Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/284

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C’est un paradoxe à expliquer… Le style de cet ouvrage est de toutes les couleurs, comme l’arc-en-ciel : folâtre, poétique, sévère, sublime, léger, élevé, ingénieux, grand, éclatant, tout ce qu’il plaît à l’auteur et au sujet… Résumons. Le livre de l’Esprit est l’ouvrage d’un homme de mérite. On y trouve beaucoup de principes généraux qui sont faux ; mais, en revanche, il y a une infinité de vérités de détail. L’auteur a monté la métaphysique et la morale sur un haut ton ; et tout écrivain qui voudra traiter la même matière, et qui se respectera, y regardera de près. Les ornements y sont petits pour le bâtiment. Les choses d’imagination sont trop faites : il n’y a rien qui aime tant le négligé et l’ébouriffé que la chose imaginée. La clameur générale contre cet ouvrage montre peut-être combien il y a d’hypocrites de probité. Souvent les preuves de l’auteur sont trop faibles, eu égard à la force des assertions ; les assertions étant surtout énoncées nettement et clairement. Tout considéré, c’est un furieux coup de massue porté sur les préjugés en tout genre. Cet ouvrage sera donc utile aux hommes. Il donnera par la suite de la considération à l’auteur ; et quoiqu’il n’y ait pas le génie qui caractérise l’Esprit des lois de Montesquieu, et qui règne dans l’Histoire naturelle de Buffon, il sera pourtant compté parmi les grands livres du siècle.