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modifiée plus tard, et l’on enseigna que ces âmes pieuses passaient de signe en signe le long de la sphère mouvante[1].

Le zodiaque et la magie. — L’astrologie et la magie sont sœurs jumelles et il n’est pas toujours facile de faire le départ entre ce qui leur revient à chacune. Il arrive fréquemment que, dans les formules magiques, on indique quelle position des planètes dans le zodiaque assurera le succès de l’opération, ou qu’on recommande d’invoquer le nom ou de dessiner le « caractère » de tel ou tel signe[2].

À côté de ces notations cabalistiques des signes on use des figures habituelles qui les représentent. Gravées sur des pierres ou des bijoux, elles en font des amulettes ou des porte-bonheur tout à fait recommandables[3].

La mention et les dessins contournés des décans ont pareillement une efficacité mystérieuse[4]. Les trente-six décans avaient notamment une importance considérable dans la magie égyptienne ; car chacun d’eux y commandait à une portion du corps humain, dont il affectait la santé (p. 1054)[5]. La croyance populaire se les représentait comme des monstres horribles à têtes d’animaux, esprits redoutables que des conjurations pouvaient évoquer ou soumettre à la volonté du sorcier[6], et ils devinrent, chez les juifs et les chrétiens, des démons que les anges combattaient et réduisaient à l’impuissance[7].

Un monument particulièrement important est une sphère de marbre du Musée d’Athènes : le Soleil y prend place entre le Lion, où se trouve son domicile, et le Chien, qui préside à la canicule, au milieu d’un appareil indubitablement magique[8].

On sait que l’alphabet joue un grand rôle dans les conjurations magiques, et plusieurs inscriptions le reproduisent, voyelles et consonnes, pour cet usage superstitieux[9]. Or les auteurs astrologiques nous apprennent que les vingt-quatre lettres de l’alphabet grec étaient attribuées deux par deux aux douze signes[10], et un curieux petit monument du cabinet des médailles de Munich nous montre cette association réalisée[11] : c’est un icosaèdre de cristal de roche, qui porte, sur douze de ses faces triangulaires, l’image gravée en creux d’un des signes, avec les deux lettres qui y correspondent. Il a peut-être servi, comme une sorte de dé, à consulter le sort. Ce symbolisme alphabétique était très répandu, et il paraît avoir inspiré le verset connu de l’Apocalypse : « Je suis l’Α et l’Ω[12] ».

Les zodiaques décoratifs. — La religion et la superstition avaient vulgarisé les images du zodiaque ; par l’astrologie et la magie elles se mêlaient à la vie quotidienne de chacun. Il n’est pas surprenant qu’on ait pris l’habitude de s’en servir comme motif de décoration : Les cuisiniers grecs s’étaient déjà avisés d’en orner des plats circulaires[13] et ils transmirent aux maîtres d’hôtel romains cette savante tradition, qui mettait l’astronomie au service de la gastronomie : on plaçait près de chaque signe le mets qui, par sa nature ou sa forme, avait quelque rapport avec lui[14]. Les artistes utilisèrent le zodiaque pour des œuvres moins éphémères. Nous avons vu (p. 1051) qu’un vers d’Homère avait suggéré l’idée d’en orner le bord des boucliers[15]. Si nous avions conservé les peintures et les stucs des plafonds antiques, nous l’y retrouverions sans doute fréquemment[16] ; les pavements, qui ont mieux résisté à la destruction, nous en donnent la preuve certaine. Parfois l’anneau zodiacal y prend place dans des compositions mythologiques[17]. Mais surtout ses douze figures remplissent à merveille les compartiments des mosaïques à dessin polygonal [musivum opus, p. 2119][18] et on les voit jusqu’au moyen âge associées aux sept Planètes, aux quatre Vents, aux quatre Saisons et aux douze Mois[19].

Le zodiaque à l’époque chrétienne[20]. — Le triomphe du christianisme, en abolissant le culte dont elles étaient l’objet et en proscrivant la divination qui les faisait révérer, aurait dû, ce semble, bannir de l’art les images des douze constellations. Mais toutes les figures du cycle cosmique, que le paganisme à son déclin avaient reproduites à profusion, parce qu’il divinisait la nature entière, furent adoptées par le christianisme, bien qu’en réalité elles fussent contraires à son esprit[21], et, de même que les représentations du Ciel, du Soleil et de la Lune, des Vents, des Saisons et des Éléments, celles du zodiaque continuèrent à se multiplier[22]. C’est que, si l’on avait cessé de prier les astres dispensateurs des bienfaits et des maux, on continuait à croire au système de Ptolémée et à une sphère des étoiles fixes, où les douze signes jalonnaient la route du Soleil et des autres planètes.

