Page:Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines - Daremberg - V 2.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

VIL

882 —

VIL

n. Villa iRBAXA ’ ("ETtxyXi ;, ÈTrauXtov’-). — Villa de plai- sance, installée à la campagne comme une maison de ville.

Historique. — Le goût de la villégiature naquit à Athènes au v= siècle av. J.-C, sous l’influence des mêmes causes que partout ailleurs : l’accroissement de la fortune publi- que et, chez les hautes classes, fatiguées par l’existence agitée d’une grande ville, le besoin du repos. On vit alors s’élever dans les campagnes de l’Altique « des habitations plusbeileset plusricliementmeubléesquecellesqu’enfer- inaient les remparts d’Athènes ; beaucoup de citoyens ne descendaient plus à la ville, même les jours de fête, et ils aimaient mieux vivre sur leurs biens particuliers que de jouir de ceux qui appartiennent à tous ’. » Mais ce goût n’eut pas le temps de se développer beaucoup dans la Grèce propre avant Alexandre ; déjà en 431 av. J.-C, pen- dantla guerre du Péloponèse.lesLacédémoniens avaient saccagé toutes les maisons de campagne où se plaisaient les plus notables habitants d’Athènes. L’état politique du pays jusqu’à la conquête macédonienne put toujours faire craindre le retour de pareilles calamités. En somme il parait probable que les villas de pur agrément se multi- plièrent surtout à l’époque hellénistique, au m’ et au 11° siècle avant notre ère, quand une paix plus durable eut été assurée aux campagnes ; et c’est plutôt en Egypte et dans les Trapoiosujoi de l’Asie Mineure [uortis] qu’il faut chercher le prototype de ces constructions de luxe ^

Ce qui est vrai d’Athènes l’est aussi de Rome pendant les six premiers siècles de son existence, et pour les mêmes raisons, parmi lesquelles il faut compter au premier rang l’insécurité des campagnes. Il ne put guère être question de villégiature en Italie avant la fin des guerres puniques. Scipion, le premier Africain, pos- sédait une maison de campagne à Liternum, sur la côte de la Campanie** ; c’était en réalité une ferme fortifiée, toujours prête à repousser l’assaut d’un ennemi venu par mer ; elle était bâtie en pierres de taille [lapis qua- dratus), entourée d’un mur d’enceinte, et flanquée de deux tours de défense {in propitgnaculum) ; « la citerne aurait pu suffire à une armée >>, en cas de siège. En revan- che la salle de bains était un réduit étroit {anguhis), mal éclairé par des lucarnes, ou plutôt des fentes [rimae], sobrement ménagées, comme des meurtrières, dans la pierre du mur. Scipion venait s’y délasser de ses fatigues, après avoir lui-même promené la charrue sur les terres d’alentour’. C’est cependant à cette époque que les Romains, délivrés de la terreur de Carthage, commen- cent à bâtir dans un autre style ; Caton admet que l’on ait à côté de la ferme une maison de maître et qu’on cherche à la rendreaussi agréable que possible ; ainsi le maître viendra plus volontiers surveiller les travaux des champs ; Caton est aussi le premier qui donne à ce logis

II. ViLi.A nriBASA. — 1 Cal. De ai/ric. *, 1 ; Varr. fier. msl. lib. I, 13, 7 ; Vilr. fle nrcMt. VI, 6, f. ; Colum. De re rust. I, i-6 ; Ulp. Dig. L, If., 19S. — 2 Plul. Cic. VI, ^ ; LucuH. 30, 4 ; Pomp. »*, 4 ; Poptic. 5, 1 ; 8, I ; Mar. 35, 7 ; De f/arrid. 1 i, p. .W8 D ; Polyb. IV, *, I ; Diod. XII, 43, I ; «, 1 ; Allien. V, p. 213 A. Les aulcuis Krocsomploicnl ordinairement oîxi’a, plus vague ol pi us général, ce (|ui prouve bien ([uc l’usage de la villa chez eux ne remonte pas très haut. Cf. Strab. V, p. iito. — 3 Isocr. VII, 52, p. 150 B. Cf. l’ial. Derep. IV, l,p, 120. — iTImcyd. Il, 13,02, 05. — ’^ lîos- lowzew, jl/i((Aei ;. d.arch. Inat. Ilùm. Ahtheil. XXVI (l’Jl 1), p. 74, 97. — 6 Un peu nu N. de Cumes. — 7 Sen. Episl. 86 ; Bclocli, (’ampanien, p. 378. Ce souci de In défense a persisté encore plus tard. Cf. Varr. fier. rusf. lib. I, 12, 4 ot 10, 2 ; Sen, lipist. Dl. Ferme» d’Italie brûlées pendant la guerre : T. Liv. XXII, 14 ; XXIII. 32 ; Fier. Il, S ; 111,20 ; Ilirl. B.Afr. id. Villas dos côtes pillées par les pirales : Polyb. IV, 4, 1 ; Diod. XII, 43, 45 ; Plut. Pomp. 24, 4. Sur l’insécurité des campagnes, même pris de Rome, v. Prop. III, 10 ; FriedIiinder, .Sillemiescli. /(onis, 8* éd. (1010), II, p. 40 s(. Cf. I.ATH0CIN1IM. — 8 Cat. De aijric. 4.-5 ViUnc cj-po-

