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PLAN
D’UNE UNIVERSITÉ
POUR
LE GOUVERNEMENT DE RUSSIE


DE L’INSTRUCTION.

Instruire une nation, c’est la civiliser ; y éteindre les connaissances, c’est la ramener à l’état primitif de barbarie. La Grèce fut barbare ; elle s’instruisit et devint florissante. Qu’est-elle aujourd’hui ? Ignorante et barbare. L’Italie fut barbare ; elle s’instruisit et devint florissante : lorsque les arts et les sciences s’en éloignèrent, que devint-elle ? Barbare. Tel fut aussi le sort de l’Afrique et de l’Égypte, et telle sera la destinée des empires dans toutes les contrées de la terre et dans tous les siècles à venir.

L’ignorance est le partage de l’esclave et du sauvage. L’instruction donne à l’homme de la dignité, et l’esclave ne tarde pas à sentir qu’il n’est pas né pour la servitude. Le sauvage perd cette férocité des forêts qui ne reconnaît point de maître, et prend à sa place une docilité réfléchie qui le soumet et l’attache à des lois faites pour son bonheur. Sous un bon souverain c’est le meilleur des sujets ; c’est le plus patient sous un souverain insensé.

Après les besoins du corps qui ont rassemblé les hommes pour lutter contre la nature, leur mère commune et leur infatigable ennemie, rien ne les rapproche davantage et ne les serre plus étroitement que les besoins de l’âme. L’instruction adoucit les caractères, éclaire sur les devoirs, subtilise les vices, les étouffe ou les voile, inspire l’amour de l’ordre, de la justice et des vertus, et accélère la naissance du bon goût dans toutes les