Page:Dictionnaire de spiritualité, tome 2.1, Ca-Com, 1953.djvu/1145

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consistera parfois à prendre la fuite : en cela réside souvent le courage quand il s’agit de chasteté (cf. Gérard de Zutphen, De refor. vir. animae, ch. 38 ; L. Scupoli, Le combat spirituel, ch. 19) ; parfois à se retrancher pour résister (François d’Ossuna, Troisième Abécédaire).

Mais les vrais combattants passeront à l’offensive. Même quand l’ennemi nous laisse en repos, il ne faut pas avoir peur de l’attaquer « si les occasions ne se présentent pas, aller au devant d’elles pour les rencontrer » (S. François de Sales, Introduction à la vie dévote, ch. 10). Cette tactique ne peut cependant pas s’employer contre les tentations de la chair. Mais en dehors de ce domaine bien délimité, il ne faut pas craindre de laisser renaître les mouvements de l’appétit sensitif « afin d’avoir occasion de les combattre encore une fois avec plus de force qu’auparavant », et même de « les faire venir à un troisième combat pour s’accoutumer à les repousser avec un généreux mépris » (L. Scupoli, Le Combat spirituel, ch. 8). Notons enfin le conseil donné par beaucoup de maîtres de la vie spirituelle (v. g. Gérard de Zutphen, De spiritualibus ascensionibus, ch. 53) d’abattre les ennemis l’un après l’autre, en commençant par le défaut dominant, tactique à laquelle saint Ignace donnera ses règles définitives quand il expliquera, dans ses Exercices Spirituels, l’examen particulier.

À propos de ces tactiques de combat, on peut voir, dans le Tractatus de Pace et Tranquillitate animae, de Gilbert de Tournai, une description d’un combat en règle entre l’âme et les armées du démon, du monde et de la chair, avec ruses, embûches, reconnaissances, attaques et contre-attaques… On préférera peut-être relire en terminant la belle page de l’ActionM. Blondel se fait l’écho de toute la tradition chrétienne :

… Il est prudent de s’exercer d’avance à la lutte, de provoquer au combat des adversaires secrets tandis qu’ils semblent amortis et démasqués, et de s’habituer à les voir tels qu’ils sont, avant l’heure des surprises et des illusions. Il est bon de prévoir, d’analyser et de jouer toutes les passions et les vices, sauf un, celui-là même dont on fait le principal et l’unique aliment de la curiosité, des romans ou des spectacles… Si nous ne prenons pas l’offensive contre les ennemis de la volonté, ce sont eux qui se coalisent contre elle. Il faut se battre : celui-là perdra nécessairement la liberté avec la vie, qui fuira le combat. Même chez les meilleurs, il y a des trésors de malice, d’impureté et de mesquines passions.

Qu’on ne laisse pas ces puissances hostiles se grouper en habitudes et en systèmes ; qu’on les divise par l’attaque : qu’on s’impose d’unir les forces fidèles contre l’anarchie, avant le temps des coalitions, des complicités et des trahisons. D’avance, tout semble si aisé ! on se croit armé contre les dangereux entraînements. Mais jamais rencontre-t-on juste ce qu’on avait prévu ? et c’est l’inattendu qui décide presque toujours de tout. Aussi, pour se garder du vertige de la dernière seconde et des sophismes de la conscience travestie qui prouvent que tel acte est permis ou tel plaisir légitime, il faut s’habituer à prendre l’offensive et à faire plus qu’éviter ce qu’on ne doit pas ; il faut pouvoir répondre avec la force de l’expérience antérieure : « Même si c’est légitime, je veux m’en priver ». Contre les mouvements involontaires, ce n’est donc pas assez de vouloir, on serait surpris et la volonté même ferait défection ; ce n’est pas assez de résister, on serait vaincu. Sans l’attendre, il faut agir directement contre l’adversaire, le provoquer, disions-nous, éveiller, par la lutte, des états de conscience nouveaux, afin de le.mater et de capter jusqu’en son origine la source des entraînements révolutionnaires. Agere contra. L’action voulue est le principe de l’action de