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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/367

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Il dit : Le hasard fait les hommes de génie. Dites : Il les place dans des circonstances heureuses.

Il dit : Il n’ a rien dont on ne vienne à bout avec de la contention d’esprit et du travail. Dites : On vient à bout de beaucoup de choses.

Il dit : L’instruction est la source unique de la différence entre les esprits. Dites : C’est une des principales.

Il dit : On ne fait rien d’un homme qu’on ne puisse faire d’un autre. Dites : Cela me semble quelquefois.

Il dit : L’influence du climat est nulle sur les esprits. Dites : On lui accorde trop.

Il dit : C’est la législation, le gouvernement qui rendent seuls un peuple stupide ou éclairé. Dites : Je l’accorde de la masse ; mais il y eut un Sâadi, de grands médecins, sous les califes.

Il dit : Le caractère dépend entièrement des circonstances. Dites : Je crois qu’elles le modifient.

Il dit : On fait à l’homme le tempérament qu’on lui veut ; et quel que soit celui qu’il a reçu de la nature, il n’en a ni plus ni moins d’aptitude au génie. Dites : Le tempérament n’est pas toujours un obstacle invincible aux progrès de l’esprit.

Il dit : Les femmes sont susceptibles de la même éducation que les hommes. Dites : On pourrait les élever mieux qu’on ne fait.

Il dit : Tout ce qui émane de l’homme se résout, en dernière analyse, à de la sensibilité physique. Dites : Comme condition, mais non comme motif.

Il dit : Il en coûte souvent plus pour entendre une démonstration que pour trouver une vérité. Dites : Mais cela ne prouve point l’égalité du génie.

Il dit : Tous les hommes communément bien organisés sont également propres à tout. Dites : À beaucoup de choses.

Il dit : L’échelle prétendue qui sépare les esprits est une chimère. Dites : Elle est peut-être moins longue qu’on ne l’imagine.

Et ainsi de toutes ses assertions, aucune qui soit ou absolument vraie ou absolument fausse.

Il fallait être bien entêté ou bien maladroit pour ne s’en être pas aperçu et n’avoir pas effacé des taches légères sur lesquelles l’envie des uns, la haine des autres appuiera sans mesure, et