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romain non sera pas moins aiïranchi de son vœu’. » On ne saurait pousser plus loin, semble-l-il, l’arl de prendre ses précautions et d’écarter les moindres pré- textes de chicane. Il ne faut pas que la divinité puisse mettre à profit tel ou tel incident imprévu pour repro- cher au peuple romain de n’avoir pas accompli son vœu. Cette formule du vœu de 217 nous parait être, en son genre, un exemple typique.

Si nous connaissons avec précision, grâce aux for- mules que les historiens ou les documents ont conser- vées, quel était le caractère du vœu romain au moment même où il était conçu, nous savons aussi par de nom- breux cas comment il était accompli. Nous citerons ici deux exemples, empruntés l’un à l’époque républicaine, l’autre à l’époque impériale. En 367 av. J.-C, la lutte était ardente entre lepalriciat et la plèbe. La plèbe deman- dait avec une violence croissante qu’un des deux con- suls fût toujours pris parmi les plébéiens. Le patriciat s’obstinait à repousser celte demande ; Camille avait été nommé dictateur pour résister aux prétentions de la plèbe. La guerre civile devenait de plus en plus mena- çante. Les tribuns poussèrent l’audace jusqu’à vouloir exercer leurpouvoircontre ledictaleurlui-mème. «.Vlors, rapporte Flutarque, Camille, accompagné des sénateurs qui étaient avec lui, se rendit au sénat. .Vvant d’y entrer, il se tourna vers le Capitole et, priant les dieux de mettre fin à ces divisions funestes, il fit vœu de bâtir un temple à la Concorde aussitôt que les troubles seraient apaisés. La dilFérence des opinions provoqua dans le sénat des débals très animés ; enfin l’avis le plus modéré l’emporta ; on décida de céder au peuple et de lui laisser choisir un des consuls parmi les plébéiens. Celte résolution, proclamée par le dictateur en pleine assemblée, fit tant de plaisir au peuple qu’il se récon- cilia sur-le-champ avec le sénat et reconduisit Camille jusqu’à sa demeure, au milieu des cris de joie et des acclamations. Le lendemain, le peuple assemblé ordonna que, pour accomplir le V(eu fait par Camille et pour perpétuer le souvenir de celle réconciliation, on bâtirait un temple à la Concorde dans un emplacement ayant vue sur le Forum elle lieu de réunion des assemblées-. » Nous suivons ici, avec une parfaite clarté, le développe- ment du rite : les trois étapes se succèdent, le vœu con- tracté par Camille, la réalisation du désir exprimé dans ce vœu, et ensuite, comme conséquence de cette réalisa- tion, le paiement de la dette conditionnelle conlractée envers la divinité.

C’est un épisode tout à fait analogue qui se produisit en lt)2ap. J.-C, au moment du départ de Lucius Verus pour l’Orient. Marc Aurèle l’accompagna jusqu’à Capoue. Rentré à Home, il apprit que Lucius Verus était tombé malaile en roule cl qu’il avait dû s’arréler à Canusium en Apulie, sur la route de Capoue à Hrindes. Il se rendit au sénat, y fil des vieux pour le rétablissement de Verus, puis quitta Rome pour aller le rejoindre ; en route, il apprit que le malade était guéri et s’élail embarqué pour la Syrie ; il revint alors à Rome et aussitôt s’acquitta des vœux qu’il avait faits’. Ici encore, comme dans le cas précédent, nous possédons le cycle entier des faits dont se compose le rite du vœu ; nous ignorons seule- ment ce que Marc .Vurèle avait promis à la divinité.

éi !.llcn«cn,p.lOOI03.— l|,iv.X.Vll,910. — aplularcb. Cttmi(/.«. - 3Capilol..V/. A :,lon pliilos. », 1 1 .— » Corp. inscr. lai. VI, C8.— i Ibid.U, 1 305 ; cf. I m.— H Corp.

