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chiffre de la dépense n’avait point de valeur religieuse ’ ; cette décision acquit par la suite force de loi. Par la sans doute le sénat voulait éviter que lÉtat ne vit s" éva- nouir en jeux et en fêles une trop grande partie du butin fait sur l’ennemi. Les scrupules de l’assemblée se dissipèrent, lorsque la plus haute autorité de Rome, le collège des pontifes, eut dénié toute valeur rituelle au cliiiïre même de la dépense. Mais que le sénat ait cru devoir consulter en la matière le collège des pontifes et surtout qu’un grand pontife ait émis une opinion con- traire, cela prouve évidemment combien stricts parais- saient être les termes du contrat que tout vœu établis- sait entre l’homme et la divinité. L’homme ne pouvait se réserver, dans le détail de l’exécution, quelque lati- tude que s’il laissait indécise telle ou telle condition secondaire du vœu, par exemple le taux de la dépense occasionnée par la pratique du rite.

Ce n’est pas seulement l’étude concrète des faits qui nous permet de déterminer le véritable sens du vœu ; ce sont aussi les expressions, pour ainsi dire officielles et consacrées, par lesquelles étaient désignés les divers moments et les actes successifs dont se composait le rite. Le grec, à ce point de vue, fournil moins de don- nées précises que le latin ; il convient cependant de rappeler la formule eùyvjv àiroôiSovai, qui indique bien qu’aux yeux des Grecs l’accomplissement d’un vœu é(iuivalailau paiement d’une dette.

Cliez les Romains, les expressions étaient plus variées et plus nettes. Au moment où le vœu était formulé, il était dit susceptum ou conceptum : l’engagement dès lors était pris, le contrat passé. Mais ce n’était pas un engagement de principe et le contrat n’était pas rédigé en termes vagues : l’homme stipulait, avec une égale clarté, ce qu’il demandait à la divinité et ce qu’il pro- mettait de lui donner, si son désir était exaucé. C’est en cela que consistait la rôti nunrupatio. On peut défi- nir le rotum nuncupatum comme Cincius, d’après Fes- tus, définissait la pecunia niincupala : rotum nomi- ntitiim, certum, 7}o»iinibus propriis pronunciatum ’-.

Pour caractériser le lien ainsi établi entre l’homme et la ilivinilé, les Romains se servaient du mol obligare : « (/ni susceplo voto se nuininibus obligat », lil-on dans Macrobe L’inscription de l’autel dédié à la divinité d’Auguste parla plèbe de Xarbonne contient la double formule : Aumini Auf/usti rotum susceptum a plèbe A’arbonensium inperpetuum ;ci d’autre part : qui se nu- mini ejus in perpetuum colendo oblignrerunt ’. L’emploi du mot oblifjnre nous introduit presque dans le domaine de la langue du droit : avec la formule reus voti nous y entrons de plain-pied. Tout Romain, qui avait fait un vœu à la divinité, était dit reus roli entre le moment où il avait formulé son vœu et celui où la divinité lui accordait la faveur demandée^. Pendant celle période, en effet, la promesse exprimée dans le vœu était condi- tionnelle, puisqu’elle ne devait être tenue que dans le cas où la conlre-parlie, c’est-à-dire l’événement heureux sollicité, serait au préalable réalisée ; à la fin de cette période seulement, on pouvait savoir si le fidèle serait délié de son obligation, comme Achille à l’égard du

1 l.iv. XXXIX, 5 : ... quum pontifices nefjassent ad rclii/ionem periinerr quanta impensa in ludoi fierel. — 2 Feslus, s. r. : Xuncupata pccimia. — 3 Macrob. Salurn. III, S, 6 ; cf. Liv. XXI, il, 9. — » Corp. iiiscr. tat. XII, «3J. — ’- Scrv. ad Aen. IV, COT. - 6 l.i». XXIX, 3i ;, i> ; XXXIl, 30 ; Val.