Si l’astrologie fut condamnée par l’Église, elle ne disparut pas soudain par l’effet de ses anathèmes. Elle

  1. Pistis Sophia, c. 138-140 (p. 236 sq. trad. Schmidt, Koptisch-gnostiche Schriften) ; Livre de jeu, c. 51 (p. 321, Schmidt ; Porphyr. De abstin. IV, 16. Cf. Cumont, La roue à puiser les âmes (Rev. hist. des relig. 1915, t. LXXII, p. 384).
  2. Par exemple Cat. codd. astrol. III (Mediol.). p. 41-16. Cf. Bouché-Leclercq, Astr. gr. p. 316.
  3. Kopp, Palaeographia critica, t. III, 1829, p. 327. Une série considérable de pierres de cette espèce a été réunie par Gori, Thesaurus gemmarum astriferarum, pl. lxxxix sq. ; cl sq. ; clviii sq. Voir aussi Capelli, Prodromus iconicus sculptilium gemmarum, 1702, nos 2, 7, 8, 78 ; Gädechens, op. l. nos 86-89, etc. Cf. supra, p. 1058, n. 5, et infra, p. 1060, n. 6. Bijoux portant de même les images de planètes : dies, p. 173.
  4. Cat. codd. astr. VI (Vindobon.), p. 72-75 (avec les 36 figures) ; VIII (Parisin.), pars I, cod. 4, f. 38 ; cf. Rev. études grecques, 1907, p. 376, et supra, magia, p. 1513.
  5. Firmicus Mat. IV, 22 ; Cels. ap. Origen. Contra Cels. VIII, 58. Les décans sont invoqués dans les Tabellae devotionis ; cf. Audollent, op. l. no 15. l. 8 ; no 242, l. 7.
  6. « Description détaillée des décans Κοσμοκράτορες τοῦ σκότους ; et des amulettes qui agissent sur chacun d’eux, dans le Testament de Salomon ; cf. Conybeare, Jewish quarterly review, IX, 1898, p. 6 sq., 34 sq. Cf. Hermès Trism. ap. Stob. Eclog. I, 21, 9 (p. 192, Wachsmuth).
  7. Décans dans la suite du diable : texte copte de l’Historia Josephi dans Tischendorf, Evangelia apocrypha, 1876, p. 132.
  8. Delatte, Bull. corr. hell. XXXVII, 1913, p. 251.
  9. Dieterich, ABC Denkmäler, dans Rhein. Museum, LVI, p. 100 sq. (= Kleine Schriften, 1911, p. 202 sq.) ; Hülsen, Röm. Mitt. XVIII, 1903, p. 73 ; Reitzenstein, Poimandres, p. 256 sq.
  10. Teucros Babyl. dans Boll, Sphaera, f. 6, cf. 409 sq. ; Vettius Valens dans Cat. codd. astrol. IV (Ital.), p. 146 ; cf. infra, p. 1002.
  11. Boll, Sphaera, p. 470.
  12. Boll, Aus der Offenbarung Johannis, 1914, p. 26 sq.
  13. Supra, p. 1051, n. 1.
  14. Petron. Satyr. 35 ; cf. Sueton. Nero, 31, et St. Gaseler, A reproduction of the codex Traguriensis, Cambridge, 1915, introd. p. 96 sq. ; Anthol. graeca, IX, 822 : Εἰς μινσώριον ἔχον τὰ δώδεκα ζῴδια. Plat (liturgique ?) de terre cuite, avec le zodiaque sur son marli, dans Robert, Sarkophagreliefs, t. II, p. 178.
  15. Un umbo de bouclier trouvé à Newcastle porterait les signes du Taureau, du Verseau et de la Balance [umbo, p. 589, n. 13, fig. 4417] ; cf. supra, p. 1051, n. 8.
  16. Supra, p. 1046. n. 9 ; cf. Cedrenus, I, p. 721 éd. Bonn = Cramer, Anecdota Paris. II, p. 337.
  17. Mosaïques de Sentinum (supra, p. 1056, n. 10), de Munster (ibid.), d’Hippone (p. 1057, n. 3).
  18. Mosaïque de Lucera (Capitanate) : Bull. istit. archeolog. XIV, 1842, p. 71 ; d’Orbe (zodiaque avec planètes) : Blanchet, Inventaire des mosaïques de la Gaule, II, 1909, no 1382 ; d’Avenches : Ibid. no 1393 ; de Birchana en Tunisie (planètes et zodiaque) : Gauckler, Inv. des mos. de l’Afrique, II, no 447 = Musée Alaoui, 1897, no 10 et pl. 1.
  19. Blanchet, op. cit. nos 760, 763, 779, 826, 1090, 1147, 1665, etc.
  20. Cf. Piper, Mythologie und Symbolik der christl. Kunst, II, 1851, p. 281 sq. ; Leclercq, Dictionnaire d’archéol. chrétienne de dom Cabrol, s. v. « Astres ».
  21. Cf. Cumont, Monum. myst. de Mithra, t. I, p. 220, et Religions orientales, 2e éd. p. 261.
  22. Piper, op. l. p. 287 ; Gädechens, op. l. p. 53 ; cf. p. 1052 sq. et supra, n. 3. On sait qu’un zodiaque occupe les deux montants de la porte Nord de la façade de Notre-Dame de Paris ; Dupuis, Origine de tous les cultes, t. III (1795), p. 48, a étrangement divagué à ce propos. On retrouve