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rituel. On sait qu’à Rome, dans toutes les cérémonies, soit purement religieuses, soit revêtues d’un caractère religieux plus ou moins accentué, les moindres détails étaient fixés avec une précision impeccable. Il suffisait d’un oubli en apparence insignifiant, de la plus légère erreur, pour qu’il y eût piaculum 1[1]. Dans les sacrifices, un mot mal prononcé, une libation mal répandue, un gâteau mal placé, un instrument tourné de travers, constituaient autant de piacula. Dans les jeux, des incidents presque imperceptibles, la faiblesse ou la paresse d’un des chevaux attelés aux chars, l’interruption d’une danse, l’emploi d’un histrion dans un rôle qui ne devait pas lui être dévolu : piacula 2[2]. Les piacula étaient particulièrement nombreux et graves dans les rites funéraires et dans le culte des dieux Mânes. Nous connaissons d’autre part certains cas spéciaux : ainsi il y avait piaculum, quand un soldat romain, dévoué aux dieux infernaux par son général pour assurer la victoire aux légions, ne périssait pas dans la bataille 3[3] ; il y avait piaculum, quand on mettait en culture un fucus, quand on y faisait des travaux de terrassement ou de fouille 4[4] ; il y avait piaculum, lorsqu’on frappait de verges un condamné qui avait pu se jeter aux pieds du Flamen Dialis, tandis qu’on le conduisait au lieu du supplice 5[5].

Dans le sens d’expiations, actes expiatoires, les piacula n’étaient pas moins variés. On peut d’abord considérer comme piaculum la réitération de la cérémonie ou de l’acte que l’on a jugé nul et non avenu. Plutarque affirme que de son temps on recommençait les sacrifices jusqu’à trente fois 6[6]. Il en était de même des processions et des jeux. D’après Tite-Live, les feries latines furent recommencées en 189 et en 190 7[7] ; Dion Cassius rapporte qu’après le sacrilège commis par le tribun Clodius, on procéda à une nouvelle célébration des mystères de la Bona Dea 8[8]. Le plus souvent, l’acte expiatoire consistait en un sacrifice ; et, dans un grand nombre de cas, la victime était un porc ou une truie 9[9]. Certains sacrifices expiatoires avaient un caractère général : le sacrifice de la porca praecidanea, que chaque année on offrait à Cérôs avant de toucher aux fruits nouveaux, était destiné à expier les dérogations au rituel funéraire qui auraient pu être commises depuis la précédente récolte 10[10]. Le sacrifice du porcus propudianus, particulier à la gens Claudia, passait pour être velut piamentum et exsolutio omnis contractae religionis 11[11]. Il y avait même des piacula préventifs, d’après le sens attribué par M. Bouché-Leclercq aux sacrifices des victimes dites praecidaneae, que l’on immolait la veille des sacrifices solennels 12[12]. Il n’était pas toujours possible de racheter par un acte expiatoire une faute commise contre le rituel ou une violation du jus sacrum. En thèse générale, l’expiation n’était pas admise quand la faute avait été commise ou la violation perpétrée volontairement. Le coupable alors demeurait impius 13[13].

Les piacula qui se rapportaient à la religion nationale étaient de la compétence du collège des Pontifes ; ceux au contraire qui concernaient les cultes exotiques étaient de la compétence des XVVIRI SACRIS FACIUNDIS 14[14]. J. Toutain.


PICTURA. — Avant d’aborder l’histoire de la peinture, quelques observations générales sont nécessaires.

