Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/180

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bien ordonné ? De là les bons penseurs, les philosophes, les sages.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Et selon la branche tyrannique qui prédomine, l’instinct qui se diversifie dans les animaux, le génie qui se diversifie dans les hommes ; le chien a l’odorat ; le poisson l’ouïe, l’aigle la vue ; D’Alembert est géomètre, Vaucanson machiniste, Grétry musicien, Voltaire poëte ; effets variés d’un brin du faisceau plus vigoureux en eux qu’aucun autre et que le brin semblable dans les êtres de leur espèce.

BORDEU.

Et les habitudes qui subjuguent ; le vieillard qui aime les femmes, et Voltaire qui fait encore des tragédies, (en cet endroit le docteur se mit à rêver et mademoiselle de l’Espinasse lui dit :)

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Docteur, vous rêvez.

BORDEU.

Il est vrai.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

À quoi rêvez-vous ?

BORDEU.

À propos de Voltaire.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Eh bien ?

BORDEU.

Je rêve à la manière dont se font les grands hommes.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Et comment se font-ils ?

BORDEU.

Comment la sensibilité…

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

La sensibilité ?

BORDEU.

Ou l’extrême mobilité de certains filets du réseau est la qualité dominante des êtres médiocres.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Ah ! docteur, quel blasphème.