed 2 - Tome 08.djvu/810

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

800 gouvernement français crut devoir désavouer officiellement les bruits publics qui lui attribuaient une participation quel- conque aux actes et aux projets du gouvernement espagnol. Les courtisans d’Isabelle parlaient bautement d’en finir avec le principe révolutionnaire et avec la constitution qui le consacrait. Cette constitution n’était pourtant autre chose que celle qui avait été révisée et monarc/iisée en 1845 par Nar- vacz; mais on lui adressait les mêmes reproches qu’en 1845 on faisait déjà à la constitution de 1837. Elle ne protégeait pas assez l’Église catholique, elle ne faisait point au clergé la part qui lui est due dans la direction supérieure des af- faires du pays; elle laissait à la presse trop de liberté de langage, et ne détendait contre sa licence ni les grands pouvoirs de l’État , ni la religion , ni la morale , ni les per- sonnes publi(pies, ni les personnes privées. En un mot , elle était encore beaucoup trop démocratique, par conséquent elle avait trop vécu... D’abord, la camarilla voulait pro- céder à ce qu’elle appelait la réforme de la constitution à la façon do l’absolutisme pur, c’est-à-dire par voie de simples décrets. Plus tard on en revint à l’idée de confier à une nouvelle assemblée des corlès le soin d’en donner ce que nous appellerions volontiers une édition enlièrement nou- velle et surtout expurgée de tout venin révolutionnaire. Les cortès furent donc convoquées à cet effet pour le l’^' décembre 1852. Sous prétexte de mettre la législature à l’a- bri de toute pression extérieure dans le vote qu’elle était ap- pelée à forumler, ordre péremptoire fut donné aux jour- naux d’avoir à s’abstenir de toute espèce de réflexions et de commentaires sur le projet de loi relatif à la révision de la constitution; mais la majorité de la chambre électiverépondit d’une manière bien significative aux projets hautement an- noncés par le gouvernement , en portant à la présidence Martinez de la Rosa , homme connu par son sincère atta- chement aux principes constitutionnels. Cette élection ne fut pas plus tôt connue , qu’un décret prononça la dissolution des cortès et en convoqua de nouvelles pour le 1" mars suivant. Cependant, dix jours plus tard le ministère Bravo- Murillo avait cessé d’exister, et faisait place à un cabinet présidé par le général Roncali. Les projets de contre-révolution et de dictature, conçus de longue main par la camarilla, avaient donc encore une fois subi un grave échec, puisqu’à un cabinet violemment contre- révolutionnaire succédait une administration plus modérée, ou du moins qui semblait apporter au pouvoir des idées plus conciliatrices. Le ministère Roncali imita pourtant de tous points la conduite de ministère lîravo-.Murillo, et déclara Touloir, lui aussi, faire voler la révision de la constitution par l’assemblée convoquée pour le 1" mars 1853. Narvaez, par .sa présence à Madrid, par son attitude au sénat, gênait le gouvernement. On se décida à l’exiler sous prétexte d’une mission militaire en .Autriche, qu’il lui fallut accepter malgré toutes sortes de protestations. Mais une fois qu’il eut franchi ESPAGNE les Pyrénées, il reçut l’autorisation d’aller résider à Paris. L’assemblée convoquée pour le 1"^ mars choisit encore une lois pour président Martinez de la Rosa. Les séances en furent des plus tuumilueuses; on y dénonça furmellemeut les scandaleux tripotages auxquels avaient donné lieu les différentes concessions decheminsde fer ; tripotages auxquels se trouvaient mêlés, comme toujours, les noms de MarieCbris- tine et de son mari Munoz. Laissé en minorité, le cabinet Roncali dut à son tour faire place à une administration nou- velle, présidée par Lersundi, mais à laquelle refusèrent de s’associer les hommes un peu considérables du parti ino- derado qu’on sonda à ce sujet , parce qu’ils croyaient en- core, eux, au gouvernement constitutionnel et à la possibilité de le faire fleurir en Espagne. Après six mois d’intrigues et de contre-intrigues, le cabinet Lersundi céda la place à un ministère présidé par Sartorius, comte de San-Luis. Cet homme d’Etat déclara tout aussitôt qu’il ne croyait pas à la nécessité de la révision de la constitution ; et, comme gage de ses dispositions conciliatrices, il s’empressa de rappeler Narvaez d’exil. C’est ce cabinet qui est encore aujourd’hui à la têle des affaires ( mai 1854 ). La situation générale s’est incontestablement beaucoup améliorée depuis une dizaine d’années , et rien ne semble même en ce moment compromettre la perpétuité d’une dynas- tie qui devrait fonder ses droits au trône, moins sur la prag- matique-sanction de Ferdinand VII que sur l’assentiment tacite donné à cette combinaison monarchique par l’im- mense majorité du pays. Le parti carliste, qui se meurt de vieillcsseet de faiblesse, n’a été pour rien dans l’échauffourée militaire tentée en li’vrier 1854 à Saragosse, par le brigadier Hore; mouvement immédiatement comprimé, mais dont le gouvernement se servit pour user de nouvelles rigueurs à l’égard de la presse et pour .se venger de quelques journa- listes, en les emprisonnant d’abord par mesure de précau- tion, et en les exilant ensuite par mesure de sûreté générale. Quoi qu’il en soit, l’Espagne pourrait encore espérer des jours tranquilles, si les hommes qui la gouvernent cumpre- naienl que le respect du pouvoir pour les droits de la nation, pour les libertés populaires, en sont la seule base possible. On ne saurait d’ailleurs se dissimuler tout ce qu’il y a de périls pour l’Espagne dans la convoitise que les Élats-Unis ma- nifestent hautement depsis quelques années pour la posses- sion de Cuba, cette reine des^Antilles. P. S (Juillet). A la suite d’un pronunciamento teiAé le 2S juin dernier par les généraux O’ Donne 11 et Dulce avec une partie de la garnison de Madrid, une révolution nouvelle vient de s’accomplir dans la Péninsule. Le sang a encore une fois coulé à flots. Isabelle, attaquée dans son palais par l’iiiMirrection vic- torieuse , a dû consentir au rétabUssement ue la consiitulion de 1837 et r,ippeler Esparlero à la direction des affaires. Ileste à savoir si ces tardives concessions sauveront son trône ! ESPAGXE (Ère d’ ). Voyez Ère. FIN DU HUITIÈME VOLUME.