Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/440

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Ce n’est donc point le grand nombre des valets, c’est le très-petit nombre des bons qui doit étonner.

Ibid. — De toutes les réflexions qui se présentent sur cette page et sur la suivante, je n’en ferai qu’une, c’est qu’il y a beaucoup d’états dans la société qui excèdent de fatigue, qui épuisent promptement les forces et qui abrègent la vie, et quel que soit le salaire que vous attachiez au travail, vous n’empêcherez ni la fréquence ni la justice de la plainte de l’ouvrier.

Avez-vous jamais pensé à combien de malheureux l’exploitation des mines, la préparation de la chaux de céruse, le transport du bois flotté, la cure des fosses causent des infirmités effroyables et donnent la mort ?

Il n’y a que les horreurs de la misère et l’abrutissement qui puissent réduire l’homme à ces travaux. Ah ! Jean-Jacques, que vous avez mal plaidé la cause de l’état sauvage contre l’état social !

Oui, l’appétit du riche ne diffère point de l’appétit du pauvre, je crois même l’appétit de celui-ci beaucoup plus vif et plus vrai ; mais pour la santé et le bonheur de l’un et de l’autre, peut-être faudrait-il mettre, le pauvre au régime du riche et le riche au régime du pauvre. C’est l’oisif qui se gorge de mets succulents, c’est l’homme de peine qui boit de l’eau et mange du pain, et tous les deux périssent avant le terme prescrit par la nature, l’un d’indigestions et l’autre d’inanition. C’est celui qui ne fait rien qui s’abreuve à longs traits du vin généreux qui réparerait les forces de celui qui travaille.

Si le pauvre et le riche étaient également laborieux et frugals, tout ne serait pas compensé entre eux. La différence des aliments et des travaux, des aliments pauvres et succulents, des modérés et continus, mettraient encore une grande différence entre la durée moyenne de leur vie.

Ou passez-vous de métaux, ou permettez aux mines d’être pestilentielles.

Les mines du Hartz recèlent dans leurs immenses profondeurs des milliers d’hommes qui connaissent à peine la lumière du soleil et qui atteignent rarement l’âge de trente ans. C’est là qu’on voit des femmes qui ont eu douze maris.

Si vous fermez ces vastes tombeaux, vous ruinez l’État et vous condamnez tous les sujets de la Saxe ou à mourir de faim ou à s’expatrier.