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la mettons en regard de celle des Grecs, en plaçant dans une troisième colonne le sens des appellations.

NOMS PHÉNICIENS.
NOMS GRECS.
 SIGNIFICATIONS.
אָלֶף
Ἄλφα. Bœuf.
בּית
Βῆτα. Maison.
גִימֶל
Γάμμα — pour γάμλα. Joug.
דֶלֶת
Δέλτα. Porte.
הֵא
Ἐ-ψιλόν. Fenêtre.
וָו
Βαῦ. Clou.
זין
Ζῆτα. état emphatique d’une forme זי, qui est restée le nom éthiopien de la lettre.
Arme.
הֵית
Ἦτα. Haie.
טֵית
Θῆτα. Serpent.
יוֹד
Ἰῶτα. Main.
כַּף
Κάππα. Paume de la main.
לָמֶד
Λάμβδα. — pour λάμδα. Aiguillon.
מֵים
Μῦ. — c’est comme en éthiopien מי, le singulier du nom qui est au pluriel chez les Hébreux.
Eaux.
נוּן
Νῦ. pour νῦν. Poisson.
סָמֶךְ
Σῖγμα. — par métathèse de la gutturale et du μ.
Support.
עַיִן
Ὀ — μικρόν. Œil.
פֵא
Πῖ. Face.
צַדֵי
Manque. Javelot de chasse.
קוֹף
Κόππα. Nœud.
רֵישׁ
Ρῶ — pour ῥῶς. Tête.
שִׁין
Σάν—σάμπι. Dents.
תָו
Ταῦ. Marque du bétail.

Nous examinerons les principaux passages des écrivains grecs relatifs aux différentes phases de la formation et du développement de leur écriture quand nous aurons consulté les monuments de cette écriture elle-même sur son histoire, et quand nous aurons relevé les faits positifs qu’ils fournissent ; car ces passages sont pour la plupart très-obscurs et très-contradictoires, et ne peuvent être bien compris qu’avec l’aide des monuments.

Alphabet cadméen. — Si, à défaut de monuments positifs, on cherchait, d’après les vraisemblances historiques, à fixer la contrée grecque où la tradition de l’alphabet primitif, encore presque phénicien, a dû se conserver le plus longtemps intacte, on désignerait tout d’abord l’île de Théra. C’est là que la population phénicienne demeura le plus tard, et, lors même que la colonie Spartiate et minyenne conduite par Théras, fils d’Autésion, y eut introduit l’élément dorien, qui devint bientôt dominant, l’origine cadméenne de la race royale installée avec cette colonie maintint dans une mesure assez considérable les premiers habitants, graduellement confondus dans la masse des nouveaux colons.

En répondant ainsi on se trouve d’accord avec les faits ; car, s’il est des inscriptions qui, par la forme antique de leurs lettres, leur ressemblance avec celles des Phéniciens, par les habitudes graphiques qu’elles révèlent, répondent d’une manière assez exacte à l’idée que l’on peut se faire de l’écriture primitive appelée par les Grecs eux-mêmes cadméenne (καδμήϊα γράμματα), ce sont celles qui ont été découvertes, tracées sur de grands blocs de lave ou sur la paroi des rochers, dans les très-anciennes nécropoles de Mésa-Vouno et d’Exomyti dans l’île de Santorin, ainsi que dans l’île de Thérasia.

Vingt ont été d’abord copiées par M. le baron Prokesch von Osten et ont fourni le sujet d’une importante dissertation de M. Böckh, insérée dans les Mémoires de l’Académie de Berlin[1], Franz, dans ses Elementa epigraphices Graecae[2], les a reproduites avec un nouveau commentaire. Dans sa remarquable Étude sur l’histoire de l’alphabet grec à laquelle nous aurons l’occasion de nous référer souvent M. Kirchoff a résumé brièvement, et de la manière la plus complète, toutes les observations paléographiques auxquelles les inscriptions de Théra connues en 1863 pouvaient donner lieu[3]. Depuis lors M. Michaëlis a enrichi cette classe si importante de monuments par la publication de deux nouveaux[4].

Nous croyons pouvoir fixer approximativement l’âge des inscriptions de Théra, dans le ixe siècle avant notre ère et la première moitié du viiie pour les plus anciennes, du milieu du viiie siècle au milieu du viie pour celles de la date intermédiaire, enfin entre la xxxe et la xlve Olympiade, c’est-à-dire dans la seconde moitié du viie siècle pour les plus récentes. Cette manière de voir place encore l’exécution des plus anciennes plusieurs siècles après le premier établissement des Phéniciens à Théra et la colonie cadméenne de la Béotie, deux événements dont nous avons essayé, dans un autre travail[5], de déterminer la date et auxquels doit être rapportée la première introduction de l’alphabet parmi les populations de la Grèce. Mais les Phéniciens s’étaient maintenus à Théra, de même qu’à Mélos, beaucoup plus tard que dans le reste de l’archipel ; ils y étaient restés maîtres jusqu’à la venue des Doriens ; par suite, les plus anciennes inscriptions de cette île parvenues jusqu’à nous touchent presque à l’époque où les fils de Chanaan y dominaient encore d’une manière directe.

La ressemblance frappante, l’identité presque absolue que la plupart des lettres des inscriptions de Théra offrent avec leurs prototypes phéniciens, justifie notre opinion, que ces inscriptions font connaître presque sans altération les formes primitives de l’alphabet cadméen ou de l’alphabet phénicien appliqué à rendre les sons de la langue grecque. Cependant il nous semble que l’on peut y remarquer quelques changements introduits pendant l’intervalle qui sépare la date de la transmission de l’écriture des Phéniciens aux habitants de la Grèce, de celle où furent gravées les plus anciennes parmi les inscriptions de Théra. Mais ces changements sont faciles à discerner, et à l’aide des inscriptions archaïques des autres parties de la Grèce on arrive à reconstituer facilement toutes les lettres de l’écriture cadméenne. Nous les plaçons, dans le tableau (fig. 231) en regard des lettres de l’alphabet phénicien, en donnant pour les lettres cadméennes deux formes, celle des monuments où l’écriture va de droite à gauche, suivant la direction phénicienne, et celle des monuments où elle va do-

  1. 1846, p. 41-101.
  2. P. 51-57.
  3. Mémoires de l’Académie de Berlin pour 1863, p. 156-161.
  4. Ann. de l’Inst. arch. t. XXXVI, pl. R, n. 3 et 4.
  5. Annales de philosophie chrétienne, 1867 : La légende de Cadmus et les établissements phéniciens en Grèce.