le nom significatif de villa iirbana*. Pendant l’àgc sui- vant, celui de Scipion Émilien, on voit s’élever <i des villas d’une extrême élégance », avec des viviers et des parcs, où sont rassemblés des animaux sauvages’. Dès lors cette forme de luxe fit des progrès rapides. Corné- lie, mère des Gracques, possédait au Cap Misène une villa dont elle avait donné un prix équivalant à 75000 drachmes (69 750 francs) ; Marins fut, après elle, propriétaire de cette demeure, <■ plus somptueuse, disait- on, qu’il ne convenait à un chef de guerre’" ». Il dut l’agrandir et l’embellir dans de vastes proportions ; car Lucullus, quelques années plus tard, achetait ce même domaine pour une somme équivalant à 2 500000 drachmes (23250n0francs) ; et enfin Auguste, ou peut-être Tibère, s’en rendit acquéreur. Les anciens ont tout dit sur la passion avec laquelle les Romains, depuis cette époque, édifièrent dans les plus beaux sites de la péninsule des villas magnifiquement meublées et décorées ; les rhé- teurs en ont fait un des principaux thèmes de leurs pro- testations déclamatoires ". Il est probable du reste qu’à la fin de la République les censeurs, chargés de réprimer les excès du luxe, intervinrent souvent pour rappeler à l’ordre les propriétaires de ces domaines, <i où il y avait plus à balayer qu’à labourer » ’-, parce que depuis Caton l’accessoire était devenu le principal. Point de person- nage en vue qui n’ait au moins une villa dans la mon- tagne ou sur la côte : Sylla, Pompée, Jules César, Antoine, Lucullus, les orateurs Crassus et Hortensius goûtent avec délices le plaisir de passer dans ces retraites dorées leurs heures de loisir. Mais l’exemple le plus frappant est celui de Cicéron* : il a possédé au cours de son existence neuf villas ; il achetait et revendait souvent, selon l’état de ses affaires, et plusieurs de ces propriétés furent surtout pour lui des placements d’argent. Elles n’avaient pas non plus la même valeur ; par sa corres- pondance nous voyons ce qu’il attendait de chacune d’elles et quel rôle ces domaines jouaient alors dans la vie des grands. Il y avait d’abord à Arpinum la maison paternelle des Tullii, où l’orateur allait de temps à autre se retrem- per dans ses souvenirs de famille ; elle était entourée de terres de rapport d’une étendue assez considérable ; mais il n’avait rien négligé pour en faire une résidence attrayante. Sa villa de Tusculum, habitée avant lui par Sylla, était un véritable palais, où il avait rassemblé à grands frais des œuvres d’art acquises de tous côtés par ses agents ; on y voyait des galeries de tableaux, des portiques, une bibliothèque, un gymnase ; tout fut brûlé quand Cicéron partit pour l’exil et reconstruit après son retour ; il trouvait là le grand avantage de n’être pas très éloigné de Rome, de sorte qu’il pouvait jouir de la solitude sans cesser de se tenir au courant des affaires publi(|iies. Puis c’était, au bord de la mer, sur la côte du

litiisimne, discours de Scipion dans A. Gcll. Il, 20, 4. — lO plut. Mar. 34 ; Tac. Ann. VI, 50 ; Phaedr. Il, 5 ; Bclocli, Op. I. p. 198. — n Varr. H. r. I, 13, ; llor. Od. II, 15,18 ; III, 24, 3 ; /Cpisl. I, 1, 83-87 ; Tac. AiiH. III, 32 ; Sen. Conlror. V, 5 ; Sen. Kpist. 53, 0 ; 8 !i, 21 ; Juvcn. XIV, 80-93, etc. ; Fi-icdiander, Op. I. III, p. 09 ; Boissier, Promenades archéol. p. 227. — 12 Plin. Xat. hist. XVlll, 0. — 13 Villae in iirbium modmn exaedificatae : Sali. Cntit. 12. Voyci pour la seule Campanie Belocb, Op. l. p. 82, 142, 178, 179, 185, 198, 199. Autres : V, de Varron, lier. rust. lib. III, 3, 5, 13 ; Plin. Nat. hisl. XXXIII, 53 ; XXXVI, 4. V. d’Ilorlensius, Von der Miibll dans Pauly-Wissowa, /lenl-Encyel. VIII, p. 2473,1. 33, etc.. V. do Metellus, Munzer, Ibid. III, p. 1228, 1. 32. V. d’Aemiiius Scaurus, Plin. A,i(. a ;. !(. XXXVI, 115. V. de Clodius, i :ic. Pro .Vil. 17, 19, 21, 33. V. de Q. Ciccro, Cic. Ad Qu. fr. III, 1, 1-7 et 9-7. V. de Lucullus, Plul. Lue. 39. V. de Pompée, Cie. Pro Mil. 20, 54 ; Plul. Pomp. 80, 5. — 1» André Lichtenberger. De Vieeronis re primta (1893), p. 10 ; 0. E. Schmidl. Ciceros Villen, Nene Jtthrb.f. class. Alterl. Gesch. u. dcutsehe I.ilter. IS99, II. p. ’i7S.