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maximum ’. Aucun texte ne parle d’une autre di- vinité ^ L’institution des Vinalia est donc antérieure à l’introduction du culte de Dionysos dans le La- tium’, et la théorie d’après laquelle Dionysos et le vin auraient été importés ensemble par les Grecs dans l’Italie centrale’ se trouve par cela seul écartée défi- nitivement.

Reste la dualité de Jupiter et de Vénus. Les anciens étaient unanimes à la supprimer en faveur de Jupiter. Masurius Sabinus, au second livre de ses Fastes, pronon- çait : Vinaliorum dies Jovi sacer est, non, ut quidam putant, Fene/’P ; et l’assertion vaut pour les deux fêtes. Si Varron rapproche les rustica des dédicaces de temples à Vénus ^ WiaïK àa flamen dialis leur protagoniste" et Verrius Flaccus les consacrait expressément à Jupiter : rustica Vinalia... Jocis dies feslus *. Quant aux priora, tous les témoignages concordent : hic dies Jouis, non Veneris^ ; — dicta dies hinc est Vinalia : Juppiler illam vindicat^". — Mais alors pourquoi nommer Vinalia la. fête de Vénus, et pourquoi les jours de celle fête de Vénus appartiennent-ils à Jupiter ? A la question posée dans ces termes mêmes par les Fastes d’Ovide ", le poète et nombre d’auteurs ont répondu par une anecdote qui, variant dans ses détails, demeure, en son fond, iden- tique : iMézence avait promis son alliance aux Rutules s’ils s’engageaient à lui livrer leur prociiaine vendange ; Énée voua celle des Latins à Jupiter, si le maître des dieux lui donnait la victoire ’-. Institués par Énée, les Vinalia de Jupiter ’^ étaient tout indiqués pour honorer en même temps la mère de leur fondateur. Malheureu- sement, cette explication a été imaginée de toutes pièces pour les besoins de la cause ; et les Romains eux-mêmes en ont cherché d’autres dans la réalité : les Vinalia de Jupiter étaient aussi fête de Vénus, parce que, selon "Varron, tum Veneri dedicata aedes et horti ei deae dicantur ac tumsunt feriati olitores^^. La coïncidence des dédicaces est de même invoquée par Mommsen’° ; le patronage de Vénus sur les jardins suffit à M. Fow- 1er ’^ comme à M. Wissova", qui renvoient tous deux à la même inscription de Pompéi ". Mais quatre fois répétée, deux fois au jour des priora, pour les temples de Vénus Érycine au Capitule " et en dehors de la porte Colline -", deux fois au jour des rustica pour les temples à Vénus du grand cirque et du bois sacré de Libitina ^’,

• Cf. les notices du Corp. User. lat. 12, p. 316 et 325 sq. ; cf. Varr. ap. .Non. 8, 1 : « Vinalibus =ijl ’Ao5oS.cj.’..v ». — 2 Le passage d’Arnobe, V, 31 : f Aesculapii geritur celet/raturque vindemia, n’est qu’une transposition, qui voudrait «Ire plaisante, du sens dis. JJedilrinalia, jour consacré à Jupiter (cf. supra, p. S93, n. 7-8). — 3 A I assimilation de Jupiter Liber à Dionysos, et mime à l’individualisation de Liber. Cf. Perdrizel, article jtpiTEB, III, 710 B.

— » Cf. ilehn, &’uUiirpflan :en. p. 70 sq. — ô Dans Macrob. I, 4, 6. — « Varr. L. l. VI, iO. — ^ Varr. VI, 16. — 8 Festus, p. 263 M. — s Varr. L. l. VI, 16. — lOOv. Fast. IV, 890-900. — H Ov. ih. Sll-SIB : fur igitur Veneris fes- lum Vinalia dicant, | quaerilis, et gtiare lit Jovis ista dies ? — <2 Les ver- sions citées plus haut ditfirenl en deux points : les unes noumient Énée (Ovide, l’Iularque), d’autres Ascagne (Denys, e« VOrigo gent. Rom.) : d’autres, enfin, les Latins collectivement (Calon ap. Jlacr., Festus) ; les unes font du vœu à Jupiter une réplique directe à des propositions de Mézence assiégeant Lavinium (Plutarquc, Denys. et rOriyo^enf.Aom.), d’autres une coulreparljeauicouditionsacceiitées par les Rutules (f^l. de Préneste, Ovide, Caton dans Macrobe) ; d’autres eulin l’enregis- trent puremeni il simplement (Festus, p. 265 M.). — U l.c vœu il’Énée possédait cette autre utilité de justincr la présence de Jupiter là où les Romains des deui derniers siècles dp la Republique auraient attendu Liber. — t* Varr. L. t. VI, 20 ; cf. Festus, p. 289 M. : [/luslica VinofiOj mente AiigUislo ni est in faslis Veneri fiebant] quod eodem iUo [die aedis ei deae consecrata] est iiimcnta[que et oli’ tores aà opère cessant quia] omnes horti [in tulela Veneris esse pulanlur].

