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L’AUTEUR DE LA LETTRE PRÉCÉDENTE


À M. B........[1] SON LIBRAIRE




Rien de plus dangereux, Monsieur, que de faire la critique d’un ouvrage qu’on n’a point lu, et, à plus forte raison, d’un ouvrage qu’on ne connaît que par ouï-dire. C’est précisément le cas où je me trouve.

Une personne qui avait assisté à la dernière assemblée publique de l’Académie française m’avait assuré que M. l’abbé de Bernis avait repris, non comme simplement déplacés, mais comme mauvais en eux-mêmes, ces vers du récit de Théramène :

Ses superbes coursiers qu’on voyait autrefois
Pleins d’une ardeur si noble obéir à sa voix,
L’œil morne maintenant, et la tête baissée,
Semblaient se conformer à sa triste pensée.

J’ai cru, sans aucun dessein de désobliger M. l’abbé de Bernis, pouvoir attaquer un sentiment que j’avais lieu de regarder comme le sien. Mais il me revient de tous côtés, dans ma solitude, que M. l’abbé de Bernis n’a prétendu blâmer dans ces vers de Racine que le hors de propos, et non l’image en elle-même. On ajoute que, bien loin de donner sa critique pour nouvelle, il n’a cité les vers dont il s’agit que comme l’exemple le plus connu et par conséquent le plus propre à convaincre de la faiblesse que les grands hommes ont quelquefois de se laisser entraîner au mauvais goût.

  1. Briasson, l’un des dépositaires de l’Encyclopédie.