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coûtume ou usage des lieux ; autrement la déclaration seroit regardée comme une revente qui produiroit de nouveaux droits au profit du seigneur. Suivant le président Faber, l’acquéreur ou adjudicataire ne doit avoir que quarante jours pour faire sa déclaration, conformément aux lois du code, liv. jv. tit. 50. Si quis alteri vel sibi sub alterius nomine vel alia pecuniâ emerit. Dans quelques endroits, l’acquéreur a un an pour faire l’élection en ami ; dans d’autres, deux ans ou plus. (A)

Election en matiere bénéficiale (Jurisp.) est le choix qui est fait par plusieurs personnes d’un ecclésiastique, pour remplir quelque bénéfice, office ou dignité ecclésiastique.

Cette voie est la plus ancienne de toutes celles qui sont usitées pour remplir ces sortes de places, & elle remonte jusqu’à la naissance de l’Eglise.

La premiere élection qui fut faite de cette espece, fut après l’ascension de J. C. Les apôtres s’étant retirés dans le cénacle avec les autres disciples, la sainte Vierge, les saintes femmes, & les parens du Seigneur, S. Pierre leur proposa d’élire un apôtre à la place de Judas. Après avoir invoqué le Seigneur, ils tirerent au sort entre Barsabas & Mathias, & le sort tomba sur ce dernier. L’assemblée où cette élection fut faite, est comptée pour le premier concile de Jérusalem : tous les fideles, même les femmes, eurent part à l’élection.

Au second concile de Jérusalem, tenu dans la même année, on fit l’élection des premiers diacres.

Ce fut aussi dans le même tems & par voie d’élection que S. Jacques, surnommé le Mineur ou le Juste, fut établi premier évêque de Jérusalem.

A mesure que l’on établit des évêques dans les autres villes, ils furent élûs de la même maniere, c’est-à-dire par tous les fideles du diocèse assemblés à cet effet, tant le clergé que le peuple. Cette voie parut d’abord la plus naturelle & la plus canonique pour remplir les siéges épiscopaux, étant à présumer que celui qui réuniroit en sa faveur la plus grande partie de suffrages du clergé & du peuple, seroit le plus digne de ce ministere, & qu’on lui obéiroit plus volontiers.

Optat dit de Cécilien, qui fut Evêque de Carthage en 311, qu’il avoit été choisi par les suffrages de tous les fideles.

Ce fut le peuple d’Alexandrie qui voulut avoir S. Athanase, lequel fut fait évêque de cette ville en 326 ; & ce saint prélat dit, en parlant de lui-même, que s’il avoit mérité d’être déposé, il auroit fallu, suivant les constitutions ecclésiastiques, appeller le clergé & le peuple pour lui donner un successeur.

S. Léon, qui fut élevé sur le saint siége en 440, dit qu’avant de consacrer un évêque il faut qu’il ait l’approbation des ecclésiastiques, le témoignage des personnes distinguées, & le consentement du peuple.

S. Cyprien, qui vivoit encore en 545, veut que l’on regarde comme une tradition apostolique, que le peuple assiste à l’élection de l’évêque, afin qu’il connoisse la vie, les mœurs & la conduite de celui que les évêques doivent consacrer.

Cet usage fut observé tant en Orient que dans l’Italie, en France & en Afrique : le métropolitain & les évêques de la province assistoient à l’élection de l’évêque ; & après que le clergé & le peuple s’étoient choisi un pasteur, s’il étoit jugé digne de l’épiscopat, il étoit sacré par le métropolitain qui avoit droit de confirmer l’élection. Celle de métropolitain étoit confirmée par le patriarche ou par le primat, & l’élection de ceux-ci étoit confirmée par les évêques assemblés comme dans un concile ; le nouvel évêque, aussi-tôt après sa consécration, écrivoit une lettre au pape pour entretenir l’union de son église avec celle de Rome.

L’élection des évêques fut ainsi faite par le clergé & le peuple pendant les douze premiers siecles de l’Eglise. Cette forme fut autorisée en France par plusieurs conciles, notamment par le cinquieme concile d’Orléans en 549, par un concile tenu à Paris en 614 ; & Yves de Chartres assûre dans une de ses lettres, qu’il n’approuvera pas l’élection qui avoit été faite d’un évêque de Paris, à moins que le clergé & le peuple n’ait choisi la même personne, & que le métropolitain & les évêques ne l’ayent approuvée d’un consentement unanime.

On trouve néanmoins beaucoup d’exemples dans les premiers siecles de l’Eglise, d’évêques nommés sans élection ; le concile de Laodicée défendit même que l’évêque fût élû par le peuple.

Il y eut aussi un tems où les élections des évêques furent moins libres en France ; mais elle fut rétablie par un capitulaire de Louis le Débonnaire de l’an 822, que l’on rapporte au concile d’Astigni, n’ignorant pas, dit l’empereur, les sacrés canons ; & voulant que l’Eglise jouisse de sa liberté, nous avons accordé que les évêques soient élûs par le clergé & par le peuple, & pris dans le diocèse, en considération de leur mérite & de leur capacité, gratuitement & sans acception de personnes.

Les religieux avoient part à l’élection de l’évêque de même que les autres ecclésiastiques, tellement que le vingt-huitieme canon du concile de Latran tenu en 1139, défend aux chanoines (de la cathédrale) sous peine d’anathème, d’exclure de l’élection de l’évêque les hommes religieux.

Il faut néanmoins observer que dans les tems même où les évêques étoient élûs par le consentement unanime du clergé, des moines, & du peuple, les souverains avoient dès-lors beaucoup de part aux élections, soit parce qu’on ne pouvoit faire aucune assemblée sans leur permission, soit parce qu’en leur qualité de souverains & de protecteurs de l’Eglise ils ont intérêt d’empêcher qu’on ne mette point en place sans leur agrément, des personnes qui pourroient être suspectes ; le clergé de France a toûjours donné au Roi dans ces occasions des marques du respect qu’il lui devoit.

On trouve dès le tems de la premiere race, des preuves que nos rois avoient déjà beaucoup de part à ces élections. Quelques auteurs prétendent que les rois de cette race conféroient les évêchés à l’exclusion du peuple & du clergé, ce qui paroît néanmoins trop général. En effet, les lettres que Dagobert écrivit au sujet de l’ordination de Saint-Dizier de Cahors, à S. Sulpice & aux autres évêques de la province, font mention expresse du consentement du peuple ; & dans les conciles de ce tems on recommandoit la liberté des élections, qui étoit souvent mal observée ; ainsi l’usage ne fut pas toûjours uniforme sur ce point.

Il est seulement certain que depuis Clovis jusqu’en 590, aucun évêque n’étoit installé, sinon par l’ordre ou du consentement du Roi.

Grégoire de Tours, qui écrivoit dans le même siecle, fait souvent mention du consentement & de l’approbation que les rois de la premiere race donnoient aux évêques qui avoient été élûs par le clergé & par le peuple ; & Clotaire II. en confirmant un concile de Paris qui déclare nulle la consécration d’un évêque faite sans le consentement du métropolitain, des ecclésiastiques & du peuple, déclara que celui qui avoit été ainsi élû canoniquement, ne devoit être sacré qu’après avoir obtenu l’agrément du roi.

Dans les formules du moine Marculphe qui vivoit dans le septieme siecle, il y en a trois qui ont rapport aux élections. La premiere est l’ordre ou précepte par lequel le roi déclare au métropolitain,