Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/208

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cérémonies nuptiales et qui « nous fait trouver du mal dans une action dans laquelle ces gens, avec raison, ne trouvent que du bien. » Le tout se termine par cette réflexion : « Il n’y a que celui qui fait ou qui croit faire mal qui craigne la lumière. »

Nous avons cité cette façon de voir d’un témoin oculaire dans la seule intention de montrer combien Diderot est excusable de s’être laissé aller à amplifier encore, à propos d’un sujet qui prêtait tant à des comparaisons tout à l’avantage des habitudes des sauvages. La corruption des mœurs à la fin du XVIIIe siècle était réelle, et le masque dont elle se couvrait ne faisait pas illusion aux philosophes qui, en vantant l’état de nature, croyaient plutôt faire une satire à la Tacite que donner des règles de conduite.

C’est donc à tort qu’on voudrait voir ici un code de réforme sociale et dans Diderot l’apôtre de la communauté des femmes et du partage des biens. Quelques louanges qu’il donne aux Taïtiens, il n’en croit pas autant de bien qu’il en dit. Il ne connaissait pas d’ailleurs certains détails qui allaient un peu trop directement contre sa thèse, comme l’infanticide, une des plaies vives de cette société aussi corrompue au fond que la nôtre, et il a écrit en réalité un roman avec Taïti ni plus ni moins que Fénelon avec Salente.

Sainte-Beuve explique les idées de Diderot sur le mariage par le peu de convenance qui se trouvait entre sa femme et lui ; mais il a soin de faire remarquer, précisément à propos d’un passage de ce Supplément, que le protagoniste de ces idées aventureuses n’en fut pas moins « celui des philosophes du siècle qui cultiva le plus pieusement les relations de père, de fils, de frère, et qui sentit et pratiqua le mieux la moralité de la famille. »