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Vie

symbole de hi Victoire reste lié à la personni’ de l’Empereur (fig. 2459, 5832) ’. Dépourvu de tout caractère cultuel, ce fétiche n’a cependant pas perdu toute signification religieuse. Si la Victoire n’est plus une divinité, on la considère comme un bienfait divin, comme la grâce suprême que l’enipereur et les sujets de l’Empire puissent demander à Dieu devant les menaces de plus en plus redoutables de la barbarie’. Ainsi, par un singulier retour, elle se fond de nouveau au sein d’une divinité plus large et elle devient un attribut du Dieu des chrétiens, comme elle avait été longtemps un attribut des grands dieux helléniques.

m. Les types de la Victoire dans l’art grec et dans l’art romain. — Les plus anciennes représentations de la Victoire, dans l’art grec, rappellent le type de l’Artémis ailée d’Asie Mineure, dite .rtémis persique (fig. 935, 2389-2391). Vraisemblablement elles dérivent de ce modèle oriental, dont l’art ionien des vu" et vi" siècles avait répandu des variantes dans tout le monde grec et jusqu’en Ètrurie ’. Il y eut, ce semble, un dédoublement de l’Artémis-Nikè, comme il y eut plus tard en Grèce dédoublement d’Athèna-Nikô ; et le motif qui exprimait l’antique domination sur les animaux servit à symboliser les victoires des hommes. Mais, tandis ((u’Artémis était en général figurée dans une attitude d’immobilité ou de démarche lente, Nikè fut représentée dans l’attitude du vol. Qui lui donna le premier des ailes et créa ce type immortel de la Victoire ailée ? Est-ce un peintre ou un sculpteur ? Les anciens eux-mêmes ne s’accordaient pas sur ce point. Les uns tenaient pour le peintre Aglaophon de Thasos, les autres pour un sculpteur ionien de la première moitié du vr siècle, .rchermos de Chios ’. 11 est certain que les savants de Pergame con- naissaient une Nikè volante d’Archermos et la considé- raient comme le prototype de la Victoire dans l’art plastique. Deux monuments d’une importance capitale, découverts à Délos dans le téménos d’Artémis, confir- ment avec éclat leur témoignage. Ce sont : 1° une statue de femme ailée, plus petite que nature, en marbre, qu’il y a tout lieu d’identifier avec Nikè (fig. 23’»9 et 74371 ^ ; 2» les fragments d’une base de même marbre, mention- nant le nom d’.rchermos et le louant de ses inventions ingénieuses (sojji’ok) ^. Que cette base ait appartenu à la statue, comme il parait vraisemblable, ou que la statue ait simplement servi d’acrotèrc au vieil Artémision, il est difficile de ne pas revendiquer la Mkè délienne pour l’école de Chios ; car elle se rattache manifeste- ment à la grande lignée de l’.Vrtémis ionienne, et les modèles d’Ionie étaient familiers à cette école. Les

1 Ivoire Barberini. au Louvre ; cf. Sclilumberger dan» Afonumenlt Piot, VII, pi. I et p. 8t, mais d’autres veulent y reconnaître Constantin. Bou- clier d’argent provenant de Kertch, au musée de l’Ermitage ; cf. S. lii’inach, Jiéperl. reliefs. II, p. 2si, i ; m, p. 505, 3.-2 Baudiillarl, op. cil. p. 63-66.

— 3 Radet dans Bei : éludes anciennes, 190S, p. 109 srj. et dans C. r. Acad. Jnscr. 1908, p. 2îi sq. : cf. Studnicika, loc. cit. p. 3S1 et pi. i, 3. Les Victoires groupées avec des cerfs ou des biches, sur la couronne de la Némésis d’Agoracritos ^cf. Caus. I, 33, 3), sont plutôt des interprétations de la Potnia Tliéron anatolieune.

— ’Schol. Arisloph. Aves, 57*. oïlanl liarystiosde l’ergame. peut-être pour Aniigone de Caryste, qui vécut à Pergame et qui est une des sources de Pline ; cf. Perrot, Hist. de fart anl. VIII, p. 304, n. I. — 5 Avec la bibliographie antérieure, Col- lignon, Bist. sculpl. gr. I, p. 134-142 et fig. 67.68 : freu, dans Verhandl. d. 4i J’hilologenreri in Wien., 1893, p. 324, fig. 1 et 2 et dans Wien. Jahreshefle. 1899. p. 200 ; Studniczka, loc. cit. p. 38i et pi. n, 7 ; bulle dans Rosclier, op. cit. III, 320-322, fig. 3 ; Perrot. loc. cil. I9Û3, p. 299-307 et fig. 122-123 (notre fig. 7437 = ibid. Dg. 125) ; Lecbat, La sculpl. allique avant Phidias, 1904, p. 169-181 ; Radet dans C. r. Acad. Inscr. 1908, p. 221 sq. ; Locwy dans Wien. Jahreshefle, 1909, p. 266 sq. ; lirunu-Bruckraann, Denkm. 36 ; S. Iteinacb,

