Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/102

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rhonisme historique, a ses bornes ; au delà, il devient extravagance.

10° Quelle force auront des témoignages contre des notions évidentes ? Celle de nous faire connaître qu’il y a des choses au-dessus de notre raison. Je vous demande, moi, quelle force auront des notions contre des faits évidemment authentiques ? L’impossibilité de comprendre une chose n’est pas une raison pour nous de la rejeter. Nous ne concevons rien de ce qui se passe tous les jours sous nos yeux. Vous ne concevez pas comment un enfant vient au monde, comment un gland produit un chêne, comment votre volonté remue votre bras ; mais le fait va sans égard pour le raisonnement. La raison démontre que naturellement le peuple juif devrait être éteint ; et le peuple juif subsiste contre toute raison.

11o Si la Divinité exige quelque chose des hommes, elle ne le leur fera pas dire par d’autres. Non, sans leur donner le moyen de prouver leur mission, pour que le simple ne soit pas la dupe de l’imposteur. Aussi a-t-elle pris cette précaution dans le cas où elle s’est servie des hommes.

12o Si quelque culte pouvait lui plaire, ce serait celui du cœur. Faites donc une juste application des termes. Le culte n’est pas dans le cœur ; c’est la religion qui y réside ; c’est l’amour qui en est l’essentiel, et que Dieu demande. Le culte est l’expression du sentiment ; et l’âme ne peut s’en passer, sans tomber dans l’aridité et la froideur.

13o Que pouvez-vous donc connaître si vous ne connaissez pas votre âme, et si vous ne sentez pas qu’elle n’est pas matérielle ? assurément rien ne vous est intime. La prière, par laquelle vous demandez à Dieu l’immortalité, est très-belle. C’est dommage que vous ne la lui adressiez que lorsque vous êtes échauffé au combat contre son Église, ceux qui adorent sa parole, et ceux qui font une étude particulière de ses lois.

14o Qu’est-ce donc que ces lois de la nature, qui produisent le mal ? La nature a-t-elle d’autres lois que celles que Dieu lui a données ? Or Dieu ne peut vouloir ni ordonner le mal. Dites donc que le mal est une négation qui ne subsiste pas par elle-même, mais par l’opposition à la loi de Dieu. Où donc est, s’il vous plaît, le ridicule du fruit défendu ? Que vouliez-vous que Dieu défendît à un homme nouvellement créé ? pouvait-il éprouver son obéissance autrement que sur quelque objet à son usage actuel ? S’il lui eût défendu celui de sa femme, vous seriez encore à naître. La sagesse