de l’Irlande a pour emblème la H.
légendaire d’O’Brien, vainqueur des
Danois à la fin du xe s., et le Trinity
College, de Dublin, conserve comme
une relique nationale un instrument
naguère regardé comme ayant appartenu
à ce personnage, mais aujourd’hui
désigné comme plus moderne et datant
au plus du xiiie s. Il mesure 32 pouces
anglais de hauteur (80 cm.) et garde
les traces de 30 chevilles ayant porté
autant de cordes.
Harpe irlandaise (xiiie s.).
Vers la même
époque, la H. était
connue des jongleurs
et des chanteurs
bretons et français.
Le Roman de Brut
et le Roman de
Tristan de Leonois
(xiie s.) parlent de
la H. et des « lais
de H. » ; une des
figures du chapiteau
de Bocherville
(xiie s.) la représente,
aux mains
d’un personnage
couronné ; les sculpteurs
ne manquent
point de la donner
pour symbole aux statues du roi David
dont ils ornent les portails des églises.
Dès ce temps, sa forme se fixe sur un
patron qui sera peu à peu agrandi et
qui comporte, pour les trois côtés du
triangle, la caisse de résonance, où prennent
naissance les cordes, la console,
où elles aboutissent en enroulant leurs
extrémités sur des chevilles, et la colonne
qui relie et maintien à la distance de
la plus longue corde la caisse et le
devant de la colonne. En 1413, le roi
de France, Charles vi, achète moyennant
100 livres tournois « une belle
H. et bien ouvrée, à sa devise » ;
la reine Isabeau de Bavière en joue ;
les rois, les princes, ont un « harpeur »
à leur service ; c’est encore un instrument
de faibles dimensions, que l’on
porte, suspendu au cou par une lanière
ou un ruban, et dont on joue dans les
cortèges et jusque dans les processions.
Au xive s., les beaux instruments
avaient déjà, en France, 25 cordes,
mais encore au xvie s., certaines H.
n’en ont pas plus de 15. Au début du
xviie s., en Italie, Orazio Michi, surnommé
« dell’Arpa », joue déjà en
soliste non seulement la grande H.
ordinaire, posée à terre, mais une H.
double, arpa doppia dont parle Vincenzo
Galilei en 1602 et qui était
montée de deux rangs de cordes fournissant,
du côté droit, 4 octaves, de ré
en ré, et du côté gauche, 4 octaves, de
ut dièse en ut dièse, se complétant réciproquement
pour donner une gamme
chromatique de 58 sons. Le South Kensington
Museum, de Londres, possède
le seul exemplaire connu de cet instrument
exceptionnel, formé de 2 H. accolées
sur une seule caisse de résonance,
avec 2 colonnes disposées de manière
à opérer le croisement des deux rangées
de cordes, aboutissant à 2 consoles.
Prætorius (1619) connaît trois
sortes de H., la H. commune à
24 cordes, la grande H. double, et la
H. irlandaise à 43 cordes. L’instrument
décrit par Mersenne (1636) est conforme
au modèle figuré par Domenico
Zampieri, dans le célèbre tableau du
« roi David », qui est au Musée du
Louvre. C’est une H. à trois rangs
de cordes parallèles dont les 2 rangs
extérieurs donnent 2 fois la gamme
diatonique, et le rang intermédiaire,
les « feintes », dièses ou bémols. Les
seuls perfectionnements tentés jusqu’à
la fin du xviie s. furent donc
l’augmentation du nombre des cordes,
dont l’accord restait immuable. Dans
les dernières années du xviie s., un
facteur inconnu, que l’on dit Tyrolien,
tenta d’y ajouter un système de
crochets, mis en action par la main
gauche et qui raccourcissaient à
volonté les cordes d’un demi-ton,
mais dont le maniement appauvrissait
le jeu, réduit aux seules ressources
de la main droite. Le Bavarois Hochbrucker,
vers 1720, imagina de faire
actionner les crochets par des tiges
cachées dans l’intérieur de la colonne
et manœuvrés au pied par le moyen
d’une série de cinq, et plus tard de
sept pédales. À l’époque où La Borde
décrivait la H. usitée en France
(1780), ce système subsistait, quoique
son fonctionnement fût incommode
et lent ; Cousineau, Naderman, harpistes
en même temps que facteurs,
construisaient de beaux instruments,
hauts ordinairement de 4 pieds et
demi (1 m. 50), élégants de forme, dont
la caisse de résonance était souvent
ornée de peinture et la console, de
sculptures peintes et dorées, et que
jouaient avec prédilection les amateurs
de haut rang, la reine Marie-Antoinette,
la princesse de Lamballe,
etc. Vers 1782, Cousineau avait
eu la première idée de la H. à
double mouvement, que Sébastien
Érard renouvela et fit sienne et pour
laquelle il prit une « patente » à
Londres en 1801. Remplaçant les
crochets par un système de fourchettes,
et adoptant pour l’accord à
vide le ton de ut bémol, Séb. Érard
créait un mécanisme de double fourchette
dont le premier et le second
mouvements haussaient chacun l’accord
d’un demi-ton et le transposaient
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