Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/373

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fèrent le reposa toutes les jouissances qu’on n’obtient que par des soins. Qu’attendre de celui qui a mis son bonheur dans la paresse ? Niez-vous l’existence des vrais paresseux ? Nous le sommes tous par intervalles, et il y a des hommes nés las.

Il dit qu’il est étonnant que des hommes s’occupent sérieusement de tours et d’arts futiles. Dites qu’il ne faut pas s’étonner que quelques-uns s’occupent de ce qui en amuse un grand nombre d’autres. Chez les Romains, le peuple quittait les pièces de Térence pour des sauteurs, des funambules et autres bateleurs de cette espèce. Le poëte qui s’en plaignait avait raison ; le philosophe qui en eût été surpris, aurait mal connu le peuple.

Il dit qu’il veut détruire le merveilleux et non le mérite de l’esprit. Dites qu’on ne détruit point le merveilleux d’une chose utile, grande et rare par quelque cause que ce puisse être.

Si Helvétius avait eu autant de justesse que d’esprit et de sagacité, combien de choses fines et vraies il n’aurait pas dites ! Il est heureux qu’il se soit trompé. Il y a toujours quelque chose à apprendre dans les ouvrages des hommes à paradoxe, tels que lui et Rousseau ; et j’aime mieux leur déraison qui me fait penser, que des vérités communes qui ne m’intéressent point. S’ils ne me font pas changer d’avis, presque toujours ils tempèrent la témérité de mes assertions.

Il dit : Le mot esprit juste comprend dans sa signification étendue toutes les différentes sortes d’esprit. Ajoutez, vous : Est-ce qu’il y a différentes sortes d’esprit ? Vous ne pouvez le nier sans contredire l’expérience, ni l’accorder sans renoncer à vos principes. Il y a des esprits vifs, des esprits lourds, mais ou ces instruments différents sont capables ou ils sont incapables des mêmes ouvrages. Quidquid dixeris, argumentabor.

Il dit : Les jansénistes disaient que les jésuites avaient introduit le plaisir dans un ballet, et que pour le rendre plus piquant ils l’avaient mis en culotte[1] ; il faut rendre justice aux jésuites, cette accusation est fausse. Dites, vous : Il faut rendre

  1. « Les jésuites donnèrent à Rouen, en 1750, un ballet dont l’objet était de montrer « que le plaisir forme la jeunesse aux vraies vertus, c’est-à-dire, première entrée, aux vertus civiles ; seconde entrée, aux vertus guerrières ; troisième entrée, aux vertus propres à la religion. » Ils avaient, dans ce ballet, prouvé cette vérité par des danses. La Religion personnifiée y avait un pas de deux avec le Plaisir ; et, pour rendre le Plaisir plus piquant, disaient alors les jansénistes, les jésuites l’ont mis en culotte. » (De l’Homme, section II, chapitre xvi.)