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DE L’ORDRE DES ÉTUDES.

Après cette observation, je reviens à la comparaison que j’ai faite d’un cours de la science universelle à une grande avenue à l’entrée de laquelle il se présente une foule de sujets qui crient tous à la fois : « Instruction, instruction ! Nous ne savons rien ; qu’on nous apprenne. »

La première chose que je me dis à moi-même, c’est que tous ne sont ni capables ni destinés à suivre cette longue avenue jusqu’au bout.

Les uns iront jusqu’ici ; d’autres jusque-là ; quelques-uns un peu plus loin ; mais à mesure qu’ils avanceront, le nombre diminuera.

Quelle sera donc la première leçon que je leur donnerai ? la réponse n’est pas difficile. Celle qui leur convient à tous, quelle que soit la condition de la société qu’ils embrassent.

Quelle sera la seconde ? Celle qui, d’une utilité un peu moins générale, conviendra au nombre de ceux qui me resteront.

Et la troisième, celle qui, moins utile encore que la précédente, conviendra au nombre moins grand de ceux qui m’auront suivi jusqu’ici.

Et ainsi de suite jusqu’au bout de la carrière, l’utilité de l’enseignement diminuant à mesure que le nombre de mes auditeurs diminue.

Je classerai les sciences et les études, comme notre historien naturaliste, M. de Buffon, a classé les animaux, comme il eût classé les minéraux et les végétaux. Il a parlé d’abord du bœuf, l’animal qu’il nous importe le plus de bien connaître ; ensuite du cheval ; puis de l’âne, du mulet, du chien ; le loup, l’hyène, le tigre, la panthère, occupent d’après sa méthode un rang d’autant plus éloigné dans la science, qu’ils sont plus loin de nous dans la nature, et que nous en avons eu moins d’avantages à tirer ou moins de dommages à craindre.

Qu’en arrivera-t-il ? C’est que celui qui n’aura pas eu la force ou le courage de suivre la carrière de l’université jusqu’à la fin, plus tôt il l’abandonnera, et moins les connaissances qu’il laissera en arrière, plus celles qu’il emportera, lui étaient nécessaires.