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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/454

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connaissance des devoirs de l’homme et du citoyen, de tout ce qui tient aux lois des sociétés entre elles, aux religions, aux différents gouvernements, aux mœurs et aux usages des nations, à la société dont on est membre, aux passions, aux vices, aux vertus, aux caractères et à toute la morale ? Quelle érudition ne remarque-t-on pas dans Homère et Virgile ! Que n’avaient-ils pas étudié avant que d’écrire ? Nos poëtes Corneille et Racine, moins instruits, n’auraient pas été ce qu’ils furent. Qu’est-ce qui distingue particulièrement Voltaire de tous nos jeunes littérateurs ? l’instruction. Voltaire sait beaucoup et nos jeunes poètes sont ignorants. L’ouvrage de Voltaire est plein de choses ; leurs ouvrages sont vides. Ils veulent chanter, ils ont du gosier ; mais, faute de connaissances, ils ne chantent que des fadaises mélodieuses.

La profession de poëte exige donc de longues études. La variété des connaissances primitives qui lui sont nécessaires, suppose donc qu’il s’est avancé fort loin dans la carrière des écoles publiques. Le nombre des élèves s’éclaircissant à mesure que cette carrière se prolonge, il se trouve donc dans la classe la plus voisine de la fin et la plus diminuée, et tant mieux. J’en dis autant des orateurs, des érudits et des autres professions qui ne souffrent pas de médiocrité, et à qui l’instruction ne sert de rien sans le génie ; d’ailleurs peu nécessaires dans une société, même quand on y excelle.

Lorsqu’on place à la tête d’un cours d’études publiques la connaissance des langues anciennes, on annonce précisément le projet de peupler une nation de rhéteurs, de prêtres, de moines, de philosophes, de jurisconsultes et de médecins…

Plus de philosophes que de médecins, plus de médecins que d’hommes de loi, plus d’hommes de loi que d’orateurs, presque point de poëtes.


OBJET D’UNE ÉCOLE PUBLIQUE.

L’objet d’une école publique n’est point de faire un homme profond en quelque genre que ce soit, mais de l’initier à un grand nombre de connaissances dont l’ignorance lui serait nuisible dans tous les états de la vie, et plus ou moins honteuse dans quelques-uns. L’ignorance des lois serait pernicieuse dans