— 15 Corp. inser. lat. |2, p. S25. — 16 Wardo Fowler, T/ie lloman festivals, Londres, 1899, p. 86. — ’7 Wissowa, Religion und Kullus der Rûmerï, Munich, 1912, p. 289, n. 5. — 1» Corp. inser. lat. IV, 2776 : presia mi siiiceru[m] ila le

cette coïncidence n’est pas la cause, mais une consé- quence d’une participation de Vénus aux Vinalia ; d’autre part, la vigne, n’est pas une culture de jardins. La vérité est que si Vénus, à l’époque classique, est considérée comme la déesse des horti, ceux-ci avaient alors perdu toute leur importance. . l’époque des XII Tables, par exemple, le mot hortus avait la significa- tion de domaine rural qu’eut, plus tard, lemotr///«, alors inconnu --[uortl’s]. La déesse des jardinsavaitcommencé par être celle de toute la production agricole. Loin de cherchera résoudre la duaUlé Jupiter-Venus, il faut, à mon sens, la conserver ; selon toute vraisemblance, les Vinalia se rattachent, sous leurs deux formes, au culte agraire d’un couple divin du Latium primitif, qui symbolisait aux yeux de leurs lointains adorateurs les énergies créatrices du Ciel et de la Terre " ; on ne se tromperait sans doute pas beaucoup, en l’ame- nant à Rome des coteaux d’Ardée et de Lavinium, encore aujourd’liui plantés de vignes ^ jadis voisins non seule- ment des ’A^poôiffiot fédéraux dont parle Slrabon ^% mais du sanctuaire de Juppiter Indiges ^^, et entre lesquels passaient pour s’être déroulés les combats légendaires de .Mézence et de Turnus contre Ascagne et Énée ■’.

m. — Les r<«rt//a/)rjo ;’a consistèrent essentiellement dans la dégustation du vin nouveau : vinalia priora degustandis vinis instituta {nihilad fruclus altinenl)-*. Après l’avoir laissé fermenter et déposer pendant environ six mois dans les dolia où il avait été versé au sortir du pressoir, on les ouvrait solennellement, et le premier liquide qu’on en tirait, calpar^^, servait à faire une libation à Jupiter’" ; et même, si, comme il est pro- bable, on doit corriger OùevEpxXia en Oùivâ),ia dans le texte de Plutarque, d’abondantes libations publiques à Jupiter avaient lieu alors au temple de Vénus ". Dans la description de la fête que nous a laissée Ovide, l’of- frande portée au temple de Vénus Érycine hors et près de la porte Colline est le seul détail qui subsiste de tout l’ancien cérémonial’-. C’est également le seul que men- tionnent les Actes des frères Arvales". Non seulement Jupiter a disparu devant Vénus, dont les Césars pré- tendaient sortir, mais, au fur et à mesure que Rome est allée s’éloignanl des conditions économiques rudi- mentaires des premiers temps de son histoire, les rites

amet que | custodil ortu[m] Venus. — 19En217av. J.-C. : cLT. Liv. XXII, 9, 7 sq. ; 10, 10 ; X.X1II,30, 13sq. ;XXI,9. — MEn 181 av. J.-C. : T. Liv. XL, 3 1,4 ; XXX, 38, tO ; App. /,. c. 1, 93 ; Slrab. VI, p. 272 ; Ov. Rem. am. 319. Ovide, Fast. IV, 871, ne nomme expressément, au jour des priora, que le temple voisin de la porte Colline ; mais il n’y a pas lieu de faire des réserves pour le temple du Capitole ; cf. Corp. inser. lat. U, p. 316, cl Wissona, Op. cil. p. 290, n. S. — 21 Festus, p. 263 M. : eodem autem die Veneri lempla sunt consecrata, alterum ad Circum maximum, atterumin [luco Libitinensi],quia [in eius] Deae tulela sunt korti.LeMenol. Vatl. au jour des rustica, porte de même : Veneri ad Circum maximum. Le temple du cirque fut dédié en 293 av. J.-C. (T. Liv. X, 31, 9) ; la date de fondation de l’autre est inconnue ; cL Visso«a, Op. cit. p. 289. — 2J Pl|n. .Vat. hist. XIX, 50 : in XII Tabulis îegum nostrarum nusquam nominatur villa, semper in significutione ea hortus. Chez Varron le mot parait avoir encore un sens plus large que le sens cou- rant : item adveneror Mineinjam et Venerem, quarum unius procuratio oliveti, alterius hortorum : quo no7nine Vinalia instituta [R. r. I, I, 0). — 23 ix supra, Perdrizel, III, 710 B. — 21 Cf. le plan de Pralica- Lavinium donné par M. Lanciani, dans les Monumenti dei Lincei, XIII, 1903, pi. xui, 2. — 2» Slrab. V, p. 232. — 26 T. Liv. I, 2, 6 ; Plin. .Va/, hist. III, 36 ; Serv. ad Aen. I, 239. — 27 Cf. supra, p.893,n. I2sq. — 28 Plin. iVa(./iij(.X VIN, 287. — 29Cf. supra, s. ï. — 30 Festus, p. 65 M. : catpar vinum novum, quod ex dolio demitur sacrificii causa, antequam gus- tetur. Jovi enim prias sua vina libabanl, quae appellabant festa Vinalia ; cf. ibid.,^. 374 M. ; Vinalia diem festum habebant,quodie vinum novumJoviliba, bant. — siPlul. Oii.yfom. XLV : iii tî tSv c.v.f.x ;», tii ioptf, noiiv » !v«v l.xi.v... (a x«îl iipoS Tiiî ’ApfoSixiu ; — 32 Ov. IV, Fast. 871 sq. — 33 Act. Arv., in Corp. inser. lut. I’, p. 316 ; [V€neri Eruc{ittae) [exlr]a porlam Collin[am].