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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/126

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français de Coussemaker (xiiie s.) comptent chacun six D., qui sont, chez l’un, les deux secondes, le triton, la sixte mineure et les deux septièmes, chez l’autre les deux secondes, les deux quartes et les deux septièmes. La quarte surtout embarrasse les théoriciens. Francon la déclare consonante par elle-même, dissonante par son usage ; un peu plus tard, on en fait une consonance mixte, ou neutre. On enseigne aujourd’hui à l’école que « tout ce qui n’est pas consonance est dissonance » (Durand), ce qui n’explique rien, puisque toutes les secondes, septièmes, neuvièmes et tous les intervalles augmentés ou diminués sont des D. Ensuite on divise celles-ci en D. diatoniques et chromatiques, les premières étant formées de deux sons appartenant à la même gamme, les autres ne pouvant exister sans le secours d’une altération chromatique. À cela s’ajoute la distinction des cas, qui engendre de nouvelles catégories. La D. artificielle résulte d’un retard ou d’une prolongation. En recherchant dans les œuvres des maîtres l’application de ces principes, on arrive à reconnaître que « le classement des intervalles en consonances et dissonances est arbitraire ». Aussi a-t-il disparu du Traité d’harmonie de Gevaert (1907). En dehors des trois accords parfaits majeur et mineur et de quinte diminuée, Vinée (1909) conteste qu’il puisse exister des accords consonants, ce qui l’amène à proposer les dénominations d’accords bidissonant, tridissonant, etc., dictées par le nombre et la nature des composantes de l’accord. La propriété expressive de la D. a été reconnue depuis les origines de l’art harmonique ; c’est à ce titre qu’elle s’est largement acclimatée chez les madrigalistes italiens du xvie s. et chez les premiers auteurs d’opéras, en entraînant une révolution dans la tonalité. Tant soit peu réprimée pendant la période classique, elle triomphe aujourd’hui chez les compositeurs dramatiques et les musiciens descriptifs, qui en font un usage intensif dans la traduction des sentiments de l’âme ou la peinture des faits extérieurs. Ce n’est pas seulement chez les représentants des nouvelles écoles que des exemples peuvent en être recueillis. Des D. et des accords naguère défendus se rencontrent en des œuvres de musiciens « conservateurs ». Lenormand a relevé chez Saint-Saëns des « appogiatures en accords de quinte diminuée » destinés à représenter les souffrances d’Hercule sous la tunique de Nessus :


\language "italiano"
porteeA = \relative do'' {
  \override Staff.TimeSignature.style = #'single-digit
  r4 <re si sold>2(\< <mib do la>8)\! r8 \bar "||" 
  r4 <red sid soldd>2(\< <mi dod lad>8)\! r8 \bar "||"
}
porteeB = \relative do' {
  \override Staff.TimeSignature.style = #'single-digit
  << { <mi dod>2( <mib do>4) } \\ { <la, fa>2( <la fa>4) } >> r4 | 
  << { <red mi>2( <mi! dod>4)  } \\ { <lad, fad>2( <lad fad>4)  } >> r4 \bar "||"
}
\score {
  \new PianoStaff <<
    \new Staff = "mel" <<
      \clef "treble" \time 4/4
      \new Voice = "mel"  { \porteeA }
    >>
    \new Staff = "mel" <<
      \clef "bass" \time 4/4
      \new Voice = "mel"  { \porteeB }
    >>
  >>
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
        \context { \Score
               \override SpacingSpanner.base-shortest-duration = #(ly:make-moment 1/32)
    }
    indent = 0\cm
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Saint-Saëns, Déjanire.)

Wagner, beaucoup moins révolutionnaire en harmonie que dans toutes les autres directions de la pensée musicale, a poursuivi la recherche de l’expression dans le choix des intervalles et des accords, comme dans celui des tonalités et des timbres. Dans les études qui ont été faites de son vocabulaire technique, il a été démontré que l’intervalle de seconde majeure se trouve, en des cas notoires, associé à l’idée d’attente ou d’inquiétude, celui de seconde mineure, à l’expression de la haine, la quarte augmentée, à l’angoisse et à la peur, l’accord de neuvième, au désir, celui de neuvième diminuée, à la douleur. L’effet de la D. sur la sensibilité auditive se modifie d’ailleurs profondément par les nuances d’intensité et les conditions de mélange ou d’isolement. Certains intervalles qui paraissent rudes dans le forte ou quand on les met en évidence, acquièrent une douceur pénétrante dans la demi-teinte ou lorsqu’ils s’incorporent à une agrégation de sons plus nourrie. L’impression de D. s’accentue à mesure que le contact se rapproche. La seconde, beaucoup plus âpre que son renversement, la septième, passe avec raison pour être l’intervalle le plus dissonant ; cependant on la voit procurer aussi bien des couleurs atténuées que des éclats de violence ; en la maintenant dans le pianissimo, Debussy lui fait évoquer l’écho mystérieux de quelque guitare lointaine, comme dans la Sérénade de son Children’s Corner, et Ravel, l’insaisissable frôlement d’un vol d’oiseaux de nuit ou d’être fantastiques :


\language "italiano"
porteeA = \relative do' {
  mi8[(_\pp <si' mi,>]) r <si mi,> r <si mi,> | mi,[( <si' mi,>]) r <si mi,> r <si mi,>
}
porteeB = \relative do, {
  r4 \slashedGrace fad8 si8-_ r \slashedGrace si mi-_ r | \acciaccatura mi, la2 \slashedGrace fad8 si[-_ \slashedGrace si mi]-_ | 
}
\score {
  \new PianoStaff <<
    \new Staff = "mel" <<
      \clef "treble" \time 3/4 \key mi \major
      \new Voice = "mel"  { \porteeA }
    >>
    \new Staff = "mel" <<
      \clef "bass" \time 3/4 \key mi \major
      \new Voice = "mel"  { \porteeB }
    >>
  >>
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}