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préface

1er L. des Mimes. — Soufreteux a été rapproché à tort de souffrir. C’est pour cela qu’il a complètement cessé d’exprimer l’idée de pauvreté pour s’appliquer à une personne maladive, habituellement souffrante.

Habiller avait le sens de préparer, apprêter : [Un Laconien] ayant achepté du poisson, le bailla à habiller à un tavernier, qui luy demanda du fourmage et de l’huile pour ce faire. G. Bouchet, 6e Seree. — Rhabiller avait le sens de réparer : Au lieu de rabiller nostre faute, nous la redoublons. Montaigne, I, 56. — C’est un rapprochement erroné avec le mot habit qui a détourné habille et rhabiller de leur sens normal en y substituant un sens tout différent.

Ces exemples suffisent, pour montrer l’importance de l’évolution sémantique qui a rendu notre langue si différente de celle du xvie siècle, même dans l’usage des mots qui sont communs aux deux époques. Outre les causes de variation que j’ai énumérées, on pourrait en indiquer beaucoup d’autres. Et toutes ces causes se mélangent., s’enchevêtrent, agissent concurremment. Parmi les exemples que j’ai cités, plusieurs auraient pu prendre place dans deux ou trois catégories distinctes. Toue ce travail inconscient a produit dans le vocabulaire des modifications telles que, pour un lecteur mal averti, un texte du xvie siècle dont tous les mots semblent connus est plein de pièges et peut donner lieu à beaucoup d’erreurs.

J’ai fait une place dans ce livre à certains mots qui sont toujours vivants, et dont le sens n’a pas varié depuis le xvie siècle. Ce sont des mots dont j’ai noté l’emploi à une date antérieure à celle qu’on indique ordinairement. En général, j’ai pris pour point de comparaison l’excellent Dictionnaire de Hatzfeld, Darmesteter et Thomas, que l’on consulte toujours quand on veut être informé de l’ancienneté d’un mot. Mais les indications que je donne à ce sujet ne peuvent avoir qu’un intérêt provisoire. Certainement de nouvelles recherches feront reporter plus loin que je n’ai pu le faire le premier emploi d’un grand nombre de mots.

Un dictionnaire n’est pas une grammaire. Je me suis efforcé de ne jamais l’oublier. On ne trouvera pas dans celui-ci les faits généraux qui ne se rattachent à aucun mot en particulier : la prononciation de la diphtongue oi, par exemple, — ou l’emploi des passés définis en -is, comme je trouvis, dans les verbes de la première conjugaison, — ou l’accord du participe passé. Mais il est certains faits de phonétique, de morphologie et de syntaxe qui concernent chacun un petit nombre de mots, ou un mot seulement, et il m’a semblé utile de les noter.

En phonétique, nous sommes renseignés soit par la graphie, soit par la mesure du vers, soit par la rime.

J’ai relevé, par exemple, les cas où nous trouvons e au lieu de a, ou inversement cherge, cherme, guiterre, merque ; — liarre, marle, sarge, sarpe ;

assoudre pour absoudre ; — oscur, ostiné, sutil pour obscur, obstiné, subtil ; — adoter,