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DIEU ET L’HOMME[1]


PAR M. DE VALMIRE.




Je ne connais point M. de Valmire ; son ouvrage, tout absurde qu’il est, aurait fait assez de sensation pour compromettre la liberté de l’auteur, s’il eût été écrit avec de la chaleur et de l’imagination. M. de Valmire devra son repos à son obscurité scolastique et à son mauvais style. Ce métaphysicien-ci admet l’existence de Dieu, et explique cependant toutes les fonctions de l’âme par des moyens mécaniques et matériels. Il se tue à prouver la possibilité de la Trinité ; il fait de l’intelligence, de la puissance et de l’amour, trois essences substantielles distinctes. Pour trois personnes, il ne les connaît pas ; sauf le respect qu’il doit aux théologiens, c’est une bassesse qu’il ne saurait digérer. Il est grand défenseur de la liberté de penser. Chez lui, les idées, les pensées sont des propriétés de la matière. Le libre arbitre est la plus étrange de toutes les choses qui pouvaient tomber dans la tête d’un être enchaîné avec un ordre de choses universel. Il faudrait, pour qu’il y eût quelque liberté dans l’univers, qu’une molécule menât le temps, et n’en fût pas menée. Ainsi Dieu n’est pas libre. L’homme n’est pas libre. Cependant l’homme qui ne saurait démériter, peut mériter, et comment cela ? Comment ? par la souffrance à laquelle il a été exposé sans rime ni raison, et dont on lui doit un dédommagement. M. de Valmire fait sa cour aux théologiens tant qu’il peut. Il explique le péché originel, le mystère de l’incarnation, celui de la transsubstantiation, et le reste. Cet homme ne connaît guère les gens à qui il a affaire. Ils ne lui sauront aucun gré des pau-

  1. Cet ouvrage de M. Sissous de Valmire parut en 1771, in-12, Amsterdam (Troyes). On l’a confondu quelquefois, paraît-il, avec celui de Voltaire, intitulé « Dieu et les hommes, œuvre théologique, mais raisonnable. »