Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sortez, peuple d’Israël ; sortez de l’Égypte ; prenez, volez, pillez aux Égyptiens à qui vous devez la vie, le peu de richesses que leur a laissé votre Dieu inhumain ; et après avoir tout saccagé, sauvez-vous, brigands, dans les déserts.

Mais l’Égypte possède encore une poignée d’hommes. Le Dieu de Jacob leur laissera-t-il la liberté de vivre ? Ils vont bientôt cesser d’être, ils ne sont déjà plus. Je les vois sur une mer orageuse, Pharaon à leur tête, flotter au gré des vagues, avec leurs chevaux, leurs chars, et leurs équipages. Un vent favorable les pousse sur le rivage et donne aux enfants de Jacob les trésors qu’ils n’ont pu enlever.

Chantez, Moïse, chantez les louanges de votre maître ; que le peuple se prosterne, et tous ensemble célébrez la puissance, mais surtout la miséricorde et la tendresse infinie de votre Dieu qui vient d’éclater par la perte de ses enfants.

Une colonne de feu brille sur ma tête, le jour paraît et tout à coup ce feu se change en un nuage épais, qui sans priver de sa lumière garantit de la trop grande ardeur du soleil. Suivons ce nuage et ce peuple qu’il va conduire.

J’entre dans le désert. Quelle vaste solitude ! deux millions d’hommes sortent de l’Égypte ; quel lieu plus propre à leur servir de tombeau ! Sur le haut d’une montagne, au milieu des éclairs, au bruit du tonnerre paraît avec éclat porté sur les nues un législateur nouveau. Dieu lui-même, environné de toute sa gloire, donne ses ordres à Moïse et grave sur deux tables de pierre ses lois suprêmes dont il rend dépositaire le chef d’Israël. Moïse, plein de l’esprit de son Dieu, instruit de ses devoirs, quitte à peine son maître qu’il entend de la montagne sainte des cris de joie et le son de plusieurs instruments. Un veau d’or élevé par le peuple, de l’aveu de son frère Aaron, comme l’objet de son culte, est ce qui d’abord frappe sa vue. Que va-t-il faire ? Il entre en fureur, et, sacrilège par zèle, il brise le dépôt que lui a confié le Très-Haut. Sa frénésie ne se borne pas à cet excès. « Que quiconque a du zèle pour le Seigneur, se joigne à moi, » s’écrie-t-il. Une troupe de frénétiques se range à l’instant de son parti. Qu’on s’arme, qu’on marche au carnage, qu’on n’écoute ni la pitié ni le sang. Le Seigneur est irrité, il veut être vengé. Plus les victimes que vous immolerez vous seront chères, plus Dieu sera satisfait.