Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/422

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Il ne serait cependant pas, il faut bien le dire, trop en dehors du mouvement de la société moderne. Ce qui est remarquable, en outre, c’est qu’on y découvre déjà les reproches contre la méthode d’enseignement des langues anciennes et deux des aspirations que nous croyons propres à notre temps : l’éducation professionnelle et l’instruction gratuite et obligatoire.

Si l’auteur ne se prononce pas pour l’instruction laïque, c’est pour ne pas choquer les convenances que lui avait prescrites son illustre correspondante. Mais il ne se fait pas faute de lui dire incidemment quelles seraient ses préférences sur ce point. Quant à ce qui est de la gratuité, il va même plus loin que nous n’allons encore : il veut que les enfants soient nourris à l’école pour enlever leur dernier prétexte aux parents récalcitrants.

Nous ne savons pas exactement à quelle époque le Plan fut achevé. Les dernières années du philosophe furent très-laborieuses ; c’est alors qu’il écrivit ses trois grands ouvrages : la Réfutation de l’Homme ; l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron, le Plan d’une Université, et beaucoup d’autres d’un genre différent, comme Jacques le Fataliste, des Dialogues, etc. Le Plan, quoique certaines dates citées fassent supposer qu’il était terminé en 1776, étant un résumé des réflexions de toute la vie de Diderot sur l’éducation, nous a paru pouvoir sans inconvénient être placé chronologiquement ici.

M. Guizot, dans sa publication, s’est borné à la première partie, celle qui concerne la Faculté des arts. C’est, en effet, celle qui devait avoir alors et qui aura encore, sans doute, aujourd’hui, le plus d’intérêt pour le lecteur. Cependant il est impossible, quand on ne connaît que ce fragment, de se rendre compte de la portée de l’œuvre. Ce n’est qu’en la lisant en entier qu’on y reconnaît cette tête à laquelle on doit le Prospectus de l’Encyclopédie. C’est une grande vue d’ensemble où, sans appareil systématique, se déroulent simplement et logiquement des idées généralement justes et dont quelques-unes ne sont inapplicables que parce que la routine et les abus s’y opposent toujours, comme au temps de Diderot. Naigeon (Mémoires) avait raison quand il disait : « Remarquons que cet ouvrage de Diderot, un des plus graves et des plus importants par son objet dont il se soit jamais occupé, suffirait pour prouver combien ses idées et ses connaissances étaient bien liées, bien ordonnées dans sa tête. Strictement renfermé dans les limites de son sujet, il ne s’est permis aucun écart, aucune digression, aucune de ces excursions philosophiques qu’on trouve dans plusieurs de ses écrits, mais que la nature de celui-ci ne comportait pas ; car il en est du bien qu’on dit comme de celui qu’on fait ; ils ont tous deux leur moment qu’il faut savoir prendre et d’où dépend tout l’effet qu’ils doivent produire. »