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AVERTISSEMENT DE NAIGEON
DANS L’ÉDITION DE 1798


M. de Mont…, militaire fort dévot, crédule même jusqu’à la superstition, comme le sont plus ou moins tous les hommes peu instruits, ayant fait lire à Diderot le premier Dialogue, ce philosophe y reconnut sans peine l’ouvrage d’un théologien, d’un de ces hommes qui se croient modestement les interprètes de la Divinité, et un moyen d’union entre elle et les faibles mortels. Il ne fut pas surpris, mais indigné du ton qui règne dans cet écrit, ou plutôt dans cette satire, où bien loin d’exposer fidèlement, ainsi que l’exigeaient la justice et le respect qu’on doit à la vérité, la doctrine des incrédules modernes, on ne trouve partout que les définitions inexactes et les fausses idées d’un controversiste ignorant ou de mauvaise foi, substituées à celles des philosophes, et les vrais principes de ceux-ci exagérés, portés à l’extrême, afin de rendre les uns et les autres tout à la fois ridicules et odieux. Quoique très-éloigné par caractère, comme par réflexion, de tout ce qui pouvait l’engager dans une dispute avec un prêtre, espèce d’homme qu’il ne faut avoir ni pour ami ni pour ennemi, Diderot proposa à M. de Mont…, que la diatribe anti-philosophique du théologien avait fortifié dans ses préjugés, de répondre à cette déclamation et d’en faire sentir le vague et la faiblesse. Cette réponse, qui est excellente, ainsi que les notes qu’il y joignit, ne lui coûta que le temps de l’écrire. M. de Mont…, qu’elle n’avait pas fait changer d’opinion, mais qu’elle avait rendu, sur plusieurs points importants, un peu moins sûr de son fait, la jugea digne d’une réfutation, et se hâta même, dans cette vue, de la communiquer au théologien. Celui-ci, qui, sans être lié avec Diderot, le rencontrait quelquefois dans une société qui leur était commune, cessa dès lors de garder le voile de l’anonyme, et joua tout son jeu. Plein de confiance dans ses propres forces, et fier d’entrer en lice avec un philosophe qui jouissait déjà d’une grande réputation, il entreprit