Guillaume de Machaut donne de précieuses listes, comprenant les familles des vièlles (gigues, rotes, rubèbes, monocordes) ; du psaltérion (canon, micanon) ; les luths, guitares, citoles, harpes ; les flûtes (droite et traversière), flageolets ; les anches (chalemelle, demi-douçaine, èle, frestiau, cornemuses et chevrettes) ; les cors et trompettes (cor sarrazinois, cor douçaine, trompe, buisine) ; la chifonie à roue ; les tambours, timbales, cimbales, trépied ; les orgues portatives ; l’échiquier, ancêtre du clavecin ; enfin, le grand orgue, déjà nommé « le roy des instrumens ». Les archets, flûtes, luths, étaient en très forte proportion ; on avait des trompettes de toute taille, jusqu’à celles qui donnent le ré grave au-dessous de la portée de clef de fa, et qui sont devenues la sacquebute ou trombone (terme qui, en italien, signifie trompe grave). Au xvie s., les imprimeurs publient des recueils de pièces « convenables tant aux instruments qu’aux voix », sans préciser rien quant au mélange des instruments. C’était affaire aux exécutants de choisir la partie qui correspondait à l’ambitus et aux facilités de leur instrument. Quelquefois le titre, plus large encore disait : « toutes sortes d’instruments ». L’orchestre de cour, dans le xvie s. et jusqu’au commencement du xviie s., est une réunion incohérente, de laquelle se détachent probablement des groupes par familles, mais où l’idée de richesses obsède les exécutants et les spectateurs, et conduit à ces étranges symphonies des intermèdes et des ballets. Aux noces de François de Médicis et de Jeanne d’Autriche (1565), le premier intermède comprenait 4 clavecins « doubles », 4 violes, 2 trombones, 2 flûtes « ténor », 1 cornet, 1 flûte traversière, 2 luths. Une Ballade d’Al. Striggio comportait successivement 2 clavecins, 4 violons, 1 luth « mezzano », 1 cornet, 1 trombone, 2 flûtes droites, puis pour renforcer le chœur, 2 clavecins, 1 gros luth, 1 contrebasse de viole, 1 autre flûte, 4 flûtes traversières et 1 trombone. Une comédie représentée à Lyon en 1548 pour l’entrée de Henri ii faisait entendre, dans un intermède, un solo accompagné de 2 épinettes, et 4 flûtes allemandes ; le chœur à quatre voix était renforcé de 4 violes de gambes et de 4 flûtes.
(Missae solemnes, 1589.)
Nous savons
par le détail les instruments qu’employa
Orlande de Lassus à Munich,
entre autres lors des fêtes qui eurent
lieu pour le mariage de Guillaume
de Bavière et de Renée de Lorraine, en
1568 ; on y trouve successivement des
pièces polyphoniques accompagnées
par les groupes suivants : un motet
à six voix de Lassus, soutenu par 5 cornets
et 2 trombones ; un madrigal (sans
doute à voix d’hommes) d’Al. Striggio,
avec 6 « gros » trombones dont un
trombone-basse ; un motet de Cyprien
de Rore, avec 6 violes à bras, une
Bataille d’Annibal Paduano, jouée
avec trombones et cornets aigus ; un
intermède dont le solo était accompagné
au luth, et le chœur par 5 violes ;
un autre à 4 voix, (en quatuor soli)
avec 2 luths, 1 clavecin, 1 cornemuse
et 1 basse de viole. Enfin, d’autres
ensembles instrumentaux non moins
curieux, parmi lesquels voici la composition
de deux entrées : 6 grosses
gambes « accordées à une quarte plus
bas qu’à l’ordinaire », 6 flûtes, 1 clavecin ;
— 1 clavecin, 1 trombone,
1 flûte, 1 luth, 1 cornemuse, 1 cornet
« mué », 1 gambe, 1 piffaro. Une pièce
à trois chœurs avait 4 gambes pour
soutenir le 1er chœur, le 2e avait 4
grosses flûtes, le 3e, 1 douçaine, 1 cornemuse,
1 piffaro, 1 cornet. Une autre
encore groupe à la fois 8 gambes et
8 violes à bras, 1 basson, 1 cornemuse,
1 cornet alto, 1 cornet mué et 1 gros
cornet, 1 musette, 1 douçaine, et
1 trombone grave. L’orchestre de
l’Orfeo de Monteverde (1607) est un
rassemblement de tous ou presque tous
les instruments connus en son temps.
Le musicien les emploie par groupes
ou familles, soit dans une intention
dramatique, soit par simple recherche
de la variété et étalage des richesses
instrumentales. On a déposé la vérité
en assurant qu’il avait caractérisé les
personnages par des instruments particuliers.
« Le choix de tel ou tel ne
paraît jamais déterminé par des raisons
bien péremptoires. Le souci de varier
les sonorités, en dehors de toute inten-