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préface

rable que dans un sens défavorable : Permis à moi n’a esté que l’Itale Cercher je peusse et la terre fatale Avecques toy. Des Masures, Eneide, V.

Comme vertu avait un sens très général, vertueux servait aussi à qualifier des mérites très divers. Il était, par exemple, synonyme de vaillant : Pantagruel leurs feist une briefe remonstrance, à ce qu’ilz eussent à soy monstrer vertueux au combat. Rabelais, IV, 37.

Braire avait le sens de crier et se disait au sujet du cri des hommes ou de divers animaux : Dont tous les Senateurs furent si estonnez quilz se prindrent à crier et à braire. Seyssel, trad. d’Appien, Guerre libyque, 10.

Cueillir avait, comme le mot latin correspondant, le sens général de rassembler : Fut ordonné par le Roy Priam, que Hector s’en iroit en la haute Phrygie pour cueillir des gensdarmes. Lemaire de Belges, Illustr., II, 1. — Berthoul fut envoyé entre Seine et Loire, cueillir le tribut des habitans. Fauchet, Antiquitez, V, 2. — Dans un sens moins large, il signifiait recueillir les produits du sol, cueillir le blé, cueillir l’avoine. Récolter, dérivé de récolte, mot d’origine italienne, ne devait entrer dans la langue que beaucoup plus tard : Ne se trouvoit nul qui cueillist du bled pour sa provision. Palissy, De la marne.

Deceder avait bien son sens actuel. Cependant, on lui donnait encore souvent un complément : deceder de ce monde, deceder de la vie, ce qui rappelait sa signification générale : Cleanie… s’abstenant de viande, deceda de ceste vie. Bretin, trad. de Lucien, Ceux qui ont vescu longtemps, 19.

Trespasser, lui aussi, s’employait le plus souvent avec sa signification restreinte. Cependant, on le trouvait, aussi dans le sens général de passer au delà : Ce seroit assez pour me faire trespasser hors les gonds de patience. Rabelais, III, 9.

Fossoyer signifiait creuser [la terre] : Ces dix hommes fossoyoient, et y en avoit d’autres qui portoient la terre. Amyot, Hist. Æthiop., L. IX.

Beatifier s’employait en dehors du vocabulaire religieux. Il pouvait signifier rendre heureux ou proclamer heureux : Tant que nostre cher Prince a esté vivant parmy nous, la Justice… soulageoit et beatifioit ses sujets. Du Vair, Ouvert. du Parlement en 1610. — On beatifie et repute bien-heureux les rois de Perse de ce qu’ils passent leur hyver en Babylone, leur esté en la Medie, et la plus douce partie du printemps en Suse. Amyot, du Bannissement et de l’exil, 12.

Capituler, c’était faire une convention, un traité, en en déterminant toue les articles ou chapitres. Le mot s’appliquait aussi bien à l’acte du vainqueur qu’à celui du vaincu, et s’employait aussi pour deux parties traitant sur un pied d’égalité. Capitulation avait le sens de convention, article d’un traité : Et arriva M. de Savignac… me dire que ceulx chameau se vouloient rendre, et veoir si je trouverois bon que l’on les prinst à mercy, et capitulast avec eux. Monluc, Comment., L. VII (III, 328). — Caesar, Antonius et Lepidus feirent un accord et une ligue ensemble, par les capitulations de laquelle ilz partagerent entre eulx les provinces de l’Empire Romain. Amyot, Marcus Brutus, 27.

Frauder signifiait tromper, quelle que fût la nature de la tromperie. Il signifiait aussi frustrer : Certes tu es le plus cruel amant Qui oncques fut, d’ainsi m’avoir fraudee. Marot, Epistres, 1 — A fin qu’il ne semble… que nous les veuillons frauder du bien que Dieu leur a communiqué. Calvin, Instit., VIII, p. 469.

Outrager signifiait maltraiter, traiter d’une façon violente : [Pompée] fut desloyaument oultragé à mort par ceuix à qui il s’estoit fié de sa vie. Amyot, Compar. de Pompée avec