Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/106

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tendront jamais parler de ceux que, selon vous, Dieu a faits dépositaires de sa volonté ? Ingrat ! vous ne la devez, cette conscience, dont vous parlez tant, qu’aux premiers principes de la religion où vous êtes né. La conscience est de tous les temps ; elle n’est pas un fruit de la religion chrétienne, mais un présent du Créateur ; elle parlait aux Grecs et aux Romains comme elle parle aux Français : c’est aller contre des vérités trop connues, que de nier celle-là. Quant aux usages que vous citez de quelques nations barbares, ils ne promeut rien ; on sait bien que les sauvages résistent quelquefois, ainsi que nous, à la voix de la conscience : d’ailleurs, parmi ces usages, il y en a qu’il serait aisé de justifier ; mais cela nous mènerait trop loin.

Vous ne croyez pas aux histoires qui rapportent la révélation ; ne croyez donc aucun fait, car il ne nous parvient que par l’histoire. Quelle différence ! Vous mettez dans la même classe les faits qui s’accordent avec la physique et la raison, et ceux que la physique et la raison démentent. C’est cette conformité, ou cette opposition qui me fait discerner les vrais d’avec les faux. Je crois, sur la foi des historiens, que César a existé : mais s’ils me disaient que César était à Rome et dans les Gaules en même temps ; que César a fait un voyage dans la lune, etc., je ne les croirais plus. La vérité est sans cesse confondue dans l’histoire avec l’erreur, comme l’or et le plomb sont mêlés ensemble dans la mine ; la raison est le creuset qui les sépare. Les deux propositions qui suivent sont deux sophismes. Il s’en faut de beaucoup qu’il soit aussi certain qu’Euclide n’était pas Américain, qu’il est certain que le triangle est la moitié du parallélogramme ; qu’il soit aussi sûr qu’il y avait un chandelier d’or au temple de Jérusalem, qu’il est sûr qu’il y a des lampes dans nos églises ; avec une pareille logique, je ne suis pas surpris que nous ne soyons pas, vous et moi, d’accord.

Vous demandez quelle force auront des témoignages contre des notions évidentes ? Celle de nous faire connaître qu’il y a des choses au-dessus de la raison. Le témoignage des hommes, quoi que nous en puissiez dire, n’aura jamais le pouvoir de faire croire à un homme raisonnable que deux et deux font trois ; en me disant qu’il y a des choses au-dessus de la raison, on ne me