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suivant l'opinion commune, signifie que le choix devait avoir lieu parmi les anciens consuls (consularis) ; d'autres croient que la nomination leur appartenait. Plus tard, d'après Walter, un sénatus-consulte dut présenter le choix du sénat à la confirmation des comices-curies [Comitia], ou patres, populus (sensu stricto) ; puis l'élu, après avoir pris les auspices, était revêtu de l'Imperium par une loi curiate. Ensuite, lorsque les comices-curies ne s'assemblèrent plus que pour la forme, leur vote tomba de lui-même, et l'usage s'établit de laisser au consul, qui avait été invité par le sénat à choisir un dictateur, le soin de le nommer, dicere dictatorem. Telle est du moins la théorie de Niebuhr, parfaitement conforme à son système sur le rôle habituel des comitia curiata.

Cette opinion, qui nous paraît d'accord avec l'ensemble des faits primitifs de l'histoire romaine, et avec le caractère de ses institutions, a été adoptée par Walter ; mais elle a été fortement combattue par Becker. Il pensait que le sénatus-consulte était simplement confirmé par une loi centuriate, et que les curies se bornaient à investir le dictateur de l'imperium. Suivant Mommsen et Karlowa, même à l'origine, le peuple n'aurait pas pris part à la nomination du dictateur, dont les seuls consuls avaient le privilège. Quoi qu'il en soit, à une époque où les comices curiates ont perdu leur importance, on voit le sénat et les consuls jouer le principal rôle dans la création du dictateur. Comment se partageaient à cet égard leurs attributions ? Il paraît certain que la nécessité de l'établissement d'un dictateur était proclamée par un sénatus-consulte ; mais le sénat n'avait pas d'action directe pour contraindre les consuls à exécuter sa décision. Il y parvint plus tard indirectement, en employant les tribuns pour amener les consuls à agir in auctoritate senatus, par la menace d'un emprisonnement (duci jubere), ou d'une abrogatio imperii. Mais ordinairement les consuls étaient disposés à obéir au décret du sénat. En pareil cas, comment procédait-on ? le consul désigné, soit par le sénat, soit d'accord entre les parties ou par le sort, ou enfin le premier qui apprenait in castris l'existence du sénatus-consulte, procédait au choix. Le plus souvent, il nommait le candidat indiqué par le sénat, ou s'entendait d'avance avec lui. Mais il était libre, d'après la lex de dictatore creando, de choisir qui bon lui semblait, et quelquefois il porta son choix sur un candidat fort hostile au sénat ; souvent sur son ancien collègue ou sur un préteur en exercice.

Il paraît que, d'après les termes mêmes de la loi primitive de dictatore creando, la dictio devait être faite par un des consuls ; en leur absence, et faute de pouvoir communiquer avec eux, on fut obligé, après la bataille de Trasimène, de faire nommer un prodictateur (prodictator) par le peuple. De même, il fallut la décision des augures, en 323 de Rome, pour lever le doute sur le point de savoir si un tribun mi-

-Becker, p. 254 ; Karlowa, I, p. 213 ; contra Madvig, Verf. I, p. 48".

— fi Walter, Gesc/i. d. rôm. Redits, I, u» 142. — 15 Arg. de Tit. Liv. V, 46 : VI, 28 ; VII, 6 ; Dion. V, 70 ; d’autres passages plus abrégés mentionnent seulement le sénatus-consulte : T. Liv. IV, 17, 23, 46 ; Vlll, 17 ; IX, 29 ; X, U.

— 10 Tit. Liv. IX, 38. — " Suet. Tiber. 2 ; T. Liv. XXII, 3 ; XXVII, 5 ; Plut. Marc. 24. — 18 I, p. 593. — 19 Gesch. I, n» 142, note 148. — 20 I|, 2 ; Schwrglcr, Rom. Gesch. II, 124. P. 155, note 34.5 ; voy. aussi Lauge, 1, p. 433. — 21 Hist. Tom. trad. Alexandre, t. II, p. 14 ; Id. Staatsrechi, II, i, p. 141 ; Karlowa, I, p. 212.

— 22 Lange croit qu’il leur fut concédé par la loi primitive de dictatore creando, qui aurait été un supplémeut à la lex de imperio {Alterth. p. 432). — 23 Ce lut une anomalie que la tentative faite une fois par le sénat de forcer uu consul à nommer dictateur celui que le peuple aurait désigné. V. T. Liv. XXVII, 5.

— 24 T. Liv. IV, 26, 56 ; XXIX, 19 ; Laboulaye, Essai sur les lois crim. p. 36 ; Lange, I, § 82, p. S42 cl s. — 25 T. Liv. IV, 26 ; VII, 21. — 26 T. Liv. IV, 17 ;

militaire consulari potestate pouvait nommer un dictateur ; ce qui eut lieu depuis, nombre de fois, sans aucune difficulté. Mais ce fut en violant tous les précédents constitutionnels que Sylla se fit décerner sa dictature illégale par un interrex, Valerius Flaccus (quoi qu'en disent certains historiens grecs peu au courant du droit public romain) et que Jules César se fit nommer par un préteur. Cependant Tite-Live cite un sénatus-consulte qui avait prévu cette hypothèse dans un cas extraordinaire.

