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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/286

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Nous avons vu longtemps les bras de l’homme lutter contre les bras de la nature ; mais les bras de l’homme se lassent, et les bras de la nature ne se lassent point.

Un royaume tel que celui-ci, se compare fort bien à une énorme cloche mise en volée. Une longue suite d’enfants imbéciles s’attachent à la corde, et font tous leurs efforts pour arrêter la cloche dont ils diminuent successivement les oscillations ; mais il survient tôt ou tard un bras vigoureux qui lui restitue tout son mouvement.

Sous quelque gouvernement que ce soit, la nature a posé des limites au malheur des peuples. Au-delà de ces limites, c’est ou la mort, ou la fuite, ou la révolte. Il faut rendre à la terre une portion de la richesse qu’on en obtient ; il faut que l’agriculteur et le propriétaire vivent. Cet ordre des choses est éternel, le despote le plus inepte et le plus féroce ne saurait l’enfreindre.

J’écrivais avant la mort de Louis XV[1] : « Cette préface est hardie : l’auteur y. prononce sans ménagement que nos maux sont incurables. Et peut-être aurais-je été de son avis, si le monarque régnant avait été jeune. »

On demandait un jour comment on rendait les mœurs a un peuple corrompu. Je répondis : Comme Médée rendit la jeunesse à son père, en le dépeçant et le faisant bouillir….. Alors, cette réponse n’aurait pas été très-déplacée.


SECTION I.


L’auteur emploie les quinze chapitres qui forment cette section à établir son paradoxe favori, « que l’éducation seule fait toute la différence entre des individus à peu près bien organisés….. » condition dans laquelle il ne fait entrer ni la force, ni la faiblesse, ni la santé, ni la maladie, ni aucune de ces qualités physiques ou morales qui diversifient les tempéraments et les caractères.

  1. Avant mai 1774, c’est-à-dire dans les premières notes sur l’Homme, dont la rédaction a été reprise jusqu’à trois fois.