A ces exemples, puisés dans les historiens, il n’est pas inutile de joindre divers témoignages épigraphiques. Ces témoignages nous font passer de la vie publique dans la vie privée, du domaine des événements officiels, pour ainsi dire, dans celui des incidents particuliers et individuels. Voici d’abord un certain Félix, esclave public attaché au service des pontifes, qui s’acquitte d’un vœu contracté par lui en sacrifiant à la Bonn Dea Agrestis une génisse blanche, parce que la déesse l’a guéri d’une maladie d’yeux qui menaçait sans doute de lui faire perdre la vue, dont les médecins avaient déses- péré, et qui ne dura pas moins de dix mois. Le vœu n’a été accompli qu’après la guérison complète ’. Aux environs de Plaisance, TuUia Superiana ne s’acquitte du vœu qu’elle a fait à Minerve que quand ses cheveux, probablement tombés au cours d’une maladie, ont repoussé". Une inscription d’.ime en Tarenlaise, naï- vement versifiée, nous fait connaître à la fois les actions de grâces et le vœu de T. Pomponius Victor, procurateur impérial. Actions de grâces et vœu sont également adressés à Silvain : T. Pomponius Victor remercie le dieu de l’avoir protégé, lui et sa famille, dans ce pays de montagnes où il rend la justice et où il administre les propriétés impériales ; puis il lui demande de hâter son retour à Rome et dans les champs d’Italie ; si le dieu lui accorde cette faveur, alors il lui dédiera un millier d’arbres’. A l’extrémité septentrionale de la Germanie Inférieure, un négociant, qui faisait le commerce de la craie extraite des gisements de Bretagne, s’acquitta d’un vœu qu’il avait fait à la déesse Nehalennia, parce que ses marchandises étaient arrivées à bon porf. Les officiers et les soldats désignés pour prendre part à des expéditions lointaines ou dangereuses contractaient des vœux qu’ils acquittaient seulement après leur retour’. Un gouverneur de la Maurétanie Césarienne, Aurelius Litua, à la fin du m’ siècle ap. J.-C, proclama, en f)lu- sieurs points de la province dont il exerçait le comman- dement, qu’il consacrait l’ex-volo promis à Jupiter Capi- tolin et aux autres dieux immortels, parce que ses soldats et lui étaient revenus sains et saufs d’une expédition dirigée contre plusieurs tribus rebelles de la région des Hauts Plateaux’.

Ce qui ressort avec évidence des documents et des exemples précités, c’est que le fidèle attend, pour tenir sa promesse, que la faveur divine se soit manifestée. L’accomplissement du vœu est le paiement d’une dette ; mais la dette n’existe que si la divinité a accordé, d’abord et en fait, ce qui lui a été demandé. N’y avait- il point d’exception à cette règle ? Kt certains fidèles ne s’acquitlaient-ils pas de leur vœu avant même que leur prière fût exaucée ? Plusieurs textes épigraphiques per- mettent de croire que des cas de ce genre se sont pro- duits. Parmi les ex-voto consacrés à y«y>/7c/’ l’oeninusaxx col du Grand-Saint-Hernard, il en est qui portent la mention pro ilu et redilu ’". Or il est certain que les auteurs de tels vonix n’étaient pas encore de retour chez eux lorsqu’ils déposèrent leurs ex-voto dans le sanctuaire du dieu ; sans doute, ils étaient sur le chemin du retour, mais leur voyage n’était pas encore terminé, le ret/iltis n’était pas totalement accompli ; pourtant ils s’acquit- taient de leurs vœux. Parmi les vases votifs découverts

inscr. /o«. XII, 103.-1 /4irf.Xin,8793.— » md.[.3î3i XI, 1303.-9/4id. VIII, 8t :k, S’Jii, mi ; Ann. épiyr. lïili, n» !». — i" Corp. inscr lat. V, 68T3, «875.