Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/420

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l’âge mûr, et vous convenez qu’il n’y a guère d’autre différence sensible entre ces deux âges que celle de l’organisation plus ou moins développée ; et vous n’accordez aucun effet à l’organisation de deux enfants, bien que cette organisation de deux enfants d’un même âge n’ait d’autre différence que celle de deux hommes d’âges différents !

Vous accusez Rousseau de contradiction, et vous avez raison ; mais vous lui donnez bien sa revanche. Si je vous demande en plusieurs endroits de votre premier volume d’où naît la pensée sublime qui doit illustrer tel homme, vous me répondrez nettement : d’une heureuse chance. Ici ce n’est plus cela, c’est une conséquence de l’âge, de la sève, des fleurs et d’un fruit qui se noue, un enchaînement de causes naturelles et connues.

Page 39. — À mesure que la vieillesse approche, l’homme est moins attaché à la terre.

Cela est-il bien vrai ?


CHAPITRE VIII.


Page 41. — Si les caractères étaient l’effet de l’organisation, il y aurait en tout pays un certain nombre d’hommes de caractère.

Aussi cela est-il vrai.

Pourquoi n’en voit-on communément que dans les pays libres ?

Pourquoi en voit-on quelques-uns chez les nations les plus esclaves ?

Est-il quelque maxime morale qui fasse fondre une loupe ?

Toujours l’organisation de la tête comparée à celle du pied. Mon philosophe, vous aurez remarqué sans doute que l’exercice fortifiait les organes, et vous auriez pu remarquer que l’inaction les détruit. Liez à un enfant un de ses bras en naissant, faites qu’il ne s’en serve point, et vous réduirez ce membre à rien. Pareillement une disposition naturelle à quelque vice, à quelque vertu, à quelque talent, à force d’être contrariée, peut être anéantie : l’organe reste, mais sans vigueur. Faute de marcher, nos femmes ont presque perdu l’usage de leurs jambes, mais si la nature leur avait refusé des jambes, y aurait-il quelque moyen artificiel de leur en donner ? L’avantage de l’éducation consiste à perfectionner l’aptitude naturelle, si elle est bonne, à l’étouffer ou à l’égarer, si elle est mauvaise,