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ou des autres grandes villes, sont en principe, tout comme ceux des vici ruraux, des fonctionnaires d’ordre religieux ; leur rôle est de présider l’association formée par les habitants d’un quartier, d’accomplir les rites et les sacrifices en l’honneur des Lares Compitales et d’organiser les jeux par lesquels on célèbre leurs fêtes [lakes, compitalia, recio].

Pour l’époque républicaine, les documents toucliant les magislri vicoriim sont rares et peu explicites. Parmi les inscriptions mentionnant ces dignitaires, deux seulement sont antérieures à l’Empire. L’une d’elles nous fait connaître les noms de quatre afl’ranchis mngisti’i d’un viens, mais comme elle fut trouvée à sept milles hors de Rome, près de VOsteria del curato, entre la voie Latine et la voie Labicane, il est possible que ce vicus représente une bourgade suburbaine tout aussi bien qu’un quartier de Rome’. L’autre, plus ancienne, demeure énigmatique ’- ; on ne saurait décider si elle cite deux ou trois personnages, qui s’intitulent mag{istri) de diiobus pnr/eis et vicei Snlpicei. De plus, l’inscription est accompagnée d’un bas-relief représen- tant un homme et une femme sacrifiant devant un autel. Avons-nous affaire à un groupe de magistri de diffé- rentes associations, deux d’entre eux présidant chacun un pagus et le troisième un vicus, ou bien les auteurs de l’inscription se seraient-ils trouvés ensemble à la tête à la fois de deux pagi et d’un vicus ? Nous connais- sons ces subdivisions de pagi et de montes antérieures à la répartition de la ville en régions ; c’étaient des districts plus vastes que les vici ; ils avaient leurs asso- ciations et leurs cultes comme les vici ; un pagus englo- bait plusieurs vicinitates sans cependant se confondre avec elles. Et puis, que vient faire sur cette pierre l’image d’une femme sacrifiant ? Représente-t-elle une magislra ? Cette niagistra appartiendrait-elle k l’un des pagi ou au vicus’ ! Autant de questions auxquelles on ne saurait répondre. Conlentons-nous de retenir de ces deux inscriptions que les vicomagistri de l’époque républicaine pouvaient être souvent des afl’ranchis et qu’ils se trouvaient en relations assez étroites avec les magistri des pagi.

Un passage de l’un des discours imaginés par Tite Live, à propos de la loi Oppia, nous confirme que dès cette époque les ynagislri vicorum appartenaient à la classe la plus humble de la population romaine. Ces magis- trats de la catégorie la plus «infime », nous dit l’histo- rien, avaient cependant droit à la toge prétexte ^ ; et ce renseignement nous est confirmé par Dion Cassius qui spécifie qu’Auguste, en rétablissant les vicomagistri, leur rendit leur ancien costume et les autorisa, pour les jours de fête, à se faire précéder, dans leur quar- tier, par deux licteurs ’.

Ces modestes dignitaires avaient donc, sous la Répu- blique, leur jour de gloire ; ils présidaient aux jeux com- pitalices, mais ils partageaient cette prérogative avec les magistri des innomijrables corporations qui florissaienl alors à Rome Mommscn, refusant aux associations vicinales, aux vicinitates, le caractère de collèges consti- tués que possédaient les autres corporations, estime

< Corp. inscr. lai. VI, n. I32t ; DiMct. dclt Inst. I80S, p. 8-1. I/iiiscriiilion est aiiUTiourc do (juclqucs années à l’année 731 /i3. — ’i Corp. inscr. lut. I, n. 80i = VI, n.iîH. -3 T. l.iv.XXXIV, 7, 2. — * Dio Cass. LV, 8. -6 Asconius, Comment, in Pison. (éd. Kicssling-Schooll), p. G, 7. — c Corp. inscr. lai. l,

que les magistri vicorum ne devaient être nommés que temporairement par les habitants du voisinage, pour grouper les efforts et organiser la fête du quartier"^. Leur rôle, noussemble-t-il, était à la fois moins important et moins éphémère. Les associations de quartier avaient, en effet, une existence permanente et par conséquent des ynagistri aux fonctions durables. Quinlus Cicéron, adressant ses recommandations à son frère candidat au consulat, l’avise de n’oublier ni les collèges profes- sionnels ni les montes, ni les pagi ni les vicinitates. Ces divers groupements sont énumérés par ordre d’importance, mais paraissent tous de même nature.

On objectera, il est vrai, qu’ainsi comprises les vici- nitates et leurs magistri devaient faire double emploi avec les autres collèges. Les corporations profession- nelles, elles aussi, devaient souvent correspondre à un groupement local. On sait, en effet, que fréquemment les artisans de même métier habitaient le même vicus auquel ils avaient donné leur nom [vicus]. A la fin de la République, nous voyons les collèges politiques se recruter par quartiers [vicatim) ^ Quelle raison d’être pouvaient avoir, à côté des autres corporations, l’asso- ciation du vicus et ses vicomagistri ?

Toutes ces sociétés se distinguaient sans doute entre elles surtout par la situation sociale et la qualité de leurs adhérents. Les collèges professionnels groupaient des commerçants, des artisans, dont les métiers avaient leur hiérarchie ;ilsavaient leurs intérêts propres, ils hono- raient un patron, dieu ou génie, qui était censé les favo- riser particulièrement ^ Mais ils laissaient en dehors d’eux bien des éléments de la plèbe romaine, tous ceux qui n’exerçaient aucun métier défini, les affranchis, les es- claves, que ne sollicitaient dans la ville nul intérêt bien caractérisé et nul autel. Ces humbles n’avaient d’autre Génie que celui du quartier qu’ils habitaient, d’autre Lare que celui de la rue et du carrefour. Ce sont eux que devaient grouper les associations des pagi, des montes et des vici. Cicéron nous l’indique : tous les collèges de la ville, dit-il, lui ont apporté leurs félicitations, tous les groupements de montani et de pagani — « puisque la plèbe urbaine elle-même a ses conventicules et pour ainsi dire ses conseils’" ». Les autres groupements participaient aux fêtes des quartiers, puisque tous jouissaient de la protection des Lares du carrefour commun, mais ce culte appartenait en propre à ceux qui n’en avaient pas d’autre, aux très humbles à qui tout dans la ville était étranger et hostile, sauf la rue.

Les précisions que ne fournissent pas les documents proprement romains, on peut les trouver, nous semble- t-il, dans certains textes épigraphiques émanant de la colonie romaine de Délos. Des magistri vicorum de la Rome républicaine on rapprochera aussi exactement que possible les coinpétaliastes (xojjLTteTaXiacTaî) de Délos". Une dizaine de dédicaces trouvées près du port, en un carrefour auquel on a attribué le nom d’agora des Compétaliastes, portent les noms de cinq à douze personnages qui se disent anciens compétaliastes (xoixiteTaXtauxai YEvojxevot). Ce sont tous des allranciiis ou des esclaves. Leur titre leur vient évidemment du nom

p. 205. — -I De pelilione consulalus, 8, 30. — » Cic. Pro .S«s(. 15, 3t ; 21, 54 ; cf. Wallzing, Étude hiator. sur les corporations roni. 1, p. 9tl, 97. — ’J VValUing. ihid. p. 62 aq. — ’0 Pro domo, 2S, 74. — " ilauvollo, IJull.corr.hell. VUiISSS), p. I2 5q. ; Jouguel, iiirf. .XXIll (18 !I9), p. 72-73 ; llalifold, iiid. XXXVI (19 12), p. 103.