Sperchios, ou bien au contraire s’il serait définitivement tenu par elle. Lorsque le fidèle avaitélémispar la divinité en possession de ce qu’il demandait, lorsqu’il avait été fait co ?/i7)os roti^, aucun doute ne subsistait plus sur ses devoirs ; il était désormais tenu de remplir l’enga- gement qu’il avait pris, de payer la dette qu’il avait con- tractée, il était damnatus voti’. Celait bien, en effet, au paiement d’une dette qu’il était obligé, puisque l’expression courante, populaire, mille et mille fois répétée sur les ex-voto, éluiivotum solrere, s’acquitter de son vœu ; les formules plus rares rotum roddere, rotum referre ont exactement le même sens*.

Donc, en Grèce et à Rome, le vœu était un contrat entre l’homme et la divinité, contrat proposé par l’homme, qui en fixait lui-même les deux termes, c’est- à-dire ce qu’il demandait et ce qu’en échange il offrait à la divinité. La divinité pouvait ne pas l’accepter ; si elle refusait sa faveur ou sa protection, le contrai tombait de lui-même ; mais, si elle acceptait le contrat, si elle accordait à l’homme ce qu’il demandait, celui-ci ne pouvait plus se soustraire à l’obligation qu’il avait con- tractée ; il était, suivant la forte expression des Romains, condamné à s’acquitter de son vœu. A quelle sanction s’exposail-il, s’il manquait à sa parole ? Sans aucun doute, il encourait la colère divine ; c’est pour ne pas attirer sur eux celte colère que les Ornéales cher- chèrent et trouvèrent le moyen de s’acquitter, sans sacrifices trop lourds pour eux, de leur vœu imprudent ’ ; dans le récit que Tite-Live et Plularque ont donné des péripéties qui accompagnent l’accomplissement du vœu fait par Camille à Apollon Pythien, Camille déclare que si Rome est en proie à de violentes discordes, c’est parce que la promesse faite au dieu n’a pas été complè- tement ni sincèrement tenue ’°. La crainte d’une telle sanction devait être éprouvée en général par ceux qui adressaient des vœux à la divinité : le même homme, qui croit à la puissance bienfaisante des dieux, redoute leur courroux et ne veut pas s’exposera leur juste sévé- rité. Toutefois il est intéressant de signaler que le droit romain n’est pas resté totalement indifférent à la ques- tion des vœux. Au titre 12 du livre L du Digeste, inti- tulé De pollicitntionibus, la loi 2, sous la rubrique De voto, stipule d’une part que les vœux contractés par le paterfami/ias ne sauraient engager les pubères sui juris, c’est-à-dire ses fils ou ses esclaves ; mais, d’autre part, que dans le cas où c’est la dime de ses biens qu’un Romain a vouée, si l’auteur du vœu meurt avant d’avoir tenu sa promesse, son héritier est tenu de s’ac- quitter du vœuainsi contracté. Il faut sans doute résoudre la contradiction apparente que renferme ce texte en sup- posant qu’un vœu portant sur la dime des biens d’un particulier devait avoir un caractère public et que parcon- séquent la société devait veiller, dans son propre inté- rêt, à ce que ce vœu fût accompli. Remarquons, en outre, que cette loi est insérée dans le titre De poUicitutionibus, ce qui confirme, une fois de. plus, le sens précis du vœu chez les Romains.

Les dicerses catégories de rœux. — Puisque chez les Grecs et chez les Romains le vœu était un véritable con-

Jlax. 11, 5, 1 1 Corp. inscr. lat. VI, 402. — " Macrob. Haturn. III, S, « ; cf. Corp. inscr. lat. I, 1175. — 8 Cf. les Indices des divers valûmes du Corp. inscr. (u(. — ’ Pausan.X, IS, 5 ; cf. supra, p. 970. — 10 l,iv. V, ilij ; l’iutarcb. Camill. » i cf. supra, p. 97i.