L'intercessio d'un des tribuns ne pouvait empêcher la nomination du dictateur ; car la loi de dictatore creando, antérieure à la création du tribunat, n'admettait aucune limitation de ce genre. D'après la loi, la nomination ne pouvait avoir lieu qu'à Rome ou dans les limites du territoire romain [Ager romanus], mais on l'étendit par une fiction à toute l'Italie. Au milieu de la nuit qui suivait l'émission du sénatus-consulte, le consul se levait (surgens vel oriens nocte silentio) pour prendre seul les auspices suivant les rites consacrés. Lui seul aurait pu ensuite attester l'omission d'une forme, ou l'existence d'un mauvais présage de nature à faire regarder le dictateur comme vitio creatus. Ensuite, si les auspices lui paraissaient favorables, le consul désignait un dictateur (dicebat dictatorem). Primitivement, il est certain que ce magistrat extraordinaire ne pouvait être pris que parmi les patriciens ; à raison de l'imperium regium et des grands auspices dont il était revêtu. Mais d'assez bonne heure on s'écarta de la règle qui prescrivait de nommer un consularis. Dès l'année 386 de Rome (368 av. JC.), un plébéien avait été choisi pour maître de la cavalerie [Magister equitum] ; en 398 de Rome ou 356 av. JC., un plébéien fut dictateur dans la personne de C. Martius Rutilus, qui nomma magister equitum C. Plautius, plébéien comme lui. Mais plus tard l'usage voulut qu'on ne donnât pas les deux fonctions à des citoyens du même ordre ; rien n'empêchait le même individu de revêtir une seconde fois la dictature l'année suivante.

Dès que sa nomination lui était notifiée, le dictateur obtenait la potestas dictatoria : il devait entrer en exercice et choisir son lieutenant ou maître de la cavalerie et faisait rendre par les comices-curies la loi de imperio suo. Quant à ses insignes, ils rappelaient ceux de la royauté, dont il obtenait pour six mois l'imperium regium. A partir du moment où chaque consul eut droit à douze licteurs, le dictateur, qui avait un pouvoir égal à celui des deux consuls et même plus étendu, put avoir toujours vingt-quatre licteurs, avec faisceaux armés de hache, symbole de leur jus gladii, même à l'intérieur de la cité. C'est par erreur que l'Epitome de Tite-Live attribue cette innovation à Sylla. Il est très probable en outre que le dictateur avait droit à la toge prétexte et à la chaise curule. En effet, il faisait partie des magistratures curules (sensu lato), bien qu'il ne

VI, 2 ; VII, 12 ; IX, 29 ; X, 11 ; XXII, 57. — 27 T. Liv. II, 30. — 28 T. Liv. Vlll, 12 ; Epit. 19 ; IX, 38 ; Becker, II, 2, p. 158. —29 T. Liv. VIII, 12. — 30 T. Liv. II, 8 ; Lyd. De mag. I, 38. — 31 T. Liv. IV, 31 ; Becker, p. 157. —32 Zonar. VII, 19 ; T. Liv. V, 19 ; VI, 2 ; 11, 28, 38. — 33 Cic. De ler). ag. III, 2 ; App. Relt. rio. 98.

— 31 Dionys. X, il ; Plut. Marc. 24. — 33 Dio Cass. XLI, 36 ; Caes. Bell. civ. II, 21 ; Cicer. Ad Att. IX, 15. — 36 V. Tit. Liv. XXVII, 5, et c-intra, T. Liv. XXII, 8. — 37 Tit. Liv. IV, 57. — 33 Lange, p. 542. — 39 T. Liv. XXVf, 5, 29. — 40 T. Liv. VIII, 23 ; Becker, II, p. 100, note 359 ; Lauge, I, p. 544 ; ’Willems, Droit public rom. 5" éd. p. 264. — " T. Liv. Vlll, 15 ; VI, 38 ; IX, 7 ; Cic. De leg. III, 3.

— 42 V. iMPERiuM, pATRiai. — 43 T. Liv. IV, 26. — 41 T. Liv. VI, 39. — « T. Liv. VU, 17. — 46 T. Liv. VI, 38. — 47 T. Liv. IX, 38, 30. — 48 T. Liv. U,’ 18, 30 ; Polvb. III, 87 ; Plut. Fab. 4 ; Dion. X, 24 : App. Bell. civ. I, 100 : Dio Cass. LIV, 1. Contra Lydus, De mag. I, 37 ; cf. Mommsen, I, 367. — 49 Epil. LXXXIX.

— 60 Dionys. X, 24 ; Lydus, De mag. I, 37.