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Page:Dictionnaire de spiritualité, tome 2.2, Com-Cy, 1953.djvu/1147

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2407 CORRECTION D’où venait cette préoccupation ? De nombreux textes bibliques sans doute, mais surtout de Zév. 19, 17 : « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur, mais tu reprendras ton prochain, afin de ne pas te charger d’un péché à cause de lui ». Quel est le sens exact de ce texte ? La Vulgate, par sa glose, éclaire l’opposition des deux stiques : « Non oderis fratrem in corde tuo,/ sed publice argue illum », c’est-à-dire : non seulement n’entretiens pas de haine secrète (in corde) mais explique- toi avec ton frère (publice, absent de l’hébreu, doit se traduire par : ouvertement, quoique seul à seul). [a raison donnée comporte deux interprétations. La plus courante et la plus ancienne est : « pour ne pas être responsable du péché/ dont tu n’aurais pas repris ton frère » ; mais une autre semble avoir la préférence des modernes : « explique-toi, parle, de peur que, /ayant contenu dans ton cœur ton ressentiment, /tu ne viennes à le laisser échapper devant ton frère », ce qui, non seule- ment n’arrangerait rien, mais « te chargerait à cause de lui d’un nouveau péché ». Quelle que soit la raison préférée, il y a dans ce texte un sens de la responsabilité fraternelle devant Dieu, que ne soupçonnèrent pas les meilleurs païens. L’application de ces conseils avait tout de même quel- que difficulté, témoin les doléances de ces rabbis : « Par le culte ! disait R. Tarphon, qui serait capable en cette génération de recevoir une réprimande ! » — « Par le culte ! répliquait R. Aquiba, y a-t-il en cette génération quelqu’un sachant administrer la réprimande ? » (Bon- sirven, loco cit.). 3° Chez les chrétiens. -— Jésus ne fait fi d’aucun des trésors du passé, ni de la loi naturelle, ni du texte du Lévitique, mais il transfigure tout. A la règle d’or (« Tout ce que vous seriez heureux qu’on vous fit, faites- le aux autres »), il donne une résonance, insoupçonnée du païen. A celui qui fait la correction : « Aimez-vous comme je vous ai aimés ». À celui qui la reçoit : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». S’il rejette par ailleurs dans l’ombre le conseil du Lévitique, c’est qu’il ouvre une perspective nouvelle, autrement attrayante, à la charité fraternelle : « Si ton frère est tombé en quelque faute (leçon plus autorisée que celle de la Vulgate : Si ton frère a péché contre toi), reprends- le seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère... » (c’est-à-dire : Tu as gagné son cœur pour toi, ou : Tu as gagné son âme pour Dieu), Mt. 18, 15. Si nous cher- chons un fondement scripturaire à la correction frater- nelle, face soit au péché grave, soit au simple défaut qui alourdit la vie, soit à un mieux désirable, il faut nous arrêter à ce mot de Jésus : « Tu as gagné ton frère ». Si l’âme de ton frère, surtout s’il est un de ces « petits » dont parlent les versets précédents, a tant de | valeur auprès du Père, non seulement tu éviteras de le scandaliser, mais tu l’aideras par tous les moyeris à se ressaisir, « s’il tombe en quelque faute », s’il s’égare comme la brebis perdue. Bien plus, ce ne sera pas seule- ment son salut essentiel qui te préoccupera, mais aussi et surtout son ascension vers Dieu. a) La pratique chez les anciens. — Il ne peut être question d’inventorier les richesses des commentateurs du texte évangélique au cours des siècles. Tout au plus peut-on avancer qu’un grand nombre d’auteurs mani- festent assez communément la préoccupation d’éviter un double écueil : la participation, par le silence, au péché d’autrui, dans l’esprit du Lévitique ; et la rudesse dans l’intervention, selon l’esprit de saint Paul : « si