ailes recourbées de Nikè, commes celles d’Artémis, devaient s’éployer avec symétrie autour du buste. Des ailettes se fixaient aux chevilles. Pour exprimer la rapidité de l’élan, la jambe droite se fléchissait à demi, dégagée de la tunique à la hauteur du genou, et la jambe gauche se courbait énergiquement vers le sol. Le bras droit, lancé en avant et relevé afin de s’encadrer dans le retroussis de l’aile, accompagne le mouvement du corps ; l’autre, pour équilibrer le geste, s’appuie à la saillie des hanches. Entin il faut restituer à la déesse ses pendeloques d’oreilles, les fleurons de bronze doré qui décoraient son large diadème, toute une poly- chromie qui est encore visible sur son corsage sans plis et sur la bordure de son chiton . Tenait- elle dans la main droite un attribut ’.' Cet attribut pourrait être la couronne destinée au vainqueur ; déjà la couronne apparaît entre les mains de Nikè sur un plat estampé de Caeré«, où son image Kig. 7457. - muè de Uéios,

trahit l’influence du type

créé par Arciiermos, et sur une coupe archaïque, oit Nikè se profile à grand vol derrière un jeune cavalier’. Peut-être aussi, à en juger par ce même plat de Caeré, où la déesse semble tenir également un petit quadrupède, par un alabastre de Camiros et par une amphore plus récente, signée de .Nicosthénès, Nikè conserva-t-elle un certain temps les attributs de l’Artémis souveraine des bêles ’". Près de la jambe gauciie de la Nikè d’Archermos, on a proposé de restituer un lion ".

L’art possédait désormais une formule pour exprimer la rapidité du vol, ou plus exactement de la course aérienne. Il en fit bénéficier tous les êtres ailés et rapides qui hantent l’imagination des poètes. Le type même de la Victoire resta fixé pour un siècle. De nombreuses répliques et réductions de la Nikè d’Archermos nous sont parvenues, ajoutant parfois plus de souplesse dans le dessin, plus de coquetterie dans le costume, plus d’élégance dans l’attitude, modérant la flexion des jambes, allongeant les ailes, mais révélant bien une inspiration commune ’- : telles à Delphes deux Nikès, l’une qui dut servir d’acrotère à un angle de la façade antérieure du temple d’Apollon et qui est l’œuvre d’un sculpteur attique du dernier quart duvi« siècle", l’autre

Ri^pert. slat. Il, p. 3S9, 3. — OSix dans Ath. Mitth. 1888, p. 143 ; Loewy, /«sc/ir. gr. Bildh. 1 ; Robert dans Hermès, 1890, p. 448 sq. — ■ ! Cf. Furtwaenglcr, dans .rch. Xeitung 1882, p. 323 el in-îe <iim Allh. ilitlh. I(i89,p. 319. — 8 Potlicr, Vases an- tiques dv. Loutre, I, p. 46clpl. UXVEII, D 355 ; Iladct, loc. cil. p. 236, fig. 10 ; Niki ! alternant avec un char de course. Un vase archa’ique de Rhitsona, â figures noires, montre une .Nikè du même type semblant guider un navire ; elle a une main sur la hanche et l’autre levée, comme la Nikè de Délos ; elle ne tient pas de cou- ronne, mais le marin qu’elle regarde en tient une ; Jtevue études grecques, 1913, p. 420. — » Arch. Zeilung, 18SI, pi. xrii, 2 = S. Reinach, Itr/,ert. mses peints, l, p. Wi, 8 ; Roseher, 111, p. 318, fig. 2. Au British Muséum. — "> Potlier, op. cil. I, p. 19 et pi. xvi, A 463 ; p, lOI, F 102 ; Radet, loc. cit. fig. 6-7. — H Cf. Radet, loc. cil. p. 233, 235. — <2 Voir les listes données par Petersen dans Ath. Mitth. XI, 1886, p. 392-397 et par Studniczka, loc. cit. p. 383, n. 2. Ajouter la slaluelte Janzé, terre cuite au Louvre ; Kadet, loc. cit. p. 234, fig. 9 ; Potlier, Diphilos et les modeleurs de t. c. grecs, pi. xxiv, n» 531. — 13 Ga- .-.elle b. arts. 1^94, II, p. 449 ; Homolle dans Ilull. corr. hell. 1896, p. 652 ; Perrot, op. cit. VIII, p. 370, 573 et fig. 287 ! S. Reinach, Répert. stnt. Il, p. 390, 7.