Ni les Grecs ni les Romains n’ont, de longtemps considéré la peinture comme un art indépendant, se suffisant à lui-même. Elle n’était à leurs yeux qu’un des éléments du décor en architecture et en sculpture. A l’exemple des Égyptiens, qui la mettaient partout, les Grecs en paraient notamment, leurs temples et leurs statues ; et quand ils connurent le tableau de chevalet. qui ne semble pas remonter chez eux plus haut que la fin du Ve siècle, ils n’en continuèrent pas moins à enluminer de tons vifs leur plastique, surtout celle que produisait, sous la forme de bas-reliefs, l’art industriel. La peinture, en Grèce, s’est donc dégagée lentement de l’espèce de sujétion où la tenaient les autres arts. Et cependant, elle a été plus d’une fois en avance sur ces arts : plus d’une fois elle a montré le chemin à la sculpture, moins libre de ses mouvements, plus gênée par les difficultés d’exécution qu’elle rencontrait 1[15]. Quand on étudie parallèlement, en Grèce, le développement de la sculpture et celui de la peinture, on constate que des attitudes, des gestes trouvés par celle-ci, n’ont été reproduits par celle-là que plus tard, et que, s’il est de grandes œuvres sculpturales qui se sont imposées à l’imitation des peintres, le plus souvent ce sont les peintres qui ont agi sur les sculpteurs en leur enseignant des hardiesses que ceux-ci, sans eux, n’eussent point imaginées de si tôt. Pourtant la peinture est longtemps restée chez les Grecs un art subalterne, incapable de se passer du statuaire ou de l’architecte.

Ce double caractère tient à ce que longtemps elle se borna à n’être qu’un dessin. Procédant par teintes plates, sans souci de la perspective, occupée presque uniquement de lignes et de contours, tout lui était facile, tandis que la sculpture, obligée de compter avec la matière, avait à vaincre des obstacles qui devaient nécessairement en retarder les progrès. En revanche, la simplicité relative de l’art de peindre devait longtemps le réduire à n’être qu’un art décoratif. Il ne sortit de ce rôle que le jour où il se compliqua, prit de l’importance, serra de plus près la réalité en essayant de rendre le modelé des corps, où, en un mot, appelant sur lui l’attention, il parut digne d’être cultivé pour lui-même, en dehors des objets qu’il avait auparavant pour mission de faire valoir. Jusque-là, il vécut dans une sorte de dépendance.

La peinture antique n’en a pas moins, d’assez bonne heure, produit des œuvres dignes d’attention. Les Grecs surtout ont eu une grande peinture, qui semble avoir égalé en mérite et en intérêt leur sculpture et leur architecture. Mais cet art, à cause de sa fragilité, a été particulièrement maltraité par le temps. Alors que, grâce à des monuments plus ou moins intacts, nous pouvons nous faire une idée de la science et de l’habileté de la sculpture grecque à partir du VIe siècle avant notre ère, pas un fragment de bois, de pierre ou de stuc, portant la trace certaine du talent d’un Polygnote, d’un Zeuxis, d’un Parrhasios, d’un Apelle, n’est venu jusqu’à nous. Ce serait, cependant une erreur de croire que, de ce côté,

  1. 1 Serv. L. c.
  2. 2 Bouché-Leclercq, Les Pontifes de l’anc. Rome, p. 177.
  3. 3 Liv. VIII, 10.
  4. 4 Cat. L. c.
  5. 5 Gell. X, 15.
  6. 6 Plut Coriol. 25.
  7. 7 Liv. XXXII, 1. XXXVII. 3.
  8. 8 Dio Cass. XXXVII, 46.
  9. 9 Cat. Rust. 139 ; Cic. Leg. II, 22, § 57 ; Gell. IV, 6, § 7 ; Fest. s. v. Propudianus porcus.
  10. 10 Gell. l. c.
  11. 11 Fest. L. c.
  12. 12 Op. l. p. 178.
  13. 13 Bouché-Leclercq, O. l. p. 179 ; Wissowa, Relig. und Kultus d. Römer, p. 330.
  14. 14 Bouché-Leclercq, p. 180-181.
  15. PICTURA : 1. Koepp. Jahrb. 1857, p. 122 ; Michaelis, Ibid. 1893, p. 134 ; Collignon, Hist. de la sculpture grecque I, p. 408 ; II, p. 67, 73, 109, 202 sq., 570, 586 sq. ; Homolle, Lysippe et l’ex-voto de Daochos (Bulletin de corr. Hell., 1899, p. 479 sq.) ; H. Lechat, Pythagoras de Rhégion, p. 40 sq. ; Collignon, Lysippe, p. 108 sq., etc. ; Pottier, Catalog. Vases antiq. Du Louvre, p. 613 sq., 848 sq.