Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/518

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CRUDELI.

De mon mieux.

LA MARÉCHALE.

Quoi ! vous ne volez point, vous ne tuez point, vous ne pillez point ?

CRUDELI.

Très-rarement.

LA MARÉCHALE.

Que gagnez-vous donc à ne pas croire ?

CRUDELI.

Rien du tout, madame la maréchale. Est-ce qu’on croit, parce qu’il y a quelque chose à gagner ?

LA MARÉCHALE.

Je ne sais ; mais la raison d’intérêt ne gâte rien aux affaires de ce monde ni de l’autre.

CRUDELI.[1]

J’en suis un peu fâché pour notre pauvre espèce humaine. Nous n’en valons pas mieux.

LA MARÉCHALE.

Quoi ! vous ne volez point ?

CRUDELI.

Non, d’honneur.

LA MARÉCHALE.

Si vous n’êtes ni voleur ni assassin, convenez du moins que vous n’êtes pas conséquent.

CRUDELI.

Pourquoi donc ?

LA MARÉCHALE.

C’est qu’il me semble que si je n’avais rien à espérer ni à craindre, quand je n’y serai plus, il y a bien de petites douceurs dont je ne me priverais[2] pas, à présent que j’y suis. J’avoue que je prête à Dieu à la petite semaine.

  1. Nous rétablissons ici la coupure d’après la Correspondance secrète. Il n’est pas dans le tour d’esprit de la maréchale de dire du mal de la raison d’intérêt, sur laquelle roule presque toute son argumentation.
  2. Variante : sèvrerais. (Corresp. secrète.)